mardi, décembre 17, 2024

Burkina Faso : comment un soutien alimentaire aux élèves améliore la qualité de l’éducation

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Il est 13 h locales à l’école primaire de Konioudou, village de la commune rurale de Kombissiri, à une quarantaine de kilomètres au sud de Ouagadougou. Et c’est l’heure de la pause de la mi-journée pour les élèves. À l’ombre des grands arbres qui se dressent dans la cour, les uns jouent, se taquinent, rient ; quelques autres feuillettent livres et cahiers. Mais tous attendent une chose : l’heure du repas.

Au signal de la directrice de l’école, ils se mettent en rang, chacun à l’entrée de sa classe. À l’intérieur, une cantinière sert des plats en plastique. Puis les élèves entrent dans la salle, par petits groupes, pour prendre chacun sa ration. Le menu du jour ? Une bouillie de petit mil enrichie de pain de singe, de poudre d’arachide et de sucre. La prochaine fois, ça pourrait être du couscous, du riz, du haricot, du niébé et de la salade, ou d’autres repas à base de produits locaux.

Avec ses 600 élèves, l’école de Konioudou fait partie des 70 établissements sélectionnés dans trois régions (Boucle du Mouhoun, Centre-Sud et Sud-Ouest) pour bénéficier de la phase pilote du Projet de repas scolaires à base de produits locaux pour une nutrition intelligente. Financé par le Japon et administré par la Banque africaine de développement, ce projet de 990 000 dollars renforce les initiatives du gouvernement visant à assurer aux élèves au moins un repas équilibré par jour.

Lancé en 2020 pour une durée de deux ans, prorogée ensuite d’une année, le projet aide les écoles à installer des champs et des jardins, et les dote en matériel agricole, de jardinage et de cuisine, ainsi qu’en intrants. La production permet d’assurer des repas aux élèves pendant quelques semaines. « Au cours de la saison passée, plus de 25 tonnes de produits agricoles ont été récoltées, en dépit d’une mauvaise pluviométrie, affirme Innocent Bamouni, responsable du projet au ministère de l’Éducation nationale. Au niveau des jardins, la production continue et 14 tonnes sont attendues ».

« Sans ce projet, certains de nos enfants n’auraient rien mangé en cette mi-journée », indique, avec reconnaissance, le président de l’association des parents d’élèves de Konioudou, Prosper Guigma. L’élève Lassané Compaoré apprécie : « les repas sont bons et propres. Ici, on a des plats qu’on n’a pas à la maison. Et puis, nous sommes contents de manger ensemble et après, de rester sur place pour apprendre nos leçons ».

La même satisfaction est partagée à Kamsando, autre village de la commune de Kombissiri. « Ce projet est vraiment une aubaine pour nous, témoigne Mahamoudou Ouédraogo, directeur de l’école du village. Quand l’élève a mangé à midi, cela se ressent positivement sur son rendement en classe. Or, par manque de ressources, beaucoup de familles ne préparent pas à manger à midi. Elles ne peuvent le faire que pendant deux ou trois mois, juste après les récoltes en septembre ». 

Selon Innocent Bamouni, l’État alloue chaque année plus de 18 milliards de F CFA (environ 27,31 millions d’euros) aux communes pour l’acquisition de vivres destinés aux cantines scolaires. Ce montant reste le même depuis quelques années, alors que les effectifs évoluent. Et avec la crise sécuritaire qui secoue le pays, de nombreux fournisseurs n’ont pas livré les vivres aux écoles cette année, les prix ayant flambé. « Dans la commune de Kombissiri, la plupart des établissements n’ont pas reçu leur dotation, déplore Innocent Bamouni. Seules les 15 écoles couvertes par le projet arrivent à servir des repas aux élèves, grâce à leur production agricole et maraîchère ».

Au-delà de la possibilité offerte aux élèves d’avoir tout simplement à manger, le projet vise également à améliorer la qualité nutritionnelle des repas. La forte prévalence de la malnutrition a été l’un des critères de sélection des trois régions pilotes.                                              

Au cours du premier trimestre de cette année, 140 cantinières (deux par école bénéficiaire), ainsi que les 70 directeurs d’école, des mères, des agents de l’agriculture, des représentants des collectivités et des points focaux du projet, ont pris part à des formations sur la transformation des produits locaux et l’hygiène alimentaire dans les cantines scolaires.

« À notre retour, il y aura une grande différence avec ce qu’on avait l’habitude de faire jusqu’ici, parce qu’on a appris à préparer beaucoup de choses. Nous pourrons varier les menus des élèves, avec des produits de chez nous. Les élèves auront un choix plus varié », expliquait une cuisinière au quotidien public Sidwaya. De son côté, Mariam Coulibaly, ingénieure de recherche en agro-alimentaire et formatrice principale, ajoutait que « nos produits locaux sont très riches ; il suffit que les cuisinières soient bien outillées dans la formulation des repas, afin de pouvoir associer les protéines, les lipides, les glucides, les sels minéraux…pour que les enfants soient bien nourris et productifs ».

De retour dans leurs villages respectifs, les cuisinières ont invité les femmes à des séances de partage de ce qu’elles ont appris.

Pour sa première année de mise en œuvre, le projet a tenu ses promesses dans les écoles bénéficiaires. Soutenus par les enseignants et les élèves, les parents ont labouré, semé et récolté. « Quand on nous demande d’apporter du bois à l’école (pour la cuisine), nous sommes contents parce que nous savons que nous allons manger », ajoute le petit Lassané Compaoré. En somme, tous ont compris que la pérennité des acquis du projet passe par la forte implication de chacun dans la promotion de la cantine endogène.

Du succès de la phase pilote pourrait dépendre l’extension de l’expérience, que plusieurs écoles demandent déjà.