Le Kenya, le Nigeria, l’Egypte et l’Afrique du Sud raflent la mise et s’imposent comme les principaux hubs africains des start-up, au détriment notamment de l’Afrique francophone qui est à la traîne.
Le Kenya, le Nigeria, l’Egypte et l’Afrique du Sud raflent la mise et s’imposent comme les principaux hubs africains des start-up, au détriment notamment de l’Afrique francophone qui est à la traîne
En célébrant la scène entrepreneuriale du continent africain avec ses Africa Tech Awards, VivaTech oriente les projecteurs sur des pépites technologiques issues d’un marché encore bien restreint. Pourtant, comme le souligne Fabrice Perez, responsable des investissements capital-risque* sur le continent africain pour Proparco, une institution financière de développement française, opérant dans les pays en développement et émergents, « c’est donc un marché très actif, qui comporte quand même pas mal de disparités ».
Il cite l’exemple de Go My Code, start-up tunisienne dans le domaine de l’éducation au code et au développement informatique, présent à l’édition 2022 de VivaTech. « C’est une sorte d’Ecole 42 », narre Fabrice Perez. Fondée il y a cinq ans, Go My Code répond à un besoin essentiel du marché de la tech africain : recruter des talents locaux et surtout les garder. « Il y a un déficit de formations en Afrique, explique encore Fabrice Perez. Et même quand les formations sont là, elles ne correspondent pas toujours aux besoins du marché de l’emploi ». L’expert en investissements capital-risque livre quelques clés pour comprendre ce marché de la tech en Afrique.
Quels sont les secteurs les plus innovants de la tech africaine ?
La réalité est disparate. Le marché africain présente de grosses asymétries en termes de pays et de secteurs. C’est un marché tout petit par rapport aux autres géants : entre 2013 et 2019, c’est moins de 4 milliards de dollars, alors qu’aux Etats-Unis, on parle d’un marché de plus de 500 milliards et en Europe, autour de 100 milliards d’euros.
Les disparités sont flagrantes au niveau géographique puisque 80 % des fonds levés dans les start-up en Afrique sont à destination de quatre pays : Nigeria, Kenya, Egypte et Afrique du Sud. C’était le ratio en 2020 et ça va être le même en 2021. En Afrique francophone, il y a un vrai déficit. Il y a quatre verticales sectorielles principales qui récupèrent 60 % des fonds investis dans les start-up en Afrique : les fintech, l’agritech, la GreenTech et le service aux entreprises (aussi appelé BtoB).
Quitte à comparer le continent africain, le mieux c’est de le faire avec l’Inde : à peu près la même taille de population, le même PIB et le même niveau de pénétration à l’Internet mobile. En Afrique, il y a eu 1,4 milliard d’investissements en 2019 en capital-risque pour 10 milliards en Inde, soit près de huit fois moins. Le déficit est clair, mais depuis quelques années, la croissance est très forte. Le taux des investissements a augmenté de 155 % entre 2017 et 2020 et le nombre de sociétés financées sur la même période a été de plus 187 %. Le secteur des fintechs reste celui où l’on voit le plus de success stories.
Une dizaine de start-up africaines participent à VivaTech cette année. Pour exporter leurs solutions à l’étranger ?
Le marché africain est très large. Ça dépend du secteur : sur celui de l’énergie, certaines start-up s’exportent en Asie par exemple. Un système solaire pour avoir accès à de l’énergie, car le réseau fonctionne mal, ne paraît pas entrer dans les besoins de la population européenne.
L’avantage des quelques start-up africaines présentes, c’est de trouver des investisseurs car il y en a de nombreux sur place, de mettre en avant leurs solutions pour faire du développement inter-pays en Afrique. Les pays viennent à VivaTech avec leurs pépites pour montrer une belle vitrine. C’est éventuellement l’occasion de rencontrer des partenaires, des nouveaux clients, etc.
Où en est le marché de la tech africaine plus de deux ans après la pandémie de Covid-19 ?
La crise du Covid-19 a mis un coup d’arrêt sur la croissance des start-up africaines parce qu’elles ont régulièrement besoin de lever de l’argent, levées de fonds qui s’organisent tous les 12 à 18 mois. Avec le Covid-19, il y a eu un stop des investissements et certaines qui avaient besoin de lever de l’argent ont dû réduire leurs coûts et même d’autres fermer. Chez Proparco en partenariat avec Digital Africa, on a proposé des espèces de prêt-relais dans l’attente de leur levée de fonds. On en a financé 12 entre 2020 et 2021.
Les taux de croissance sont bien repartis, les tendances ont repris leur rythme d’avant-crise et finalement, la pandémie a permis de développer les activités sur le numérique, aussi en Afrique.
20minutes, Propos recueillis par Laure Gamaury