Une centaine de spécialistes, des enseignants chercheurs et des membres de consortiums de recherche sur les données satellitaires de l’Afrique francophone et anglophone ont pris part au deuxième Forum GMES & Afrique[1], organisé du 6 au 10 décembre 2021 à Abidjan en Côte d’Ivoire.
La rencontre placée sous le thème : « l’observation de la terre, favoriser la durabilité environnementale et la croissance socio-économique en Afrique », m’a permis de me faire une idée du rôle et de l’importance des données satellitaires en Afrique.
Elles permettent le gain de temps et une « gestion efficace de nos ressources en eau et dans l’agriculture », estime Mustapha Mimouni, responsable de la cellule télédétection à l’Observatoire du Sahara et du Sahel.
Selon ses explications, grâce aux données satellitaire, « l’agriculteur va corriger efficacement les anomalies résultant de la dégradation des terres, l’Observatoire assure le suivi-évaluation des politiques menées par les pays. Des données sont mises à la disposition des Etats gratuitement ».
“Il faut renforcer les travaux de recherche en cours dans nos universités et institutions de recherche, sur l’utilisation de l’information spatiale pour la protection de la biodiversité et la gestion efficace et durable des ressources naturelles terrestres et marines, afin d’éviter leur exploitation abusive et anarchique”
Adama Diawara, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Côte d’Ivoire
Simon Andon N’guessan, spécialiste en géomatique, pense que tout producteur agricole doit disposer des outils d’information qui lui permettent de planifier ses opérations et de faire face aux multiples aléas pouvant menacer sa production, « telles que des infestations d’insectes, les intempéries, la sécheresse ou les dommages liés au stress des végétaux, qui peuvent affecter le potentiel de sa récolte et les conditions de sa terre », précise-t-il.
Il ajoute qu’à partir des données satellitaires, en temps réel ou en images satellites, il est possible de surveiller la zone océanique de pêche pour éviter que d’autres viennent surexploiter nos ressources halieutiques à notre insu, de connaître les zones à forte production ou à faible production pour être efficace dans le contrôle des exigences (mailles de filet, produits chimiques utilisés pour la pêche, etc.).Il était aussi question au cours de ce deuxième forum, de discuter des réalisations et des enseignements tirés de la première phase de GMES & Afrique et de la démarche à adopter pour la deuxième phase de ce projet.
A en croire le témoignage d’Edmond Nanan Tanoh Tanoh, chef du village d’Assinie Babineha, une localité en bordure de lagune du sud-est ivoirien, la mise en œuvre de la première phase de ce projet leur a permis de constater la disparition des poissons dans les eaux.
« Il y a aussi une nappe phréatique qui vient de notre zone et qui dessert une grande partie de la population d’Abidjan. Le programme GMES and Africa nous a donc permis de mieux comprendre tous ces phénomènes et nous permet de sensibiliser nos populations à la protection de nos zones humides », soutient ce dernier.
Etablir des ponts
Houda Baba Sidi M’hamed, la directrice du Centre universitaire de cartographie et de télédétection de Nouakchott en Mauritanie, relève qu’un travail énorme a été fait dans les différents consortiums et que des applications ont été développées.
« D’où mon appel à des échanges de savoir-faire, des expériences, établir des ponts pour avoir un impact plus important sur le développement du continent », précise-t-elle à SciDev.Net.
Pour atteindre cet objectif, Adama Diawara, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique de Côte d’Ivoire, pense que « il faut renforcer les travaux de recherche en cours dans nos universités et institutions de recherche, sur l’utilisation de l’information spatiale pour la protection de la biodiversité et la gestion efficace et durable des ressources naturelles terrestres et marines, afin d’éviter leur exploitation abusive et anarchique ».
Ce dernier invite par conséquent « chaque Etat africain à réfléchir sur le renforcement de l’intégration des applications de l’observation spatiale de la terre dans les programmes de formation universitaires. Car nous avons besoin d’une masse critique de spécialistes dans ce domaine ».Pour Souleye Wade du Sénégal, expert en télédétection, l’Afrique a une chance immense, à condition que l’expertise soit formée, que les décideurs politiques soient sensibilisés, que les utilisateurs et les gestionnaires soient sensibilisés et formés.
Afin de « réduire le gap en matière de développement en faisant des pas importants en utilisant les données d’observation de la terre avec des applications sur l’agriculture, la gestion des catastrophes, l’aménagement du territoire, les sciences médicales, la médecine et bien d’autres applications », renchérit-il.
Dans un monde très avancé en matière d’intelligence artificielle et systèmes d’information géographique, l’Afrique ne saurait rester en marge, soutient Houda Baba Sidi M’hamed.
Toutefois, l’acquisition des données satellitaires coute chère, déplore le Dr Andon N’guessan Simon.