dimanche, décembre 22, 2024

La France, Ousmane Sonko et nous !

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Plus que de simples ingérences de la France dans l’Affaire Ousmane Sonko, au Sénégal, c’est donc à une activité subversive classique que s’adonnent le pays de Marianne, avec la complicité de la bourgeoisie franco-africaine qui prend en otage nos pays. Ce qui inquiète sans doute le plus l’alliance anti-Sonko, c’est que ce discours « décolonisateur » fait des émules et trouve son écho dans les initiatives parallèles des congénères du leader de Pastef, comme Kémi Séba, Cabral Libi, Charles Blé-Goudé, les militaires au Mali et en Guinée, Banda Kani, les leaders de mouvements citoyens comme Y en a marre, Balai citoyen, Filimbi, Lucha, etc.

Des opposants ostracisés voire écrasés par les régimes fantoches mis en place et soutenus par les services secrets des pays occidentaux, une presse internationale qui travaille à aliéner les élites africaines par la diffusion d’informations truquées, des systèmes éducatifs sciemment extravertis dans le but de maintenir des générations entières dans le mythe de la toute-puissance immaculée de la France. Devenu culturel et psychologique, l’impérialisme occidental, principalement celui français, a pénétré tous les compartiments de la société. Dans les mentalités, dans les discours et dans les institutions politique et économiques, la présence de l’ancienne métropole dans la démocratie sénégalais relève du constat.
S’attaquer à un système aussi robustement ancré sous la terre, dans les eaux et même dans les esprits ne peut pas être une tâche facile et sans risque. Les intérêts étrangers sont tellement entremêlés aux intérêts d’une certaine bourgeoisie politico-affairiste que la résistance sera forcément multipolaire. Etre sur plusieurs fronts face à des adversaires nombreux et parfois très mystérieux : tel a été, tel est et tel sera probablement le sort de tout révolutionnaire panafricaniste comme Ousmane Sonko.
Ce discours et les initiatives qu’elle inspire sur le terrain des luttes politiques sont d’autant plus redoutés par la France et les satrapies africaines qu’il a lieu à un moment où s’accentuent les rivalités de puissance dans le contexte de la « nouvelle ruée vers l’Afrique ». D’autant plus que, précisément, pour Ousmane Sonko le contexte géostratégique mondial ainsi que l’irruption partout en Afrique et dans la diaspora d’une mobilisation citoyenne pour l’« achèvement de la décolonisation », sont des atouts majeurs que la nouvelle génération ne devrait pas vendanger.
En faisant de l’exploitation économique et de la marginalisation de l’Afrique son cheval de bataille, Ousmane Sonko a peut-être exhumé un combat que menaient les pères de l’indépendance et des mouvements de libération des années 70. Ce que ces derniers ont fait avec moins de moyens modernes et de « soldats » de l’esprit, il est en train de le faire avec apparemment plus de rigueur dans le domaine de la communication et de la mobilisation.
Ousmane Sonko devenu à tort ou à raison le symbole de la lutte contre l’impérialisme au Sénégal et même en Afrique. Les thèses souverainistes que défendait Cheikh Anta Diop, les efforts politiques de Kwamé Nkrumah, la passion juvénile de Thomas Sankara, etc. que les jeunes ont entendues ou lues de façon distante voire superficielles sont enfin vulgarisées à travers des projets politiques portés par des partis politiques légalement constitués et qui ambitionnent une conquête démocratique du pouvoir.
L’analyste politique français Emmanuel Desfourneaux a proposé une analyse de la gestion électorale d’Ousmane Sonko par le régime de Macky Sall ; dans sa lecture il avance également l’argument d’une « ingérence de la France », mais en réalité il évoque bien plus qu’une simple ingérence. Selon Desfourneaux, depuis la démonstration de force du parti d’Ousmane Sonko du 17 mars 2021, en France on n’est plus certain de pouvoir compter sur Macky Sall face au cas d’Ousmane Sonko. Or Macky Sall a toujours été la « pièce maitresse » de la stratégie d’Emmanuel Macron en Afrique.
Il suffit de regarder la ferveur populaire qui accompagne les sorties du leader du Pastef pour mesurer la force de frappe d’une idée bien assimilées par des milliers de personnes qui s’y reconnaissent. Les hommes convaincus d’une cause ou d’une idée deviennent eux-mêmes les outils de cette idée et sont prêts à lui servir de levier et, s’il le faut de combustible. Si les leaders panafricanistes n’ont pratiquement pas réussi à accomplir leur mission, c’est en partie parce qu’ils n’avaient pas ce bras musclé qu’est une jeunesse ivre de foi et d’espoir.
Une analyse approfondie des stratégies du régime, des déclarations de ses plus hautes autorités, de l’attitude des grandes puissances et des organisations internationales, des hauts responsables politiques du parti et de la coalition au pouvoir Benno Bokk Yaakar, ainsi que des profils de ces acteurs permet de conclure sans difficulté que le pouvoir a pris la résolution ferme d’empêcher Ousmane Sonko de participer à une autre élection par tous les moyens.
À titre d’exemple, on peut s’interroger sur les incessantes vindictes acharnées contre Sonko par les membres et alliés au régime de Macky Sall qui s’emploient tous les jours, entre panique et excès de délires paranoïaques, à diaboliser Ousmane Sonko, à lui prêter des intentions apocalyptiques, allant jusqu’à le relier à des attentats terroristes qui se prépareraient, le qualifier de « salafiste », comme si c’était illégal, de « jihadiste », de « rebelle », de « fasciste », de « nazi », à menacer sa famille, ses proches et ses collaborateurs, à harceler judiciairement et physiquement tous ses alliés de l’Opposition, à user de la force illégale au moyen du braconnage juridique, et récemment à le menacer publiquement de mort, sans que les auteurs de ces faits soient inquiétés.
Par Pape Sadio Thiam