En l’espace d’une décennie, Yvonne Berthe Cissé a réussi à marquer son empreinte au service numérisation de la BU, de surcroît lorsqu’il s’agit des dossiers de candidatures au CAMES.
L’accès à son bureau nécessite le passage par un labyrinthe au sein de la Bibliothèque Universitaire. Mais pour les enseignants, ça vaut bien le détour, car c’est là qu’il faut procéder à la numérisation des dossiers à envoyer au CAMES (Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur). Depuis 2013, année de son recrutement à l’Université, Mme Noudofinin née Yvonne Berthe Cissé ne cesse de marquer son empreinte.
Dès l’ouverture de la plateforme du CAMES pour les dossiers de candidatures, elle voit ses heures de pause se rétrécir de jour en jour, surtout pendant la période charnière allant de fin décembre à mi-février. « Je descends à des heures tardives tous les jours. Le jour de la clôture de la plateforme, je suis là pratiquement jusqu’à minuit en attentes d’éventuelles sollicitations, vu qu’à chaque fois les enseignants procèdent à des changements ou insertions de documents. Je suis donc obligée de rester pour finaliser le travail », confie-t-elle.
A la BU, le travail démarre à 8H. Les mois du CAMES sont des journées marathon pour Yvonne, sans répit. Même pas de pause pourtant prévue entre 12h et 15h. Ainsi, donc pour démarrer sa journée, elle a besoin de prendre son petit déjeuner pour pouvoir tenir. « On reste sur place toute la journée pour les besoins du CAMES, les rares pauses opérées sont pour grignoter quelque chose ou se rendre aux toilettes ».
Cette charge de travail n’est pas sans conséquence sur la santé. Il fût une année où elle en est tombée malade, au point d’être hospitalisée. Mais même son sur lit d’hôpital, elle s’inquiétait pour les dossiers de « ses candidats ». « Les infirmières me disaient, Yvonne arrête, c’est le Cames qui t’a amenée ici et tu continues », sourit-elle. Elle continuait malgré tout à rendre service même sur son lit d’hospitalisation. « Ils m’appelaient pour me demander comment ranger et/ou mettre tel document sur le site ».
Après cet épisode, un collègue bibliothécaire est venu en renfort pour la numérisation des dossiers. Seulement, il a quitté depuis l’année dernière pour l’Université Amadou Mahtar Mbow. Ainsi, la numérisation des dossiers du CAMES revient à nouveau à Yvonne et à son chef de service qui ne sont que deux à s’occuper de cette question.
Au-delà du CAMES, les tâches d’Yvonne sont la numérisation et le traitement des mémoires et thèses, des revues, des documents rares et précieux comme les manuscrits de René Maran, sans compter les articles des enseignants au CAMES à dépouiller, pour l’alimentation de la bibliothèque numérique de l’UCAD.
Malheureusement, son travail se fait avec du matériel non adapté à la situation. « Mon scanner est vraiment trop lent », se plaint-elle. Auparavant, il y avait un scanner performant reçu de l’UNESCO sous forme de don. Il est tombé en panne et le nouveau n’est pas fait pour une numérisation professionnelle. « Avant, je prenais jusqu’à trois dossiers par jour, mais actuellement, je suis obligée de me limiter à un seul », se désole-t-elle.
Pour le reste de la journée, jusqu’à la nuit, se sont des candidats qui viennent retirer ou insérer des documents. D’où ce plaidoyer pour avoir un scanner à défilement professionnel, mais aussi bénéficier d’un accompagnement en termes de stages et voyages d’imprégnation pour l’acquisition de nouvelles connaissances en numérisation.
En attendant, elle se débrouille toute seule, en effectuant beaucoup de recherches pour la mise à jour de ses connaissances dans ce domaine.
L’autre doléance est liée à une crèche à l’UCAD pour concilier la vie familiale et les obligations professionnelles.
Parallèlement à son travail, Yvonne suit des cours de master à l’EBAD. Avec un volume horaire plutôt important, même si ce sont des cours à distance. « En plus des classes virtuelles, nous avons deux évaluations tous les mercredis et samedis, ce qui fait que, quelle que soit mon heure de descente, il faut réviser et préparer les évaluations », ajoute-t-elle. Du coup, elle ne ferme l’œil que vers 1h 30 mn voire 2h du matin pour se réveiller à 6h. Le tout sans compter les tâches à la maison. « J’ai un fils qui doit réviser avec moi, si je descends un peu tôt. A défaut, monsieur s’en occupe pendant cette période. C’est très compliqué », confesse-t-elle.
Née à Rufisque en 1987 et grandi à Keur Mbaye Fall, cette musulmane qui porte le nom de sa grand-mère chrétienne a d’abord fréquenté le jardin d’enfant Tata Didi, puis l’Immaculée Conception de Rufisque, ensuite le CEM Abdoulaye Sadji et enfin le lycée de Mbao où elle a eu le BAC.
Fille d’un banquier et d’une enseignante, Yvonne n’avait pas droit à l’erreur. « On devait ramener de très bons résultats. C’était un challenge ». Dans cette famille d’intellectuels, elle avait tout pour réussir. Une maman aux méthodes assez douces et un Papa à la rigueur militaire qui dès qu’il débarque à la maison, chacun regagne sa place. « La première question, c’était toujours : est-ce que tu as appris tes leçons. Si tu dis oui, il te demande de réciter ». Gare à ceux qui diront non !
Mais aujourd’hui, c’est plutôt le temps des remerciements, car Yvonne comme les autres sont en train de récolter les fruits de cette rigueur.
Orientée en Lettres Modernes à l’Université Cheikh Anta Diop, après le BAC en 2007, elle n’a pas eu le temps de se frotter aux classiques comme Molière, Racine ou Corneille, puisqu’elle a été admise au concours d’entrée à l’Ecole de Bibliothécaires, Archivistes et Documentalistes (EBAD). Pour élargir son horizon, après une licence à l’EBAD en 2010, elle a fait une licence en création multimédia à la Faculté des Sciences et Techniques de l’UCAD.
Dans la fratrie, il y a deux autres sœurs bibliothécaires (conservateurs de bibliothèques) à côté d’Yvonne. Mais pourquoi donc une seule banquière et zéro enseignant dans cette maison ? « C’est dû à l’influence de mon oncle conservateur de bibliothèque qui fût le premier directeur de la bibliothèque universitaire à l’UGB de Saint-Louis. Il a même fait la BU », explique Yvonne.
En vérité, la gamine qui rêvait d’être dans les nuages en tant que hôtesse de l’air a voulu un instant embrasser l’enseignement pour suivre les traces de la maman au Centre d’enseignement technique féminin. Mais sa mère lui voulait des études plus poussées. Et c’est justement ce qui est en train de se réaliser avec ce master à l’EBAD. Avec toujours le souci d’avoir de bons résultats. D’où cette première place au premier semestre de l’année dernière et une deuxième place au second semestre.
Pourquoi pas donc une carrière d’enseignante pour réaliser ce rêve d’enfant ? « Peut-être ! Je voudrais bien après le Master, s’il plait à Dieu, faire mon doctorat pour au moins enseigner la numérisation qui est incontournable de nos jours ».