Saudah Namutebi, une vendeuse ambulante ougandaise, a entendu parler du cancer du col de l’utérus alors qu’elle écoutait un jour la radio :« Pendant une émission de débat à la radio un médecin encourageait les femmes à faire un dépistage », explique-t-elle ; ajoutant que « je ne suis jamais allée parce que je n’ai pas le temps. Et je ne sais pas où aller pour un dépistage. »
Madina Nakku, elle aussi commerçante, vend des fruits au bord de la route à Entebbe. Elle ne voit pas pourquoi elle devrait subir un dépistage du cancer du col de l’utérus : « Je ne me sens pas malade, je n’ai pas de démangeaisons dans mes parties intimes ou d’autres choses comme ça. Pourquoi faire un dépistage quand je suis en bonne santé ? »
“Le vaccin coûte 200 USD la dose. Or deux doses sont nécessaires. La population ne peut pas se payer ce vaccin. Nous avons lancé un appel et le gouvernement et ses partenaires ont accepté de financer le vaccin”
Djeneba Ouédraogo, présidente de l’association Yerelon
On peut prévenir et guérir le cancer du col de l’utérus. Pourtant, il demeure la principale cause de décès par cancer des femmes dans bon nombre de pays en voie de développement. Les scientifiques estiment que le fardeau du cancer du col de l’utérus est un indicateur important des inégalités mondiales en matière de santé.
Si certains pays riches avancent sur la voie de l’élimination de la maladie, conformément aux objectifs globaux visant à considérablement réduire les taux d’ici 2030, les taux de dépistage restent bas dans de nombreux pays pauvres. L’ accès aux services y est limité et les tabous sociaux peuvent dissuader les femmes d’avoir recours aux services de santé.
Mais des avancées majeures au niveau des diagnostics et un vaccin qui vient tout juste d’être autorisé pourraient entraîner une nette baisse des taux de cancer du col de l’utérus dans les pays du sud.
Défi du cancer du col de l’utérus
Les femmes des pays à faible et moyen revenus sont particulièrement touchées par le cancer du col de l’utérus. Il est estimé que 85% des 570 000 nouveaux cas et des 311 000 décès dus au cancer du col de l’utérus en 2018 ont été enregistrés dans des pays en développement. Il s’agit de la principale cause de décès lié au cancer chez les femmes en Afrique subsaharienne, en Amérique centrale, en Mélanésie, et en Asie centrale et du sud.
L’Assemblée mondiale de la santé a exprimé l’an dernier son soutien pour la stratégie globale de l’OMS en vue de l’élimination du cancer du col de l’utérus. Elle lance un appel pour que 70% des femmes globalement subissent régulièrement un dépistage pour le cancer du col de l’utérus avec un test à haute performance (un taux atteint par moins d’un pays sur cinq actuellement).
Cette stratégie globale recommande la vaccination de 90% des filles de moins de 15 ans contre le papillomavirus humain (VPH), responsable de quasiment tous les cancers du col de l’utérus. Selon l’OMS, elle pourrait prévenir un total colossal de 62 millions de morts attribuables au cancer du col de l’utérus dans les 100 années à venir.
Si l’on sait que le fardeau du cancer du col de l’utérus est le plus lourd dans les pays du Sud, il est possible que les chiffres soient sous-estimés, là où la santé des femmes n’est pas une priorité pour les gouvernements ou lorsque la qualité des données laisse à désirer.Les données des 22 pays qui constituent la région Méditerranée orientale de l’OMS (qui couvre le Moyen-Orient et l’Afrique du nord, une partie de l’Asie centrale, ainsi que la Somalie et Djibouti) laissent penser que les taux de cancer du col de l’utérus sont bas dans ces communautés. Mais cela pourrait être attribuable à des lacunes en matière de diagnostic et de déclaration avec des morts attribuées à des cancers secondaires qui apparaissent après le cancer du col de l’utérus.
Un seul des 22 pays de la région a mis en œuvre un programme de vaccination contre le VPH, selon Nasim Pourghazian, agent technique de l’OMS en charge de la prévention des maladies non transmissibles pour la Méditerranée orientale. L’expert onusien précise par ailleurs que seulement neuf pays offrent des services de dépistage du cancer du col de l’utérus, « dont la plupart fonctionnent sur une base opportuniste ».
Nasim Pourghazian ajoute que « un des problèmes généraux avec les registres des cancers dans la région est le manque de communication entre les registres nationaux des cancers et les systèmes d’enregistrement des décès, ceci pouvant aussi contribuer au faible taux de mortalité attribué au cancer du col de l’utérus. »
Le représentant de l’OMS précise par ailleurs que « quand on compare le nombre de morts au nombre de cas dans la région – le ratio mortalité/incidence – le chiffre pour notre région est nettement supérieur à la moyenne globale. »
Culture et savoir
Un des défis majeurs en Afrique subsaharienne –où le fardeau du cancer du col de l’utérus est le plus lourd au monde – est la méconnaissance généralisée de la maladie.
Bernard Sawadogo, du Réseau africain d’épidémiologie de terrain a expliqué à SciDev.Net que la plupart des femmes sont mal informées, bon nombre d’entre elles estimant que le cancer du col de l’utérus ne peut pas être guéri.
Christine Nakimuli qui travaille dans une clinique privée de la capitale ougandaise Kampala précise que « je demande aux femmes qui viennent pour un vaccin, quel qu’il soit, si elles ont été vaccinées contre le VPH. Celles qui en ont entendu parler disent que c’est pour les jeunes filles qui sont vierges. Je les encourage à faire un test de toutes façons, malgré leur âge, et si celui-ci est négatif, de se faire vacciner.»
Les normes sociales et culturelles sont des facteurs majeurs dans les décisions des femmes de subir un dépistage ou non, surtout si le personnel de santé est masculin. Joyce Zalwango, infirmière en soins palliatifs en Ouganda, explique que « la plupart des femmes s’inquiètent de savoir qui elles vont trouver là si elles vont subir un dépistage – elles ne veulent pas être dépistées par des hommes. »
Bernard Sawadogo ajoute que dans les zones rurales, les femmes ont souvent besoin de la permission de leurs maris pour se faire dépister.
Selon Emmanuel Bukalu, spécialiste en santé reproductive et consultant au Programme national ougandais élargi sur l’immunisation, les cliniques essayent toujours de faire en sorte qu’une femme soit présente : « Si on arrive au stade du dépistage, on maximise le recours au personnel féminin et même si c’est un homme, on veut qu’une collègue soit présente. » Il ajoute que la plupart des femmes ignorent cette règle.
Cependant, Joyce Zalwango ajoute que si c’est bien le personnel féminin qui devrait réaliser les frottis, la plupart des établissements sanitaires manquent de personnel et il n’est pas toujours possible de trouver une femme, surtout dans les régions reculées.
Pour sa part, Aisha Nakitende, une coiffeuse ougandaise, confie que des témoignages selon lesquels le processus de dépistage était désagréable l’ont dissuadée de se soumettre à un examen : « une amie m’a expliqué comment ils ont fait son dépistage et elle a dit que c’était très douloureux », explique-t-elle ; et de s’interroger : « il n’y a pas une autre méthode qu’ils peuvent utiliser pour dépister ?»
Autotests
Les autotests VPH devraient « très bientôt changer la donne » selon Karen Canfell, professeure des universités associée à l’école médicale de l’université de Sydney et directrice de la recherche sur le cancer au Cancer Council NSW, la principale association caritative australienne luttant contre la maladie.
Elle explique que des données récentes indiquent que des frottis vaginaux auto-prélevés pour établir si le VPH est présent peuvent se révéler aussi fiables que des frottis prélevés par des cliniciens, lorsque l’on utilise un test PCR (réaction en chaine de la polymérase).
Lors d’un entretien avec SciDev.Net, la professeure Canfell a estimé que « le potentiel de l’auto-prélèvement est immense » et que « partout dans le monde, les femmes se félicitent de l’autodétermination qu’elle permet. »
Il serait possible d’avoir recours à l’auto-prélèvement pour atteindre les femmes des pays à faible et à moyen revenus qui n’ont jamais subi de dépistage pour le VPH ou le cancer du col de l’utérus.
Les directives de l’OMS pour le dépistage et le traitement du cancer du col de l’utérus, publiées en juillet dernier, indiquent que les échantillons peuvent être auto-prélevés ou fournis par un professionnel de santé, puisque les deux méthodes « peuvent avoir des effets similaires ».
Une étude publiée en juin dans le Medical Journal of Australia note que certaines des participantes au premier programme australien d’auto-prélèvement ont déclaré qu’elles n’auraient pas été dépistées s’il n’y avait pas eu une option d’auto-dépistage.
Une revue systématique de la littérature, principalement dans les pays à revenu élevé, a conclu que les tests VPH par auto-prélèvement contribueraient probablement à augmenter la participation au dépistage. L’OMS signale néanmoins que certains professionnels de la santé estiment que cette approche pourrait réduire le nombre d’opportunités qu’ils ont de fournir des soins supplémentaires.
Pour Karen Canfell, « l’auto-prélèvement est un pilier majeur de plusieurs initiatives de grande envergure visant à éliminer le cancer du col de l’utérus dans les pays à bas et moyen revenu, tel que le Pacifique occidental où on a pu constater un manque total de programmes de dépistage du cancer du col de l’utérus ou de vaccination contre le VPH qui va de pair avec un accès limité aux services de traitement pour le cancer. »
L’Australie va étendre l’option auto-prélèvement à toutes les femmes à compter de juillet 2022. « L’Australie est déjà en bonne voie pour devenir le premier pays au monde à éliminer le cancer du col de l’utérus, mais avec l’auto-prélèvement comme option universelle, nous devrions y parvenir plus tôt et de manière plus équitable » précise la professeure Canfell
Cette dernière ajoute que « nous savons qu’il y a des obstacles majeurs au dépistage du cancer du col de l’utérus pour de nombreuses femmes et personnes ayant un col de l’utérus, en particulier pour les aborigènes et les insulaires du détroit de Torres, les populations diverses au niveau linguistique et culturel, et les populations diverses du point de vue du genre et de la sexualité. L’auto-prélèvement donne plus de choix et de contrôle au niveau du processus de dépistage et devrait permettre de franchir certains de ces obstacles. »
Succès des vaccins
Des études indiquent maintenant qu’avec des programmes de vaccination efficaces contre le VPH, on peut obtenir des chutes spectaculaires des taux de cancer du col de l’utérus.
Une analyse publiée dans The Lancet au mois d’octobre a conclu que chez les femmes en Angleterre à qui on a offert un vaccin anti-VPH entre les âges de 12 et 13 ans, le taux de cancer du col de l’utérus était 87% moindre que chez les générations précédentes.
Un des auteurs de l’article, Peter Sasieni de King’s College London, souligne que l’impact vérifié du programme de vaccination contre le VPH en Angleterre était « plus important encore que ce que les modèles prédisaient ».
D’après Gavi, une alliance mondiale pour les vaccins, le coût élevé des vaccins et les difficultés pour obtenir la participation des adolescentes à travers le monde ont été des obstacles dans les pays à faible revenus.
Gavi est un partenariat public-privé qui cherche à améliorer l’accès aux vaccins dans les pays pauvres. L’organisation indique que 27 pays se sont vu officiellement accorder un soutien en matière de vaccins anti-VPH, 18 d’entre eux ayant lancé des programmes (parmi eux des pays dont les taux de cancer du col de l’utérus sont parmi les plus élevés tels que le Malawi, l’Ouganda, la Tanzanie et le Zambie).
L’objectif initial du programme Gavi de vaccination anti-VPH était d’atteindre 40 millions de filles à l’horizon 2020 mais l’alliance a réduit ce chiffre à environ 14 millions de filles en raison de « pénuries de vaccins et d’une forte augmentation de la demande globale ».
Un quatrième vaccin anti-VPH
On espère cependant qu’un quatrième vaccin anti-VPH pré-qualifié par l’Organisation mondiale de la santé en octobre contribuera à augmenter les stocks globaux.
Une pré-qualification de l’OMS est un « label » qui certifie que le vaccin est conforme aux normes de sécurité et d’efficacité. Les pays qui n’ont pas d’agence réglementaire se fient à cette pré-qualification pour s’assurer que les vaccins sont sûrs.
« Avec une pré-qualification de l’OMS, un vaccin peut pénétrer le marché plus facilement. Il peut être inclus dans des fonds qui achètent des vaccins en grande quantité pour les distribuer dans divers pays » explique Renato Kfouri, président du département scientifique des vaccins de l’association brésilienne de pédiatrie, qui ajoute que « les fondations qui distribuent les vaccins à travers le monde ont recours à des vaccins pré-qualifiés, ce qui facilite leur emploi dans des pays même sans autorisation finale. »
Le nouveau vaccin, dénommé Cecolin, est produit par la société chinoise Xiamen Innovax, une filiale de Beijing Wantai Biological Pharmacy. Cecolin a été homologué en Chine en 2019. Il s’agit d’un vaccin bivalent, autrement dit qui est actif contre deux types de papillomavirus humain, à savoir les types 16 et 18 qui sont à l’origine de plus de 70% des cancers du col de l’utérus.
“L’intelligence artificielle et le vaccin supplémentaire qui a été approuvé feront baisser les taux de cancer du col de l’utérus. Mais il souligne que le succès passera par la communication”
Hamidou Compaoré, Médecins du monde
Les trois vaccins qui avaient déjà été approuvés sont Cervarix qui est bivalent, Gardasil, qui est quadrivalent et agit contre quatre types de VPH, et enfin Gardasil 9 qui est “neuf-valent” et protège aussi contre les verrues génitales. Tous les vaccins offrent une protection contre les VPH de type 16 et 18.
« Les pays riches ont abandonné [le vaccin bivalent] parce qu’ils peuvent acheter le quadrivalent et ils passent maintenant au “neuf-valent” » explique le docteur Kfouri qui précise que « cependant, le vaccin bivalent continue d’être fréquemment employé à travers le monde, dans les pays du sud-est asiatique et en Afrique par exemple. C’est bien d’avoir ce bonus [en matière de protection] avec le vaccin quadrivalent mais l’objectif principal est de prévenir le cancer et les deux vaccins offrent la même protection contre les VPH de types 16 et 18. »
Une des différences clés pour les pays en développement sera sans doute celle du prix. Selon des chercheurs d’Asie du sud-est écrivant dans The Lancet, Cecolin coûte environ 50 USD (dollars américains) par dose en Chine contre 260 USD pour trois doses de Cervarix, 360 USD pour trois doses de Gardasil et 586 USD pour trois doses de Gardasil 9.
Coût des traitements
Au Burkina Faso, les défenseurs de la santé publique se réjouissent de cette nouvelle concernant un quatrième vaccin anti-VPH approuvé par l’OMS. Les autorités de Ouagadougou avaient promis que le vaccin Gardasil serait disponible pour les filles âgées de 9 à 14 ans.
D’après Djeneba Ouédraogo, présidente de Yerelon, une association de recherche et de soutien, le vaccin Gardasil est présent dans les pharmacies « à un prix exorbitant ». « Cela coûte 200 USD la dose. Or deux doses sont nécessaires. La population ne peut pas se payer ce vaccin. Nous avons lancé un appel et le gouvernement et ses partenaires ont accepté de financer le vaccin », ajoute Djeneba Ouédraogo qui précise toutefois que son organisation attend toujours le lancement officiel de la campagne de vaccination par le gouvernement.
Si le dépistage est disponible gratuitement au Burkina, le taux de participation est bas selon Issoufou Bélem, de l’Association des femmes atteintes et affectées par le cancer (AFAAC), une organisation locale.
Djeneba Ouédraogo explique que divers facteurs sont en cause, dont le manque de personnel spécialisé et d’équipement, ou encore le fait que les femmes disent éviter de se faire dépister de peur de découvrir qu’elles ont un cancer.
Le coût rédhibitoire des traitements constitue un problème majeur au Burkina. Madjara Cissé a reçu un diagnostic de cancer du col de l’utérus l’an dernier mais n’est pas en mesure de payer ses frais médicaux.
« Le médecin m’a conseillé de commencer une chimiothérapie mais je n’ai pas d’argent. Avant de découvrir que j’étais malade, j’avais réussi à mettre 1000 USD de côté. J’ai fait une première session de chimiothérapie mais j’ai arrêté faute de moyens », a-t-elle confié dans un entretien avec SciDev.Net.
Issoufou Bélem, dont la femme souffrait d’un cancer du col de l’utérus, ajoute que « juste pour les examens, j’ai dépensé plus de 200 USD par mois, sans tenir compte des médicaments. »
Intelligence artificielle
L’apprentissage automatique pourrait révolutionner ce processus et le coût du dépistage du cancer du col de l’utérus dans les communautés à faible revenu.
Le mois dernier, l’OMS a publié un plan d’orientation pour la recherche sur l’intelligence artificielle, le premier document de ce genre. Princess Nothemba Simelela, conseillère spéciale du directeur général de l’organisation, estime que les outils utilisant intelligence artificielle (IA) vont « changer la donne » pour les pays à faible et moyen revenu dans la lutte contre le cancer du col de l’utérus.
La stratégie globale pour accélérer l’élimination du cancer du col de l’utérus prévoit que les initiatives visant à obtenir des diagnostics de haute qualité a un prix abordable ainsi que les fournitures qui s’y rapportent devraient constituer une priorité.
Avec les avancées en IA, cette dernière pourrait permettre aux fournisseurs de soins de formuler des diagnostics plus rapidement et avec une plus grande fiabilité. L’OMS estime par ailleurs que l’on pourrait avoir recours à l’IA pour rapidement identifier et les cancers du sein et ceux du col de l’utérus.
Diagnostic
Unitaid, une agence des Nations unies qui vise à améliorer le diagnostic et le traitement des maladies infectieuses dans les pays en développement, a lancé un partenariat avec la Clinton Health Access Initiative en 2018 pour tester des outils de dépistage à intelligence artificielle en Inde, au Kenya, au Malawi, au Rwanda, en Afrique du Sud et en Zambie.
Philippe Duneton, directeur exécutif d’Unitaid précise que « nous estimons que d’ici la fin de 2022 nous pourrons être en bonne voie pour traiter plus d’un million de femmes. »
Il ajoute que malgré des interruptions dues à la COVID-19, le projet a toujours pour but de produire un outil d’analyse et de traitement pour 1 USD par femme. Le projet Unitaid, qui bénéficie d’un financement de 33 millions USD, déploie des outils de dépistage perfectionnés et introduit de nouveaux dispositifs portatifs pour le traitement, aux côtés d’une application téléphonique qui a recours à l’intelligence artificielle pour détecter les signes de cancer.
Johan Lundin est directeur de recherches à l’Institut pour la médecine moléculaire en Finlande et professeur à l’Institut Karolinska pour la recherche médicale à Stockholm, en Suède. Il a expliqué à SciDev.Net qu’avec l’intelligence artificielle, les pathologistes pourraient faire l’économie d’heures passées à analyser des échantillons de cellules.
Le professeur Lundin et ses partenaires de recherche au Kenya ont fait part de la réussite de leur démonstration de faisabilité dans le cadre d’une étude fondée sur la microscopie numérique avec intelligence artificielle. Les résultats des frottis vaginaux de 740 femmes ont été collectés et numérisés, puis analysés avec un algorithme d’apprentissage approfondi. Les conclusions, évaluées par les pairs, montrent que l’IA a donné des résultats exacts dans 96% des cas.
Pour Johan Lundin, « l’IA semble être plus efficace car elle peut parcourir l’ensemble de l’échantillon sous fort grossissement. » Le chercheur précise que « les experts humains ne regardent généralement qu’une partie de l’échantillon, vu que sinon, cela prendrait trop longtemps. L’IA permet d’atteindre tous les recoins.»Il ajoute que lorsque l’on combine son outil basé dans le cloud avec un contrôle humain, on obtient un instrument puissant et rapide : « Pour analyser un échantillon, un expert humain prend généralement une dizaine de minutes ou plus. L’analyse par IA se fait en quelques secondes – moins d’une minute – une fois qu’on a réalisé un scannage avec un microscope numérique à balayage ; ce qui prend quelques minutes seulement.»
Les images peuvent être visionnées partout dans le monde, mais le professeur Lundin indique que le but est de rendre l’outil de diagnostic numérique durable sur le plan local, en utilisant des pathologistes kenyans.
L’équipe a reçu deux subventions pour poursuivre ses recherches et évaluer notamment le rapport coût-efficacité de cette initiative. Le professeur Lundin espère que ce service pourrait être plus largement disponible dans un avenir relativement proche, peut-être à l’échelle de cinq ans.
Selon Johan Lundin, en Suède il y a en moyenne environ 30 pathologistes pour un million de personnes, contre moins d’un pour un million de personnes dans bon nombre de pays africains. Il estime que le déploiement du diagnostic par IA se fera le plus rapidement dans les contextes à ressources limitées : « Une fois que l’IA est bien établie et qu’il y a un consensus pour dire que ceci atteint un degré suffisamment élevé de précision, alors on aura clairement une révolution au niveau de la fourniture de services dans les lieux où on n’a pas accès à des experts. »
Stratégies et campagnes
Le personnel médical et les patients sont unis pour dire que les autorités sanitaires devront adopter des stratégies à volets multiples afin d’éliminer le cancer du col de l’utérus en tant que fardeau de santé publique. Pour Gavi, les vaccins anti-VPH , alliés au dépistage et au traitement, constituent la meilleure stratégie pour une réduction rapide du fardeau du cancer du col de l’utérus.
Pour Issoufou Bélem, au Burkina Faso, si l’OMS peut venir en aide aux pays pauvres comme le sien pour augmenter le taux de vaccination avec le vaccin anti-VPH qui vient d’être approuvé, ce sont des milliers de vies qui seront sauvées.
Son compatriote burkinabé, Hamidou Compaoré, de Médecins du monde, estime que l’intelligence artificielle et le vaccin supplémentaire qui a été approuvé feront baisser les taux de cancer du col de l’utérus. Mais il souligne que le succès passera par la communication : « La population se méfie de tout ce qui est gratuit, surtout en matière de vaccins » explique-t-il, ajoutant que « les gens pensent que c’est gratuit parce que ce n’est pas bon ».
Djeneba Ouédraogo, de Yerelon, estime pour sa part que le renforcement des systèmes de santé et des ressources humaines seront essentiels pour atteindre les objectifs escomptés: « Aujourd’hui au Burkina Faso, il nous faut plus de professionnels de la santé et plus de soutien de l’état.»
Par: Abdel Aziz Nabaloum, Fiona Broom, Helen Mendes, Esther Nakkazi et Nehal Lasheen
La version originale de cet article a été publiée par l’édition mondiale de SciDev.Net.