Le numérique a envahi tous les secteurs de la vie et engendre des bouleversements sur tous les plans, individuel, social, professionnel.
Cette « révolution numérique » n’épargne pas le système éducatif : on parle de plus en plus de techno-pédagogie. Il s’agit de l’usage pédagogique de l’informatique conçue, non pas comme une matière à part, mais plutôt comme un outil au service de l’enseignement apprentissage. Comme le dit KARSENTI, ces innovations, jumelées aux transformations des habitudes familiales et des valeurs sociales ont certainement eu un impact particulier sur les étudiants, notamment ceux qui ont grandi au cœur de ces transformations sociétales et de cette révolution technologique. Les nouvelles générations, contrairement aux anciennes, ont ainsi des attentes et des besoins nouveaux qui semblent particulièrement présents dans les milieux d’enseignement tels que l’université. (KARSENTI, 2004), et avec la covid-19, le moyen-secondaire et même le primaire.
La pandémie de Covid19 a fini de montrer l’urgence de repenser nos pratiques, nos méthodes pédagogiques. En effet, la nécessité d’intégrer le numérique dans les enseignements apprentissages ne se discute plus. Mais cela entraîne forcément des changements de paradigmes, de comportements, mieux une réelle révolution pour tous les acteurs du système éducatif : enseignants, élèves, administrations et parents. Il nous faut avoir le courage de sortir de notre zone de confort en modifiant les programmes trop bourratifs.
Avec l’’arrivée des logiciels de formation en ligne, «les étudiants et l’université doivent continuellement redéfinir la notion de «salle de cours», d’«enseignement». L’utilisation des technologies d’enseignement en ligne change la façon dont les étudiants et les enseignants interagissent, tant d’un point de vue structurel que social.
Il apparaît donc que la technologie modifie les rapports entre apprenants et enseignants, les rapports au savoir, à l’espace d’apprentissage. GALICHET souligne qu’ « Il ne suffit pas de mettre des contenus en ligne et de transposer pour Internet les activités et les travaux qui sont habituellement effectués dans les cours traditionnels à l’Université.». Il met ainsi l’accent sur la nécessité de bien différencier la pédagogie en présentiel de la pédagogie à distance en tenant justement compte de la différence dans les rapports apprenants/enseignants en présentiel (face à face) et en ligne (à distance).
Il convient donc de former progressivement les enseignants pour les mettre en confiance. Et pour atteindre cet objectif, il faut privilégier l’expérience de la réussite pour leur permettre de dépasser le sentiment de déséquilibre que naturellement ils ressentent, et qui est dû à un sentiment de perte de contrôle car avec le numérique, le rapport enseignants/enseignés n’est plus vertical : il devient horizontal.
Par ailleurs, les apports pédagogiques du numérique sont indéniables, les outils de collaboration constituant un gisement d’innovation pour les enseignants, ouvrant la voie vers une amélioration des résultats scolaires, mais aussi vers le développement de nouvelles habiletés sociales et cognitives. Le e-learning n’est pas simplement une innovation ou un renouveau dans l’enseignement, il dénote un véritable changement de paradigme pédagogique. Il ne s’agit pas uniquement pour un enseignant de déposer le texte de ses cours sur une plateforme Internet et pour l’étudiant de se servir d’un ordinateur. Le e-learning implique en effet de nombreuses révolutions en matière de stratégies et compétences
d’apprentissage et d’enseignement, d’organisation institutionnelle et de politique éducative globale. L’enseignement doit être pensé différemment à tous les niveaux, que ce soit à celui des apprenants, du corps enseignant, des institutions de formation ou du pouvoir politique.
Pour les élèves, le numérique exige des compétences telles que l’autonomie, le savoir-apprendre…. Pour réussir aujourd’hui, de nouvelles compétences s’imposent : motivation, confiance en soi, autonomie, persévérance, collaboration, innovation, création…
L’évolution constante de la société impose également de savoir s’adapter, de se former tout au long de la vie et donc d’apprendre à apprendre. La compréhension du monde actuel implique la maîtrise des compétences numériques. Former à ces compétences nécessite de revoir les pratiques pédagogiques, mais également de repenser les espaces d’apprentissage, revisiter les temps scolaires.
La gestion des carrières, elle-même, va évoluer : les jeunes d’aujourd’hui pourront connaître jusqu’à 10 métiers différents et n’auront d’autre choix que de s’adapter, de se former de manière continue, d’être des autodidactes. De manière générale, pour répondre aux évolutions du monde professionnel, la formation continue va s’appuyer de plus en plus sur tous les atouts du numérique. Les nouveaux supports, tels que les jeux sérieux (serious game ou Learning game) rendent les notions très complexes accessibles au plus grand nombre. Le web 2.0 devrait également s’introduire progressivement dans la formation professionnelle : ce « web social », permet plus de stimulation, de personnalisation, d’efficacité (l’employé n’est plus seul face à son ordinateur) et surtout, il favorise la diffusion des savoirs informels, souvent plus efficients que l’apprentissage formel.
L’école n’a plus pour unique rôle la transmission des savoirs : il est essentiel de redéfinir les compétences à développer chez les élèves et les compétences que doivent posséder les enseignants.
Jusqu’à aujourd’hui, la plupart des enseignants du secondaire et du supérieur devenaient professeurs par passion pour une matière. Ils transmettaient alors ce précieux savoir à leurs élèves et étudiants pendant leurs cours. À l’ère du numérique, le rôle de l’enseignant reste central, mais évolue : il ne transmet plus seulement des connaissances mais, des « méta-connaissances ». Il doit enseigner à l’apprenant les méthodes permettant de passer du foisonnement d’informations qu’il trouve sur le web à la connaissance, le former à l’esprit d’analyse, la prise de recul, la prise de risques, la prise de décisions, le travail de synthèse, le travail collaboratif, à l’innovation…Et afin d’acquérir ces compétences complexes, certains savoir-être deviennent fondamentaux : autonomie, confiance en soi, respect, responsabilisation, empathie.
Si nous voulons que les apprenants maîtrisent les conséquences des innovations technologiques toujours plus nombreuses et non qu’ils les subissent, nous devons les former à la société numérique dans laquelle nous vivons. La présence du web dans les classes n’est donc pas plus surprenante que celles des livres.
Les TICE augmentent l’intérêt, l’attitude et la motivation quand les élèves/étudiants utilisent des applications informatiques qui :
· Les stimulent ;
· Développent leur autonomie, leur estime personnelle ;
· Maximisent leur chance de réussite ;
· Favorisent leur créativité et leur production ;
· Leur permettent de partager leur travail avec des pairs, des professeurs et des parents.
Les TICE améliorent les résultats scolaires et développent des compétences complexes quand l’activité proposée :
· Tient compte des capacités de l’élève ;
· Permet à l’élève d’expérimenter ;
· Offre des possibilités de collaboration entre élèves ;
· Permet la réalisation de projets transversaux ;
· Permet des rétroactions ;
· Propose un système d’auto-évaluation ;
· Permet aux élèves et étudiants de gérer eux-mêmes leurs apprentissages.
Les TICE sont importantes dans le sens où elles représentent le déclencheur permettant d’initier un changement pédagogique. Ce sont les « catalyseurs du changement », un tremplin vers de nouvelles pratiques pédagogiques elles-mêmes solutions à de nombreux problèmes et de nouveaux défis. Mais sans l’évolution des pratiques, les outils numériques n’auront quasiment aucun impact sur la réussite scolaire des élèves.
Il est fondamental de s’interroger sur le devenir de la pédagogie à l’ère du numérique, sinon, on laissera le champ libre aux anciennes pratiques et on créera un « désert pédagogique ».
Il devient ainsi urgent que l’éducation prenne en compte les changements de société et évolue avant d’être complètement dépassée. Nous devons sortir des débats extrémistes opposants des technophobes qui estiment que les outils numériques n’ont rien à faire dans une salle de classe, qu’ils anesthésient le cerveau et des technophiles persuadés que les ordinateurs vont remplacer l’enseignant.
Notre système éducatif doit évoluer. Pour le meilleur !
Cela demandera du temps mais surtout de faire confiance aux enseignants innovants et de rompre l’isolement dans lequel ils travaillent.
Quatre raisons d’innover et d’enrichir la pédagogie
1. Une pédagogie différenciée à construire dans un contexte de massification
Seul un enseignement différencié, plus porté sur la qualité que la quantité, peut permettre de répondre à la massification du système éducatif.
2. Confiance, bien-être et interactivité pour répondre à un système à bout de force
Nos pratiques pédagogiques développent aujourd’hui plus le pessimisme que la confiance : nous n’avons d’autre choix que de les renouveler.
3. Former à de nouvelles compétences afin de répondre à l’évolution de la société
La pédagogie magistrale traditionnelle ne permet pas de développer des compétences. Or aujourd’hui apprendre à apprendre, savoir analyser, synthétiser, collaborer, créer, apporter de la valeur ajoutée, s’adapter…sont devenues des compétences essentielles.
4. De nouveaux modèles d’apprentissage basés sur l’échange et le partage
L’enseignement frontal et l’apprentissage individuel ne peuvent plus être considérés comme les seules références. Sans disparaître, il est essentiel de prendre en compte les communautés d’apprentissage qui se créent. Les rapports entre les élèves et le multimédia sont tels, qu’ils imposent une transformation majeure de la pédagogie : l’éducation d’hier ne permettra pas de former les talents de demain.
PAR MAIMOUNA DIAKHATE
Présidente SENUM
Site web: senum-association.org
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