Dans un article publié le 26 janvier dernier, sous la plume de François Delétraz, avec un titre qui se voulait accrocheur « TER de Dakar : Sénégal 0, SNCF 1, en attendant les prolongations », le journal français Le Figaro a présenté – nous lui empruntons la métaphore sportive – un pronostic hasardeux comme un résultat entériné.
Partant d’un postulat : « le TER n’est pas rentable », l’article s’efforce de trouver les arguments pouvant le valider. Entre la chronique des intrigues de couloir et des jeux de pouvoir au sein de la SNCF ou des divergences exagérées entre contractants, l’auteur s’éloigne de son sujet avant d’y revenir en ces termes : « contractuellement, le déficit de SETER est à la charge de l’Etat sénégalais ».
Seulement, il ne précise pas qu’il s’agit là d’un service public dont l’objectif n’est pas la rentabilité. En effet, l’Etat du Sénégal a fait le choix d’un tarif quasi social pour une infrastructure de mobilité à très fort taux de fréquentation. Le taux de régularité est ainsi supérieur à 98% et l’objectif d’un train toutes les dix minutes atteint.
De plus, nous faisons la différence entre la rentabilité financière qui procède d’une logique de retour pécuniaire sur investissement et la rentabilité économique et sociale qui se mesure en impacts de l’amélioration de l’accès aux transports et de la mobilité sur la productivité et le bien-être.
Il faut aussi préciser que le TER n’est pas une concession. La SNCF via sa filiale SETER est un prestataire en exploitation et maintenance détenteur d’un contrat dont la durée n’excède pas trois ans. Le patrimoine porté par la société nationale SENTER (rames, gares, trains …) et les recettes appartiennent à l’Etat du Sénégal.
En outre, préférant faire des développements autour d’un postulat faussé dès le départ, l’article omet encore de mentionner qu’en France non plus un TER ne poursuit pas un objectif de rentabilité.
Ce sont les régions traversées par le TER qui subventionnent les charges d’exploitation à hauteur de 75% en moyenne. Seuls les 25% restants sont couverts par les coûts endossés par les voyageurs.
Au Sénégal, c’est l’Etat, et non les régions, qui assure cette subvention. Celle-ci peut dépasser 75% des charges d’exploitation car il a fallu construire des infrastructures jusque-là inexistantes ce qui a forcément une incidence sur les charges.
Il est tout aussi important de relever qu’avec l’injection prochaine de sept nouvelles rames déjà commandées à Alstom et l’augmentation induite de la fréquentation, le TER dakarois pourra rester performant tout en gardant ses bas tarifs actuels et en diminuant peu à peu le montant de la subvention.
Les sept rames supplémentaires mettront fin au débat sur le déficit de recettes. Le niveau d’équilibre est attendu à n+3 (c’est-à-dire trois ans après le début de l’exploitation) dans le modèle d’affaire du projet. Celui-ci ne sera donc pas déficitaire et équilibrera ses charges et recettes d’exploitation.
Entre la souveraineté sur la gestion et le choix de nos partenaires au bout de ces trois ans nécessaires à l’atteinte de l’équilibre et l’octroi à un autre postulant d’une concession sur 25 ans, nous avons préféré la première option beaucoup plus avantageuse.
L’autre alternative, la concession longue durée à laquelle l’auteur fait référence, est celle qui avait été choisie lors des négociations autour de l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio. Le Président Macky Sall, arrivé par la suite à la tête de notre pays, avait dû imposer au concessionnaire une renégociation. Car ce dernier, au bout de quelques années d’exploitation, bénéficiait déjà d’un retour sur investissement.
Par ailleurs, le TER dans le contexte actuel est de priorité sécuritaire jusqu’à la fin mars 2024. Parmi les exploitants potentiels, la SNCF est la seule capable de garantir un fonctionnement sécuritaire de standard élevé pour ce ferroviaire électrique à grande vitesse en zone urbaine et densément peuplée.
Le Sénégal a choisi l’expérience de la SNCF en la matière pour sécuriser son investissement. D’ailleurs, l’auteur de l’article indique, par exemple, que la RATP qui était sur les rangs avant que sa candidature ne soit écartée, n’avait pas une expérience d’exploitation d’un TER en France au moment du choix porté sur la SNCF.
Plusieurs points auxquels la partie sénégalaise accorde la plus grande importance sont toujours à l’ordre du jour. Il s’agit, par exemple, de garantir à la société nationale SENTER les moyens d’audit de la société d’exploitation SETER ou encore de garantir les transferts de données pour la continuité du service.
Bien des parties du texte appellent des précisions. L’auteur affirme, entre autres, que la SNCF refuse à l’Etat du Sénégal une entrée au capital. Or, l’entrée de l’Etat du Sénégal au capital de SETER à hauteur de 34% qui constituait une exigence, est actée depuis le 17 janvier 2023. Cette part du capital sera cédée au privé national afin de permettre à ses membres d’être dans les sphères de gouvernance, de surveiller la gestion et d’acquérir de l’expérience dans le domaine.
SETER aura un président du conseil d’administration sénégalais. Aussi l’encadrement du management de la SNCF est d’actualité contrairement à ce que semble indiquer le papier du journaliste.
Lequel article est truffé d’affirmations du même genre et semble être une charge contre la SNCF dont les motivations demeurent pour nous un mystère.
Abdou Karim FOFANA
Ministre du Commerce,
de la Consommation et des PME,
Porte-parole du Gouvernement