Si les femmes sénégalaises sont de plus en plus nombreuses à administrer et à diriger les entreprises, certaines ne manquent pas d’être des pionnières dans divers secteurs d’activités. Youma Fall entre dans ce lot. Longtemps investie dans le bénévolat, elle a fini par avoir un parcours qui forge le respect.
« Pourquoi les Fintech ? Je dirais, tout d’abord, que c’est pour répondre à un besoin. Le besoin d’aider des personnes qui veulent travailler, récupérer leur argent ou qui se lancent dans l’entrepreneuriat, à pouvoir gérer leurs affaires », une affirmation qui illustre bien le parcours social et professionnel de Youma Fall. De la petite fille bénévole à la jeune dame entrepreneure, cette cofondatrice de la Fintech PayDunya, qui est un agrégateur africain de paiements, a su se frayer un chemin malgré les défis et obstacles. A 13 ans, elle entreprend ses premières actions humanitaires en intégrant des ONG. C’est le début d’une longue expérience en bénévolat. « L’éducation des enfants et l’autonomisation des femmes » sont les sacerdoces de sa vie ».
Cette sensibilité et ce dévouement pour ces couches sociales démunies seront d’ailleurs à l’origine de ses projets en entrepreneuriat. Se lancer en affaires, gérer des responsabilités et devenir son propre patron, ce n’est pas une mince affaire, il s’agit plutôt d’un vrai challenge. C’est une décision qui ne peut pas être prise à la légère, surtout lorsqu’on décide de devenir une femme entrepreneure pour lancer son propre projet et libérer tout son potentiel. C’est ce pas que la Directrice exécutive de PayDunya a franchi.
« Pur produit de l’école sénégalaise », elle a su allier études et dévouement pour venir en aide aux entrepreneurs sans solutions efficaces face à une demande très forte. De la vie associative à la consultance en affaires, Youma Fall a fait preuve de grandeur, en soutenant des initiatives et sans moyens. « Il se trouve qu’en 2013, lorsque nous étions encore étudiants, j’étais dans une association estudiantine qui aidait les petites entreprises. On accompagnait un GIE de femmes et un GIE de pêcheurs. Ce groupement de femmes s’activait dans la transformation de produits locaux. Leur plus grand problème était un réseau de distribution et comment elles allaient écouler leurs produits. On s’est dit pourquoi ne pas leur créer un site web ? Ce que nous avons fait. Seulement, nous nous sommes rendu compte qu’on ne pouvait pas payer l’hébergement parce qu’on n’avait pas de carte bancaire ».
Cette expérience estudiantine a été l’élément déclencheur de l’une des premières Fintech sénégalaises. Elle se targue aujourd’hui de cette fierté à dire : « nous sommes les pionniers dans ce secteur au Sénégal ». La Fintech lancée le 26 novembre 2015, Youma Fall et son « nouveau bébé » ont vécu une période de disette. Avec zéro chiffre d’affaires au début, la nouvelle entreprise n’a enregistré de transaction qu’en février 2016. Elle se souvient encore de cette période de vaches maigres avec une certaine satisfaction et hilarité. Cette première n’a pas été la goutte d’eau qui fait déborder le vase, mais celle qui apporte un nouveau souffle d’espoir. Il faut dire que la Fintech montée par des étudiants « fait près de 50 000 transactions journalières ». De quoi être fier.
Aujourd’hui PayDunya est la première Fintech à obtenir la certification PCI DSS Level 1 au Sénégal
Ce parcours si brillant de Youma Fall est le fruit d’une bonne formation et d’une solide expérience professionnelle. « Ingénieure de conception en télécommunications avec une option sur les services à valeur ajoutée vers les réseaux et services mobiles. J’ai obtenu mon diplôme en 2015, année durant laquelle je me suis lancée dans l’entreprenariat. Depuis que j’ai commencé à travailler, je suis passée par les opérateurs de télécommunications. J’ai aussi lancé deux autres entreprises », explique-t-elle.
Depuis lors, elle est restée dans la même dynamique, celle de soutenir les entrepreneurs, de leurs apporter des solutions et d’œuvrer dans le social. « L’idée (de départ : ndlr) était d’aider les autres entreprises à pouvoir facilement collecter leur argent, à réduire les coûts des cash management, concrètement dans tous les secteurs d’activités. On a aujourd’hui, des entrepreneurs solos, des entrepreneurs formels et informels. Nous sommes commercialement présents dans 4 pays, avec 57 emplois pour une moyenne d’âge qui tourne autour de 29 ans », renseigne la patronne de PayDunya.
Le développement des entreprises est un moteur essentiel de la croissance économique et de la création d’emplois. Sans l’entrepreneuriat, il y aurait peu d’innovation, peu de croissance de la productivité et peu de nouveaux emplois. Pour Miss Fall, la question du genre se pose très souvent dans ce secteur. Seulement, elle s’est rendu très récemment compte qu’il y avait peu de femmes fondatrices de Fintech au Sénégal. Par contre, elle reconnaît que ces braves dames prennent beaucoup d’initiatives.
Les femmes entrepreneures doivent encore faire face à quelques clichés et préjugés qui stéréotypent leurs rendements et freinent leur désir d’évoluer et de créer de la valeur ajoutée. Et pourtant, les femmes sont de redoutables cheffes d’entreprise et n’hésitent plus à lancer leurs propres affaires.