Le Kopar express pour le compte de imam Badara Ndao lancé il y’a quelques heures a récolté une dizaine de millions de francs. C’est dire la force spectaculaire des réseaux sociaux. Tout leader politique qui néglige où qui combat la puissance mobilisatrice des réseaux sociaux le payera cash. Le hasard n’existe pas : la contemporanéité que nous constatons entre le regain d’intérêt pour la politique et l’explosion des réseaux sociaux est une indication sur la puissance mobilisatrice de ces nouveaux moyens de diffusion de l’information.
Les temps ont changé et la trahison des clercs, pour parler comme Julien Benda, ne peut plus être aussi avoir le même impact qu’elle avait auparavant. Les clercs peuvent indéfiniment trahir les grands desseins des peuples, ils ne peuvent plus les freiner, pas même les ralentir car le petit peuple a droit à la parole grâce aux réseaux sociaux.
Les dictateurs qui résistent encore à la vague du numérique voient leur marge de manœuvre de plus en plus rétrécie, car c’est un univers qui n’est pas facile à contrôler. Nous sommes dans des sociétés où la communication est devenue un art de vivre et non plus seulement un moyen pour véhiculer des messages. Les jeunes vivent dans et par les réseaux sociaux, ils y passent plus de temps qu’avec leurs parents et amis réels. Ils sont dans des groupes et des forums qui façonnent leur perception de la réalité et proposent des recettes pour sortir des problèmes auxquels est confrontée leur société.
Un des principes du marketing ne s’y trompe pas d’ailleurs dans la mesure où il suggère que plus on est omniprésent dans l’esprit de sa cible (ou du destinataire du message), davantage on crée une relation de proximité avec elle. C’est ainsi qu’un univers de fraternité virtuelle devient une communauté physique capable d’abandonner les claviers et les cible de la camera pour descendre sur le terrain et créer le rapport de forces.
L’omniprésence dans les réseaux sociaux est devenue donc un enjeu majeur en démocratie, surtout dans un pays où 60 à 70% de la population est jeune. Les médias traditionnels sont dans la course de l’audimat tandis que les réseaux sociaux font reposer leur crédibilité sur le nombre de vues et de partages qu’ils génèrent.
Toutes les statistiques, toutes les décisions politiques et économiques, les déclarations des différents acteurs peuvent en temps réel être contrôlées et, au besoin validées ou infirmées par le biais d’un simple clic. Plus qu’une revanche du citoyen sur le politique, le numérique consacre l’avènement d’une communication certes plus libre, mais plus contrôlée par rapport à la norme de l’authenticité et de la vérité. C’est vrai qu’avec le numérique les fake news rendent de plus en plus confuse voire aléatoire l’information, mais la bataille de l’information doit permettre à tout un chacun de faire une idée plus ou moins claire des enjeux du moment.
Si donc il n’est plus possible de gouverner sans « rétroviseur », c’est-à-dire en ignorant ce que souhaite l’opinion, l’univers du numérique offre une belle opportunité de lire correctement ce que reflète ce rétroviseur. L’opinion publique n’a jamais été aussi dynamique et prégnante dans la communication politique et c’est en partie grâce au numérique. La démocratie s’en porte évidemment mieux dès lors que les logiques d’exclusion de d’ostracisme sont exclues de la communication politique.
Pape Sadio THIAM