La Russie a condamné vendredi les géants américains Meta et Google à des amendes record, pour la première fois indexées sur les revenus des deux entreprises sur place.
Pour des entreprises aussi puissantes, les montants avancés ne changeront pas grand-chose. Google et Meta (ex-Facebook) ont été condamnés vendredi en Russie à des amendes respectives de 87 millions et 23 millions d’euros, pour n’avoir pas supprimé des contenus « interdits », liés à de la « haine religieuse », des informations « non fiables » ou faisant la promotion « d’organisations terroristes ou extrémistes ».
Selon le gendarme des télécoms, le Roskomnadzor, les réseaux sociaux Facebook et Instagram (propriété de Meta) comptent encore plus de 2000 contenus prohibés en Russie. Pour Google, ce chiffre atteint plus de 2600. S’il reste loin, pour Google, des 2,4 milliards infligés par la Commission européenne – pour d’autres raisons – le signal lancé par le Kremlin à l’égard des géants de la Tech occidentaux est très fort.
Amendes record
D’une part, ces montants restent les plus élevés jamais infligés aux deux compagnies. Et de très loin. D’après l’agence de presse AP, Facebook avait ainsi cumulé jusqu’en octobre un peu moins d’un million d’euros d’amende, pour des raisons plus ou moins similaires. Depuis 2014, une loi russe requiert également que les entreprises web stockent les données de leurs utilisateurs russes en Russie, ce que toutes ne font pas, s’exposant ainsi aux sanctions.
Pour Facebook, le chiffre a cette fois été multiplié par 23. Pour Google, l’ONG Reporters sans Frontières estimait à environ 100 000 euros le montant des différentes sanctions infligées. La raison est simple : en situation de « récidive », les deux géants ont également vu ces amendes indexées sur la base de leurs revenus en Russie.LIRE AUSSI >> Russie : les réseaux sociaux, le point faible de Vladimir Poutine
Ces amendes symbolisent enfin un nouveau seuil dans la répression à l’égard des réseaux sociaux. Infligées à l’aube de 2022, elles clôturent une année marquée par une reprise en main de ces outils par le Kremlin, et par une fermeture sans précédent de l’Internet russe, qui file tout droit vers la création de son « Runet ».
Rachat de Vkontakte, suppression de TOR…
« Un durcissement est inévitable, car le président russe est profondément préoccupé par Internet », soulignait en début d’année, auprès de L’Express, la politologue Tatiana Stanovaya. Vladimir Poutine avait effectivement déclaré les géants de l’internet étaient « en concurrence de facto avec les Etats », dénonçant leurs « tentatives de contrôler brutalement la société ».
Le président russe avait effectivement vu ses opposants se liguer sur Internet, anonymement, ou à la vue de tous. En janvier, l’opposant politique Alexeï Navalny, depuis emprisonné, publiait sur YouTube (Google) une longue enquête sur le « palais de Poutine » sur les rives de la mer noire. Un domaine aussi secret que luxueux, au financement plus que douteux. Cette vidéo fait justement des contenus « interdits » que Google est appelé à supprimer, en Russie.
Outre les amendes, étalées sur toute l’année, Moscou avait par la suite contraint Google, déjà lui, et Apple, à retirer de leurs magasins virtuels en Russie l’application de l’opposant emprisonné Alexeï Navalny, juste avant des élections législatives.LIRE AUSSI >> Élections législatives en Russie : comment Moscou a mis au pas les géants de la Tech
Vladimir Poutine n’est pas plus tendre avec les acteurs locaux, mis au pas, ou tout simplement repris en main. C’est le cas du réseau social Vkontakte, clone de Facebook, désormais sous le contrôle de Gazprom-Media, une filiale du géant énergétique dont l’actionnaire majoritaire n’est ni plus ni moins que le gouvernement russe.
Le Kremlin a, coup sur coup, cet automne, accéléré la chasse aux services permettant de contourner ce nouvel internet sous contrôle. Le réseau TOR, permettant d’anonymiser l’origine de certaines connexions, et porte d’entrée vers le Darknet, est bloqué depuis le début du mois. Six services de VPN (réseaux privés virtuels), permettant de contourner les blocages sur des sites célèbres, à l’image de Google ou Facebook, en se connectant à des serveurs basés à l’étranger, ont également été rendus inaccessible. Se dessine, en creux, le rêve d’un « Runet ». Un Internet russe contrôlé, et fermé aux connexions étrangères, lui permettant, assurent les autorités, de se protéger contre une attaque informatique d’ampleur. Mais surtout d’éteindre toutes voix opposantes sur son cyberespace.
Avec l’Express