On peut se désoler fortement du manque de moyens ( ?), de l’absence de visibilité, du peu de pouvoir et de la carence en force de propositions dans la communication gouvernementale, du BIG, Bureau d’Information Gouvernementale du Sénégal, lancé en février 2018, il y a bientôt cinq ans.
En septembre dernier, où la première mouture de cet édito a été élaborée, la dernière publication d’un document sur les politiques publiques, sur le site du BIG, datait d’il y a …deux mois auparavant. Même s’il est vrai que le BIG fonctionne aussi comme un site d’information (un peu concurrent de l’étatique APS-Agence de Presse Sénégalaise ?) et poste des articles tous les jours, sur son site.
Le BIG sénégalais, officine (?) directement et onomastiquement décalquée sur le Service d’Information du Gouvernement (SIG) qui existe en France depuis…1963, avec des changements notables de missions en 2002 et 2005 pour ce qui est du pendant hexagonal, notamment à la faveur d’Internet et des télés d’info continue qui ont augmenté les situations de communication de crise pour le gouvernement français et donné lieu à l’émergence des fameux « éléments de langage’’.
Alors ministre porte-parole, en 2018, le pourtant habituellement coruscant Seydou Gueye avait repris mot pour mot les missions du SIG français (visibles sur Wikipédia) pour désigner ceux du BIG sénégalais, en disant qu’il s’agit » d’analyser l’évolution de l’opinion publique et le contenu des médias ». Analyser l’évolution de l’opinion publique ? Le SIG français l’avait traduit en multipliant les sondages d’opinion au bénéfice exclusif des présidents français, en période électorale.
Voici le postulat du BIG, pour sa mission et sa vision de sa raison d’être : « (…) il est important de donner la bonne information notamment sur le sens de l’action du Gouvernement, mais aussi d’informer celui-ci sur l’état de l’opinion publique et des médias. (…) en faisant l’état des lieux de la communication gouvernementale, l’on constate que l’absence d’un dispositif dédié exclusivement à l’information publique constitue un frein à l’information correcte du citoyen. Ce bureau se positionne comme un centre névralgique de l’information gouvernementale qu’il coordonne en relation avec les cellules d’information et de communication des différentes structures administratives. »
Or, la main du BIG n’a pas été vue dans les grands formats de communication gouvernementale mis en place durant ce second mandat du Président Sall. Ni pour ce qui est du « Gouvernement face à la presse », ni pour les débats présidentiels rituels du 31 décembre avec la presse à la suite du discours traditionnel face à la Nation. Et encore moins, pour le « Jokko Ak Macky » de septembre dernier, meet-up online et en présentiel dont il faut reconnaître qu’il a été convivial et moderne, qui a mis Macky Sall face – à – face, dans des débats francs et sincères, avec la jeunesse et les femmes. Disons-le aussi, l’appellation « Bureau » est veillotte et sent fort son parfum de goulots d’étranglements administratifs, en cette ère de modernité numérique. « Agence » ou « Task-Force » d’Information gouvernementale (AIG ou TFIG) auraient été des choix bien plus heureux, pour baptiser ce dispositif.
Par ailleurs, le BIG est rattaché au Secrétariat Général du Gouvernement. Je pense, pour ma part, qu’il aurait fallu le rattacher au Secrétariat général de la Présidence de la République, centre névralgique où convergent et d’où partent toutes les informations et décisions, et d’où il aurait été plus aisé de savoir sur quoi communiquer et le faire avec des moyens. D’autant que Seydou Gueye, qui a présidé en 2018 à la création du BIG, a été jusqu’à peu un très articulé ministre de la Présidence de la République en charge de la Communication. . Il a été défénestré il y a deux mois, lors de la constitution, ce 17 septembre dernier, du GAB, le Gouvernement Amadou Bâ. Et que, toujours au Palais, l’ancien journaliste et ancien ministre de la Culture et de la Communication, également ancien secrétaire général du gouvernement, Abdou Latif Coulibaly, y était porte-parole du Président, et portait haut le flambeau des batailles dans l’opinion. Lui aussi vient de changer de station, à la faveur du dernier remaniement de ce mois de septembre ; il redevient Ministre, Secrétaire Général du Gouvernement, poste qu’il avait déjà occupé en 2012, au début du premier mandat présidentiel de Macky Sall. Enfin, last but not least, toujours dans le dispositif du palais de la République, il y a le philosophe et ancien directeur général du quotidien d’Etat Le Soleil, El Hadj Kassé, qui n’est pas le dernier de la classe en matière de verve dans le débat public. Quant à Seydou Gueye, il est désormais remplacé par l’ex-reporter et présentateur du journal de la radio privée Walf Fadjri au début des années 2000, Yoro Dia, qui a été propulsé en mi-septembre, ministre porte – parole en charge de la Communication de la Présidence de la république. Dia a poursuivi des humanités à l’ENA française (et a d’ailleurs créé une association des anciens énarques sénégalais de France) et était toujours étudiant, puisque sa thèse de doctorat à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar a été soutenue après sa nomination comme ministre. Son petit défaut d’élocution ne l’empêche pas d’être très fort dans le combat rhétorique.
Oui, le BIG, il aurait été mieux trouvé de le loger au Palais présidentiel. A rebours donc de son ancrage au Secrétariat général du Gouvernement, démembrement plus prompt à gérer l’élaboration longue et minutieuse et la circulation des décrets présidentiels et projets de lois, dans le respect des rituels républicains, de l’exposé des motifs et la révérence pour les circuits administratifs longs. Plutôt qu’à se préoccuper d’un faire-savoir dynamique, constant et moderne sur les politiques publiques, y compris pour les campagnes nationales de sensibilisation (incitations à la prudence routière, lutte contre le tabagisme passif, contre-action contre les fake news liés au Covid-19, promotion d’un patriotisme économique pour l’utilisation des services de La Poste moribonde, etc.). Le BIG a un comité d’orientation stratégique (COS), officiellement rattaché depuis 2018 au porte-parole du gouvernement. Cette liaison fonctionnelle et hiérarchique ne se ressent pas (ou plus ?) dans la vigueur toute relative, sinon anémique, de l’action du BIG.
Le BIG est dirigé, depuis a création en février 2018, par l’ancien journaliste presque cinquantenaire Doudou Sarr Niang. Il est de la promo 2008 du master 2 Sociologie politique des représentations de Sciences-Po Toulouse. Il aura auparavant été directeur général de l’Agence de Presse Sénégalaise (publique), travaillé dans le cabinet de l’alors Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye (secteur public), après être venu du quotidien gouvernemental Le Soleil. Un pur produit du public donc. Là où en France, qui est le pays d’inspiration du BIG sénégalais, le SIG est actuellement dirigé par Michaël Nathan, ancien vice-président de Dassault Systèmes, et a été dirigé entre 2008 et 2010 par le publicitaire Thierry Saussez, fondateur et dirigeant entre 1982 et 2008 de l’agence privée de communication Image et Stratégie.
CQFD ? Au BIG sénégalais, il faudrait (peut-être ?) du sang neuf venant du privé, seul capable de produire des personnes qui font ce que les Anglophones appellent ‘‘To think out of the box’’ : penser en dehors des cadres rigides et préétablis, sortir régulièrement des sentiers battus, et être imaginatif pour trouver les voies et moyens de son action au service du public et de l’intérêt général.
Au demeurant, le Président Abdoulaye Wade qui créa un « ministère de l’information » (sic !) en 2001 (et non pas, comme il se doit en démocratie, un ministère de la Communication) a voulu mettre sur pied un Service d’Information gouvernemental en février 2011 au Sénégal. Il a abandonné le projet en raison des soupçons légitimes de manipulation de l’opinion que cela aurait créé, dans un climat alors éruptif, qui devait culminer en mars 2012 avec le renvoi dans l’opposition de Gorgui Abdoulaye Wade, après sa tentative de forçage d’un troisième mandat présidentiel, pour laquelle il récoltât le même score au premier et au second tour : 35%. Face à un certain Macky Sall. Apprendre des avanies de son prédécesseur est toujours une bonne chose, n’est-ce pas. A bon entendeur ?