Notre système éducatif public, depuis les indépendances, a exclu nos traditions de formation fort anciennes comme l’école coranique, le lël, le bois sacré, les contes, etc.
Ces traditions sont plus anciennes que l’école française dont la première école ne fut créée à Saint Louis qu’en 1817.
L’université de Pire Saniokhor fut fondée par Khaly Amar Fall en 1603. Comme la Bibliothèque d’Alexandrie, elle fut brûlée par l’envahisseur, le Gouverneur Valère en 1864. Elle fut comme Tombouctou un carrefour de formation en Afrique sahélienne. Sa bibliothèque précieuse enfouie dans la terre de Pire, échappa aux flammes.
Cette culture de formation ne fut jamais reconnue par le colonisateur. Les indépendances n’y changèrent rien. Nous avons continué à ignorer cet héritage, ce savoir faire qui irrigue toute notre société, toutes ses ethnies.
Ce n’est qu’en juillet 2013 que le baccalauréat arabo-islamique fut créé.
Notre école, malgré les multiples réformes, reste globalement un îlot étranger échoué au cœur d’une société sénégalaise vivante.
Certes les coopérants français sont partis remplacés par les enseignants sénégalais, la littérature africaine y est enseignée depuis les années soixante dix, Samba Ka ne s’y dit plus Ka Samba mais est redevenu Samba Ka. Malgré tout l’école publique demeure une école étrangère comme d’ailleurs notre vie publique officielle demeure étrangère à ce que nous sommes et à ce que nous vivons.
L’école devait s’appuyer sur nos fondements culturels, conforter notre identité culturelle, formater notre savoir être, pour bâtir cette femme et cet homme, décomplexés, fiers de leur sénégalité, préparés et prêts à conquérir les connaissances, les savoir-faire et le Monde.
Notre école publique est pour l’essentiel une école de formation disciplinaire, l’école des matières: français, anglais, mathématiques, sciences de la vie et de la terre, physique et chimie, histoire et géographie, éducation civique, éducation physique, mécanique, comptabilité, etc.
Malgré les performances des élèves dans les disciplines au Sénégal et à l’étranger, l’école publique est culturellement incolore et inodore.
Pour consolider dans nos mentalités ce système scolaire et universitaire déraciné, les têtes bien-pensantes au service d’une idéologie soi-disante universaliste nous ont aveuglé avec le brouillard de la laïcité, de la séparation de l’école avec la religion.
Mais en fait, ce rideau de fumée n’avait en réalité qu’un objectif séparer l’école de notre culture, de notre identité culturelle, de ce que nous sommes.
Car en réalité la laïcité à la sénégalaise, que pratique l’État en dehors de l’école, est l’égal traitement des citoyennes et des citoyens par rapport à leurs religions.
En effet l’État soutient les cérémonies religieuses, construit des mosquées et des églises, envoie des imams en formation, etc.
C’est un réel paradoxe, l’État fonctionne dans la société en prenant en compte tous les éléments de notre culture, la religion, nos langues nationales, nos musiques traditionnelles, nos danses, nos champs, nos patrimoines culturels immatériels. Cependant pour l’école, ce qui est au cœur de notre société, ce qui l’a fait bouger, ce en quoi elle se reconnaît, est exclu et ignoré.
C’est un véritable contresens historique dans l’évolution de notre pays et dans la construction de notre nation.
Il me semble que beaucoup de personnes, l’écrasante majorité des personnes ne se rendent pas comptent clairement de l’exclusion de l’école de notre environnement culturel et des conséquences sur le devenir des jeunes qu’elle forme, des jeunes sans identité sénégalaise, faussement universalistes, sans racines africaines, donc influençables par toutes les perversions contraires à nos valeurs de culture et de civilisation.
Pour changer le cours des choses, il nous faut courageusement remettre notre école à l’endroit.
Notre culture, nos meilleures valeurs de culture et de civilisation doivent être au cœur de notre projet de formation : nos langues nationales, nos religions, notre patrimoine culturel immatériel, nos identifiants culturels, etc.
L’école doit être l’école de notre société pour être une école universelle.
Sinon elle ne sera qu’une pâle copie d’une école étrangère pour fabriquer des clones ratés sans ancrage culturel, ballottés par des influences multiformes.
Enseigner dans et par nos langues nationales, enseigner nos religions et nos valeurs religieuses, enseigner notre culture et nos meilleures valeurs culturelles, enseigner les sciences et les technologies, devraient être les bases d’un redressement stratégique de l’orientation de notre système éducatif.
Dis-moi quelle école a ton pays, je te prédis quel futur il aura!
Acceptons tous de sortir du brouillard, même si ce n’est pas facile, refusons de suivre les élites porteuses de lampes fumigènes, engageons-nous dans la voie étroite mais lumineuse, de la restauration de notre identité culturelle et de la renaissance africaine.
NB: c’est pourquoi j’avais créé en 2010, à l’Université Gaston Berger, l’UFR Civilisation, Religion, Art et Communication( UFR CRAC) qui comprend les sections ( départements): communication, métiers du patrimoine, métiers des arts et de la culture, centre d’étude des religions, langues et cultures africaines.
Dakar, mardi 6 septembre 2022