Entre le responsable moral de Hizbut Tarqiyyah, Serigne Youssou Diop, et son défunt prédécesseur, Serigne Atou Diagne, c’est un compagnonnage de près de 40 ans. Son parcours, son histoire avec la « dahira » et son sens du sacrifice ont fait de lui son successeur naturel. Récit de vie d’un homme au service de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké.
« Indigent spirituel, disciple de Cheikh Ahmadou Bamba qui ne loue en lui que la faveur imméritée qu’il a eue de son Seigneur d’être compté parmi les membres de ce cercle de bienheureux dénommé Hizbut Tarqiyyah et à l’endroit duquel il se sentira éternellement redevable ». C’est en ces termes que Serigne Youssou Diop, responsable moral de Hizbut Tarqiyyah, se décrit dans un livre hommage-témoignage dédié à son défunt prédécesseur, compagnon, inspirateur et aîné, Serigne Atou Diagne. Des propos touchants, mais qui prouvent à suffisance comment la vie de Serigne Youssou Diop se confond à l’histoire de cette « dahira ». C’est un témoignage, dit-il, en avant-propos de son ouvrage « qu’il destine à un aîné qui a tout fait pour lui pendant plus de 38 années ».
Arrivé dans la « dahira » en 1983, alors qu’il n’avait que 19 ans, le natif de Rufisque et originaire de Dagana trouve tout de suite ses marques : « J’habitais à deux rues du siège qui était à la Sicap rue 10. Mais, à chaque fois que je les entendais chanter les panégyriques, j’avais des frissons. J’étais dans une autre dimension. J’ai tout de suite senti que c’est ici que je pouvais étancher ma soif de servir Serigne Touba et c’est tout ce qui m’intéressait ». Exit son Bep en Comptabilité. Pour lui, rien d’autre ne comptait désormais, si ce n’est suivre cette voie et y consacrer sa vie. C’est ainsi qu’il devient membre permanent en 1984.
Le continuum
Ici, il trouve le premier permanent de la « dahira », le défunt Serigne Atou Diagne, ce diplômé de l’École normale supérieure qui a sacrifié sa carrière de professeur pour être au service exclusif de Cheikhoul Khadim. Leurs chemins ne se sépareront qu’au rappel à Dieu, le 22 janvier 2021, de celui qu’il a remplacé. « Pendant les 38 ans que nous avons passés ensemble, il m’a inspiré. Il avait compris le sens du sacrifice. C’était un modèle pour moi. Je peux témoigner de sa sincérité. Trente-huit années de parcours durant lesquels je n’ai jamais vaqué à une occupation autre que la sienne. Il me faisait entièrement confiance », confie-t-il, la voix grave.
C’est cet homme qui l’a façonné. En des termes plus touchants, il est écrit, dans son ouvrage (avant-propos) : « Il fut pour lui un tuteur, un modèle, un compagnon de même but, un éducateur qui a su l’encadrer sans relâche et annihiler en lui toutes les traces et séquelles d’une enfance tumultueuse passée au cœur de la capitale sénégalaise et qui ne présageaient en rien un avenir de soumission intégrale à la cause du Mouridisme ou une assimilation de valeurs islamiques authentiques, encore moins des responsabilités les plus minimes dans le service si sanctifiant de notre vénéré guide, Khadimou Rassoul ». Un compagnonnage connu de tous. C’est donc tout naturellement que le Khalife général des Mourides le désigne comme son successeur : « Il ne m’a même pas consulté. Je n’y ai jamais pensé ».
Les « Xassaïd » et la machine à boules
Sitôt arrivé, sitôt impliqué. Alors qu’il était encore novice dans la « dahira », Serigne Youssou Diop se voit coopter dans une mission aussi noble que prestigieuse. Alors Khalife général des Mourides, Serigne Abdoul Ahad Mbacké recommande la traduction de certains poèmes en français. La commission pour ce travail était dirigée par feu Serigne Atou Diagne avec l’appui de Serigne Sam Mbaye. Serigne Youssou Diop, fort de ses notions en dactylographie acquises lors de sa formation en comptabilité, se charge de la saisie. « C’était en 1984. Nous avions une machine à boules de marque Ibm. Ensuite, on les amenait en reprographie. C’est comme cela qu’on avait travaillé sur plusieurs poèmes. Il n’y avait pas autant de machines à l’époque », se souvient-il en brandissant des exemplaires de ces saisies d’une autre époque.
Si sa désignation comme successeur de Serigne Atou Diagne n’a souffert d’aucune contestation, c’est en partie parce que la vie de Serigne Youssou Diop se confond à celle de la « dahira » au service de laquelle il s’active depuis ses 19 ans. Aujourd’hui, il en a 58.
Secrétaire permanent, Secrétaire général, Superviseur de la Coordination technique centrale, Responsable de l’Institut international d’études et de recherches sur le Mouridisme (Iierm) créé en 2006, Serigne Youssou a gravi « tous les échelons », toujours aux côtés de son aîné, Serigne Atou. Il devient, par la suite, responsable de la mise en œuvre des mécanismes financiers dans les cellules ainsi que dans la supervision de la Direction des études techniques et des grands projets d’aménagement de Hizbut Tarqiyyah, avant d’être désigné Responsable du Comité directeur chargé de la préparation du grand Magal de Touba au sein de cette célèbre « dahira ».
Dans le domaine des Technologies de l’information et de la communication, il a été chargé de l’implantation de l’imprimerie au « daara ». Il a acquis une solide expérience en tant que Chef de projet de la mise en place du Système d’information et de gestion des membres de Hizbut Tarqiyyah et de l’intranet. Avant d’être Responsable moral, il a été, pendant longtemps, Secrétaire général de la Direction générale de Hizbut Tarqiyyah, en charge des dossiers de la coopération et des partenariats.
L’Organisation islamique du Mouridisme, Hizbut Tarqiyyah (ex-« dahira » des étudiants mourides de Dakar), a été fondée au cours de l’année académique 1975-76, sous le khalifat de Serigne Abdoul Ahad Mbacké, troisième Khalife général des Mourides. La trajectoire de vie de Serigne Youssou Diop est intimement liée à cette illustre institution qu’il continue de servir avec ferveur.
Oumar FÉDIOR, Le Soleil