Les experts en cybersécurité sont unanimes : la cybersécurité doit être considérée comme l’un des défis majeurs du 21èmesiècle. Pour une entreprise, une organisation ou un État, investir sur sa cybersécurité, c’est s’assurer de mener en toute quiétude ses activités. La recrudescence des cyberattaques va nécessairement susciter de nombreux emplois dans les années à venir. Il est donc impératif de former des experts.
Dans son étude intitulée ‘’Global Digital Trust Insights 2021’’ réalisée fin 2020, le cabinet PWC avait estimé que 3,5 millions d’emplois dans le secteur de la cybersécurité seraient à pourvoir dans le monde en 2021. Si les opportunités d’emploi sont ainsi évidentes, il faut surtout poser le problème de la compétence de ceux ou celles qui devraient en bénéficier.
Les professionnels de la cybersécurité sont rares et les entreprises peinent à les recruter. La raison en est qu’il n’y a pas assez de personnes formées pour répondre aux besoins croissants des organisations en sécurité informatique. En Afrique, de nombreux jeunes diplômés peuvent s’orienter vers la formation en cybersécurité. Encore faut-il les y attirer et les encourager.
La contribution des États dans la formation d’experts en cybercriminalité et leur visibilité sont importantes. « Il est primordial pour nos États de renforcer et maximiser les investissements dans ce secteur car elle aura une conséquence directe sur la qualité de notre capital humain», a déclaré EDITH BROU BLEU, spécialiste en numérique et membre du Conseil consultatif de Ciberobs, organisme qui a lancé le Cyber Africa Forum, l’événement de référence en terme de cybersécurité sur le continent.
En Afrique, il existe des institutions de formation en protection de données, mais on en entend peu parler. C’est également l’une des causes de la pénurie de compétences locales sur les questions de sécurité informatique: tant qu’on ne saura pas que la formation est disponible et accessible, on manquera de main d’œuvre qualifiée.
En termes de formations autour du numérique, on ne s’intéresse encore qu’à l’informatique, aux télécoms et au web. Pourtant, la cybersécurité renferme déjà, dans la pratique, ces trois secteurs d’activité.
La formation de spécialistes en cybersécurité doit aussi être orientée vers les femmes qui ont une faible représentativité parmi les experts. Selon une étude menée en 2017 par Deloitte, elles ne représentent que 11% des professionnels de la sécurité informatique, malgré le fort potentiel d’emploi du secteur. Le déséquilibre est grand et il faut agir. Pour EDITH BROU BLEU, les femmes ont leur place dans ce milieu fortement masculinisé : « Je milite depuis toujours pour que les jeunes femmes aient assez confiance en elles pour embrasser des carrières dans les domaines des nouvelles technologies et de la cybersécurité. C’est un facteur porteur de potentialité et vecteur d’autonomisation pour les femmes. »
De plus en plus d’initiatives sont prises partout sur le continent par des acteurs publics et privés pour combler ce déficit et, surtout, pour sensibiliser sur la place de la femme dans la cybersécurité. Ce sera notamment le cas lors de la 2ème édition du Cyber Africa Forum qui se tiendra du 9 au 10 mai 2022 à Abidjan et qui mettra à l’honneur les talents de la cybersécurité africaine, à travers l’initiative ‘’Cyber Africa Women’’, qui vise à promouvoir et soutenir les femmes dans le domaine de la cybersécurité et du numérique. En outre, une récompense inédite en faveur de la start-up de l’année dans le domaine de la cybersécurité sera décernée, afin de créer l’émulation dans le secteur.
Au Maroc, en Tunisie, au Sénégal et dans de nombreux autres pays d’Afrique, des écoles spécialisées existent. L’École nationale d’administration de Dakar, par exemple, abrite un établissement de formation des experts en cybersécurité. Il a ouvert ses portes en 2018 et est le fruit de la coopération entre les ministères des Affaires étrangères sénégalais et français. Il est destiné à renforcer la capacité des États africains à lutter contre les cyberattaques, la diffusion de messages extrémistes et les groupes terroristes.
Linda Nanan VALLÉE est Enseignante-chercheur et Directrice Exécutive de la Fondation Jeunesse Numérique, créée en 2016 à l’initiative du Ministère en charge de l’économie numérique. Membre du Conseil consultatif de Ciberobs, elle affirme : «La formation en cybersécurité est cruciale. Beaucoup de failles de sécurité sont dues à l’ignorance ou
à la négligence. En cybersécurité, il faut avoir une approche holistique et les solutions techniques de sécurisation (firewall, IDS/IPS, antimalware, …) ne sont qu’une partie du dispositif. La sensibilisation et la formation sont des piliers fondamentaux.» Elle ajoute que «l’École Supérieure Africaine des Technologies de l’Information et de la Communication (ESATIC, ISO9001), avec à sa tête le Professeur KONATÉ Adama, abat un travail formidable en termes de formation, avec notamment un master SITW – Sécurité Informatique et Technologies du Web. Les jeunes, étudiants et entrepreneurs de l’ESATIC comme de la Fondation JN, travaillant sur des projets innovants, doivent absolument adresser le volet cybersécurité et contribuer à l’amélioration de la qualité de vie de la population.» La Fondation Jeunesse Numérique continue de mener des actions pour la sensibilisation et la formation (TIC, entrepreneuriat) de la population, sur l’étendue du territoire ivoirien.
Le continent africain a besoin de maintenir sa dynamique de croissance dans la sérénité et la sécurité. Pour ce faire, la formation des femmes et des jeunes talents à la cybersécurité doit impérativement être une priorité, dans un monde marqué par un contexte post-Covid 19 dramatique et des cyberattaques toujours plus nombreuses.