Des experts mondiaux réunis lors d’une table ronde organisée dans le cadre du deuxième sommet international sur la production alimentaire à Dakar ont appelé à accélérer les efforts pour combler le déficit financier dans l’agriculture et à lever les obstacles d’accès au marché financier croissant des petites et moyennes entreprises (PME) agricoles.
Ces discussions interviennent à la suite des perturbations de la chaîne d’approvisionnement dues à la pandémie de Covid-19, à la guerre en Ukraine, à l’inflation et aux prix élevés des matières premières qui ont conduit à une insécurité alimentaire et nutritionnelle accrue.
La session, qui avait pour thème « Combler le déficit de financement », était animée par Alan Kasujja, présentateur à BBC World Service.
Au cours du sommet, le Groupe de la Banque africaine de développement et le gouvernement du Canada ont annoncé la création d’un nouveau fonds spécial destiné à soutenir les petites et moyennes entreprises (PME) africaines du secteur agricole.
Ce Mécanisme de financement catalytique pour les PME agroalimentaires vise à catalyser et à dé-risquer les investissements pour les PME agricoles. Il permettra également de renforcer les chaînes de valeur agricoles et d’améliorer la sécurité alimentaire sur le continent.
Les experts ont exhorté les prêteurs à explorer le financement mixte pour aider à dé-risquer les transactions agricoles, réduire les coûts de transaction et attirer les financements privés en améliorant les ratios risque/rendement.
« L’un des principaux défis du secteur est la compréhension des risques… Nous avons besoin de financements mixtes pour réaliser les opérations les plus risquées », a déclaré Wagner Albuquerque de Almeida, directeur mondial pour les secteurs de l’industrie manufacturière, de l’agroalimentaire et des services à la Société financière internationale (SFI), filiale de la Banque mondiale.
Admassu Tadesse, président de la Trade and Development Bank, a déclaré que le financement de l’agriculture n’est pas aussi risqué qu’on le croit souvent. « Cela dépend de quelle partie du cycle. Nous nous concentrons sur la fin du cycle, là où le risque est faible », a-t-il déclaré.
Les banques commerciales locales constituent la principale source de financement des PME agricoles. Toutefois, elles préfèrent investir dans des entreprises plus grandes et plus matures, telles que des agrégateurs et des transformateurs locaux bien établis qui contrôlent le marché régional ou national, a noté M. Tadesse.
Danladi Verheijen, cofondateur et directeur général de Verod Capital, une société d’investissement en fonds privés, a souligné que l’agriculture devait être considérée comme une opportunité d’investissement.
« Les investisseurs veulent s’engager là où les rendements sont élevés », a-t-il déclaré, notant que l’un des défis de l’agriculture est de trouver des entreprises d’une taille suffisamment attrayante pour que les intermédiaires financiers s’engagent avec elles.
Les panélistes ont également noté que les chaînes de valeur alimentaires en Afrique ne sont actuellement pas mises en place pour maximiser le potentiel de notre système alimentaire. Cette prise de conscience croissante a poussé les acteurs du secteur agricole africain à rechercher des solutions pratiques pour rétablir la sécurité alimentaire du continent.
Il existe un vaste potentiel d’établissement de liens de production et de commerce, ainsi que de synergies entre les différents acteurs tout au long de la chaîne de valeur agroalimentaire : producteurs, transformateurs et exportateurs.
« Tous les éléments doivent être réunis. Il faut disposer d’un « airbag » si les choses tournent mal », a déclaré Heike Harmgart, directrice générale pour le sud et l’est de la Méditerranée à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement.
Les intervenants ont également exhorté les agriculteurs et les PME agricoles à « reprendre leur pouvoir » par le biais des coopératives. « Nous devons les aider à s’organiser pour créer des clusters et des coopératives et pour instaurer une certaine professionnalisation du secteur », a déclaré M. Albuquerque de Almeida.
En accord avec M. Almeida, Olagunju Ashimolowo, vice-président des opérations de la Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO, a exhorté les gouvernements à identifier des coopératives pour gérer les agriculteurs. Il a également demandé aux éleveurs de bétail de canaliser correctement les ressources de manière à ce qu’elles soient « attrayantes et bancables ».
L’annexe sur l’agriculture numérique du Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique (AAAP) de la Banque africaine de développement déploie des technologies numériques ciblant les petits exploitants, les PME agricoles et les acteurs de la chaîne de valeur afin de former des acteurs capables d’utiliser les technologies numériques dans les pratiques agricoles.