Acronyme de Google, Apple, Facebook et Amazon, auxquels est parfois adjoint Microsoft, les GAFAM, entreprises technologiques de la Silicon Valley américaine, ont réussi à dominer le monde. Il est, en effet, devenu difficile, voire impossible de se passer de leurs services. De nombreux États et acteurs économiques pensent s’imposer face à ses géants d’Internet. Mais comment ?
La puissance des GAFAM
Les GAFAM possèdent aujourd’hui les plus grandes capitalisations boursières au monde. Ils dépassent les 1 000 milliards de dollars. Pour faire une comparaison rapide, c’est l’équivalent du PIB des Pays-Bas, 17ème pays le plus riche de la planète.
Ces entreprises technologiques qui ont, pour la plupart, à peine 20 ans d’existence, suscitent l’engouement des investisseurs parce qu’elles œuvrent au cœur même des nouvelles économies numériques.
Passer une journée sur Internet sans utiliser Google relève désormais de l’improbable. Le moteur de recherche américain détient à lui seul 90 % des requêtes lancées sur Internet. On peut tout y trouver, ou presque. YouTube, détenu par Google, comptabilise plus de vues dans l’année que n’importe quelle chaîne de télévision dans le monde. En effet, chaque jour, c’est plus d’un milliard d’heures de vidéos qui sont visionnées. Quant à Facebook, le réseau social le plus populaire, il totalise en moyenne 2,7 milliards d’utilisateurs actifs chaque mois.
Aux Etats-Unis, Amazon est le site le plus visité avec 2,73 milliards d’utilisateurs mobiles et déjà en 2014, Microsoft Windows était utilisé par 1,5 milliard de personnes dans le monde tandis qu’Office venait juste après avec 1,2 milliard d’utilisateurs.
Pour utiliser tous ces services, plusieurs centaines de millions de personnes se servent de smartphones de la marque Apple. En 2019, celle-ci a engrangé 32 % du chiffre d’affaires et 66% des bénéfices du marché des smartphones.
Ce succès mondial octroie aux GAFAM des chiffres d’affaires vertigineux et leur permet d’anéantir toute concurrence. Aucune entreprise moderne ne peut se passer de ces nouveaux formats électroniques d’affichage publicitaire pour sa promotion et sa visibilité auprès de ses clients. Ces nouveaux champions du numérique les plient donc volontiers à leurs exigences. C’est alors peu de dire que les GAFAM contrôlent le monde.
S’imposer face aux GAFAM, une utopie ?
Cette question mérite d’être posée, surtout en Afrique. C’est un truisme que de déclarer que la suprématie, à notre ère, appartient à celui qui détient le monopole de la technologie numérique et qui réussit à l’exporter, à l’imposer. Les GAFAM, dans leur quête de nouveaux marchés pour asseoir leur toute-puissance, ont depuis quelques années le continent africain en ligne de mire: la concurrence y est totalement ou presque absente et il n’y a, pour le moment, que très peu d’exigences pour le développement de leur business. Un véritable eldorado.
Même si l’on note une percée fulgurante, ces dernières années, dans le développement de solutions numériques et technologiques 100 % africaines, le problème de la connectivité demeure. L’Afrique est la région du monde la moins connectée, derrière l’Asie Pacifique et le Moyen-Orient. Selon le rapport 2021 de l’Union internationale des télécommunications (UIT) sur la connectivité numérique dans le monde, seuls 30 % d’Africains ont accès au haut débit d’internet mobile et 15 % possèdent une connexion internet à la maison.
Avec ce retard, il sera difficile de se dresser contre les GAFAM qui, d’ailleurs, proposent d’aider l’Afrique à améliorer sa connectivité.
Les États africains devraient prendre la pleine mesure de leurs responsabilités en investissant continuellement dans la connectivité de leurs pays, pour ainsi permettre à leurs chercheurs, inventeurs et autres spécialistes de développer des solutions high-tech de pointe à même de concurrencer les GAFAM et sécuriser leur cyberespace de l’invasion américaine.
N’oublions pas que dans le secteur du numérique, la lassitude des consommateurs a déjà prouvé qu’un géant pouvait se retrouver dans le néant aussi vite qu’il s’est imposé. C’est l’exemple de Nokia ou de BlackBerry dans les années 2000. Tout est possible dans le monde des nouvelles technologies. Un pays asiatique nous en donne d’ailleurs la preuve.
En effet, face à la percée des GAFAM, la Chine a su réagir en développant des services numériques et technologiques de pointe : les BATHX (Baidu, Alibaba, Tencent, Huawei et Xiaomi). Certes, les BATHX ne sont pas aussi internationaux que les GAFAM, mais ils sont aussi de puissants outils économiques, sécuritaires et de souveraineté aux mains de la seconde puissance mondiale. Sur le terrain de l’intelligence artificielle par exemple, les BATHX ne laissent pas assez de place aux Américains. Ils le savent, c’est l’avenir du monde qui se joue sur ce terrain. Baidu, Alibaba, Tencent, Huawei et Xiaomi investissent ce domaine à coup de milliards et de déploiements extraordinaires.
Un autre moyen d’impulser un dynamisme dans le secteur numérique et de susciter la création de solutions made in Africa, c’est la sensibilisation des populations. De nombreuses initiatives sont prises partout sur le continent, mais manquent encore de visibilité. L’Afrique a peut-être manqué la révolution industrielle, mais elle ne doit pas manquer la révolution numérique et ça, tous les Africains doivent le savoir. Les gouvernements et leurs partenaires doivent, par exemple, impulser le savoir-faire numérique des citoyens dès leur entrée à l’école.
Le Rwanda est un bon élève en la matière. En 2019, le pays a ouvert un centre pour la transformation numérique qui vise à développer les solutions numériques au Rwanda et en Afrique. Il fournit des services, des conseils et formations aux institutions étatiques et aux entreprises technologiques locales. C’est une belle émulation pour les jeunes de ce pays d’Afrique. On ne sera pas surpris de voir des Rwandais détenir les meilleures solutions numériques du monde dans 20 ans.
Mais disons le clairement, qui parle de révolution numérique et technologique, doit aussi parler de sécurité numérique. Si les GAFAM arrivent à s’exporter et à asseoir leur hégémonie dans tous les coins du monde, c’est surtout parce qu’ils arrivent à sécuriser leur système. Cela rassure les consommateurs qui deviennent naturellement des clients fidèles et donc des sources de richesse pour eux. La cybersécurité, si on peut se permettre de le dire, est l’antichambre de la révolution numérique.
Il apparaît donc urgent pour les experts africains de se retrouver, de réfléchir ensemble et de trouver des solutions concrètes. Le Cyber Africa Forum, qui en est à sa deuxième édition, est une plateforme adéquate pour ce genre d’exercices.
«Souveraineté numérique et protection des données, leviers de croissance économique pour le continent africain », voilà le thème de cette rencontre panafricaine qui se tiendra du 9 au 10 mai 2022 à Abidjan. Près d’une centaine de spécialistes de la cybersécurité et des questions liées à l’émergence numérique y seront pour aborder les enjeux majeurs du domaine qui touchent l’Afrique.
Franck Kié, président-fondateur de Ciberobs, plateforme de premier ordre en matière de cybersécurité et co-organisateur de cet évènement, a déclaré à cet effet : « Le Cyber Africa Forum servira de tribune aux spécialistes du domaine et aux organisations qui font les économies du continent. Les enjeux sont cruciaux : en 2020, les pertes liées à la cybercriminalité étaient estimées à 4 milliards de dollars. Un montant considérable qui, avec la digitalisation, ne fera qu’augmenter de manière exponentielle. »
Les Africains ont leur destin entre leurs mains. Les décisions d’aujourd’hui détermineront la place qu’occupera le continent dans le secteur du numérique de demain.