L’utilisation des mathématiques est un atout pour le développement de l’Afrique. Cet argument a été largement soutenu lors du 10e Congrès panafricain des mathématiques (PACOM 2022) tenu du 2 au 6 août 2022 à Brazzaville au Congo.
Franck Langa, maitre de conférences à la faculté des Sciences et technologies de l’université Marien Ngouabi à Brazzaville, affirme qu’aujourd’hui, l’Afrique a besoin des mathématiques pour son développement dans plusieurs domaines tels que la médecine, le transport…
En guise d’exemple, il s’appuie sur la gestion de la pandémie de COVID-19 qui n’a pas épargné le Congo. « Nous avons eu du mal à estimer le pic de la maladie afin de permettre aux décideurs de prendre des décisions de confinement », explique-t-il.
“A un problème réel, on identifie la variable, on la modélise et on la résout en s’appuyant sur des outils informatiques pour avoir la solution numérique , l’analyser et faire des projections, aussi bien sur le plan économique, industriel que du développement ; parvenant ainsi à un éventail de solutions à proposer aux décideurs politiques”
Guy-Aymard Degla, Institut de mathématiques et de science physique, Benin
« Et à travers des modèles mathématiques, que nous appelons la modélisation, nous avions travaillé sur la question et avions estimé le pic pour le 11 juillet. Ce qui était un succès. C’est un modèle de développement », soutient l’universitaire.
Dans un document produit par Mazen Saad du laboratoire de mathématiques Jean Leray–France de l’Ecole centrale de Nantes (France), « la modélisation mathématique est l’art (ou la science) de représenter (ou de transformer) une réalité physique en des modèles abstraits accessibles à l’analyse et au calcul. »
La même source ajoute que « la modélisation mathématique et la simulation numérique ont pris une importance considérable ces dernières décennies dans tous les domaines de la science et des applications industrielles (ou sciences de l’ingénieur). »
Pour Ngalla Djitte, enseignant à l’université Gaston Berger de Saint-Louis au Sénégal, des solutions innovantes développées grâce aux mathématiques ont effectivement contribué à la lutte contre le coronavirus.
« Beaucoup de modèles ont été faits et ce sont ces modèles qui permettent aux gouvernements de réagir face à de telles pandémies », explique l’universitaire.
Interrogé par SciDev.Net, Yanick Alain Servais Wellot, enseignant à l’Ecole normale supérieure de l’université Marien Ngouabi, renchérit en disant que les changement climatique, le problème des déchets, la gestion des villes, l’ensablement des cours d’eau, les catastrophes, le transport des sédiments, etc. sont des phénomènes physiques qu’il faut comprendre.
« Et cela se fait en prenant la situation physique, en la ramenant à des équations mathématiques pour la compréhension du phénomène et cela nous aide à expliquer aux décideurs politiques les résolutions à prendre », précise ce dernier.
Applications
Cependant, pour que les mathématiques puissent efficacement contribuer au développement de l’Afrique, « il faut d’abord parler du développement des mathématiques en Afrique », estime Olivier Menoukeu Pamen, enseignant à l’université de Liverpool en Angleterre.
« Parce que les mathématiques ont des applications dans plusieurs aspects qui pourraient aider au développement de l’Afrique, notamment en médecine, en météorologie, dans les finances, en aviation, dans le secteur énergétique, des télécoms, de l’ingénierie et sur la question des changements climatiques », explique-t-il.
« Donc, il faudra pouvoir étudier des modèles mathématiques qui nous permettraient d’aider les gens à formaliser les activités, même s’ils sont dans l’informel, et à pouvoir les sécuriser », confie l’enseignant.
Selon les participants à la conférence de Brazzaville, cette contribution des mathématiques passe aussi par un dialogue pour identifier les problèmes qui se posent dans divers secteurs à travers l’ingénierie mathématiques, fait savoir le Guy-Aymard Degla de l’Institut de mathématiques et de science physique au Benin.
« Oui, les mathématiques peuvent aider le continent à résoudre ses problèmes de développement, parce que, de plus en plus, les chercheurs sont conscients du fait qu’il faut développer l’applicabilité des mathématiques », précise-t-il.« A un problème réel, on identifie la variable, on la modélise et on la résout en s’appuyant sur des outils informatiques pour avoir la solution numérique , l’analyser et faire des projections, aussi bien sur le plan économique, industriel que du développement ; parvenant ainsi à un éventail de solutions à proposer aux décideurs politiques, car les scientifiques (mathématiciens) ne décident pas à la place des gouvernants », relève Guy Aymard Degla.
Mais pour que cela se matérialise, il faut au préalable résoudre le problème de la « déconnexion entre des élites politiques et universitaires », soutient Mamadou Abdoul Diop de l’université Gaston Berger de Saint-Louis.*
Cette déconnexion se traduit « par la tendance de la non-implication des mathématiciens dans la recherche des solutions aux problèmes de développement par les décideurs », explique-t-il.
Face à cela, Mouhamadou Dosso, maitre de conférences en mathématiques appliquées à l’université Félix Houphouet-Boigny en Côte d’Ivoire, préconise au préalable une « unité des mathématiciens » pour que ces derniers puissent contribuer au développement de l’Afrique.
*Cet article a été mis à jour le 12 août pour intégrer la séquence audio du Pr Mamadou Abdoul Diop.