vendredi, décembre 27, 2024

James Webb : un télescope spatial fruit de multiples prouesses

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Le télescope spatial James Webb est lancé ce samedi de Kourou et promet d’observer l’univers comme jamais auparavant. Pour accomplir sa mission, de nombreux exploits ont dû être réalisés et doivent encore l’être.

Samedi 25 décembre, entre 13h20 et 13h52 à l’heure de Paris, le télescope spatial James Webb partira en direction de l’espace à bord de la fusée Ariane 5, lancée de Kourou en Guyane française. C’est le plus grand et le plus puissant jamais envoyé dans l’espace. Il a fallu plus de trente ans de travail – et une facture proche de 10 milliards de dollars – pour pondre ce bijou spatial de 1 500 tonnes. Le télescope sera placé à 1,5 million de kilomètres de la Terre sur le point Lagrange numéro 2 (un point d’équilibre gravitationnel entre la Terre et le Soleil). Une distance bien plus lointaine que celle où se trouve Hubble, son prédécesseur, en orbite à environ 550 kilomètres de la Terre. Un défi scientifique mais aussi technique qui représente de grandes prouesses technologiques.ÉcouterRéécouter Ecoutez Pierre Ferruit, le co-responsable scientifique de James Webb pour l’ESA, depuis la base spatiale de Kourou2 MINEcoutez Pierre Ferruit, le co-responsable scientifique de James Webb pour l’ESA, depuis la base spatiale de Kourou

Un origami à déployer pendant un trajet d’un million et demi de kilomètres, qui se joue au millimètre

De loin, James Webb ressemble à un origami de couleur doré. Son miroir, composé de plusieurs segments hexagonaux, mesure 6,5 mètres de diamètre“Il faut comprendre que ce télescope est tellement gros qu’on va devoir le lancer plié – en trois – pour qu’il puisse rentrer dans la coiffe d’Ariane 5”, explique Pierre Ferruit, le co-responsable scientifique de James Webb pour l’Agence spatiale européenne (ESA). Astronome de formation, il travaille depuis 20 ans sur ce télescope.

“Une fois dans l’espace, il va devoir se déployer”, ajoute Philippe Laudet, astrophysicien au CNES. Ce travail va prendre plus d’un mois. Une période pendant laquelle “une quarantaine de mécanismes vont être déployés, ainsi que quatre instruments alimentant notamment les faisceaux lumineux et cinq épaisseurs de matériau qui composent le bouclier thermique… Grand comme un terrain de tennis. Sans oublier le miroir de 6,5 mètres de diamètre (contre 2,4 mètres pour son prédécesseur Hubble). Or, chaque mécanisme est un risque de panne”, détaille Philippe Laudet. “C’est une prouesse technologique d’arriver à faire cela.” Car ce déploiement va se jouer au millimètre près. Pierre Ferruit, qui suit le décollage du lanceur depuis Kourou, raconte qu’il a fallu énormément de préparation au sol au niveau de la conception et des tests pour s’assurer que tout se passera bien. “Quand le télescope se déploiera, les experts vont suivre chaque étape de manière méticuleuse.” 

Simulation du lancement de James Webb à bord d'Ariane 5
Simulation du lancement de James Webb à bord d’Ariane 5• Crédits : ESA

Cette technique de déploiement existait déjà auparavant, mais elle n’a jamais été utilisée à aussi grande échelle. “On l’utilise très souvent notamment pour déployer des panneaux solaires ou des antennes. Mais là, c’est l’un des déploiements les plus complexes qui ait jamais été mis en place. C’est un observatoire pour lequel on attend des résultats exceptionnels, donc pour obtenir un tel niveau de performance et de complexité, forcément son installation est elle aussi un peu exceptionnelle”, commente Pierre Ferruit.https://www.youtube.com/embed/RzGLKQ7_KZQ?feature=oembed

En tout, le déploiement, le test des instruments et l’installation au point Lagrange numéro 2 en orbite à 1,5 millions de kilomètres de la Terre, vont prendre six mois. La mission opérationnelle doit démarrer en juin. D’après Philippe Laudet, rien que pour arriver à mettre en orbite un télescope pareil, “au niveau technologique c’est terrible. Il sera en permanence dos à la terre et au soleil !” Cette distance impressionnante ajoute un autre défi au fonctionnement de James Webb : aucune réparation ni intervention ne pourra être faite, contrairement à Hublle. Il faut donc que tout fonctionne, et du premier coup.

Un système infrarouge pour voir là où on n’a jamais vu 

Le télescope James Webb est doté d’un système infrarouge, pour voir là où on n’a jamais vu. “Hubble voyait surtout dans l’ultraviolet et dans la lumière visible par l’œil humain. L’inconvénient de regarder l’univers dans le visible, c’est que par exemple si vous avez des nuages de poussière et de gaz, alors c’est opaque, vous ne voyez pas au travers. Avec James Webb, on pourra voir au travers de ces nuages !” s’enthousiasme Philippe Laudet. 

Tous les astrophysiciens et astronomes du monde n’attendent que cela. Pourquoi ? “C’est au cœur de ces nuages de gaz et de poussière que se forment, par exemple, les étoiles et les systèmes planétaires. Webb va chercher à observer les premières galaxies, nées dans les premières centaines de millions d’années de l’univers. Les images qui vont lui parvenir traversent plus de 13 milliards d’années lumière, dans un univers en expansion”, sourit Pierre Ferruit. 

Le co-responsable du télescope pour l’ESA ajoute que le télescope va également pouvoir observer l’atmosphère d’exoplanètes“ces fameuses planètes qui tournent autour d’autres étoiles que le Soleil”. Et peut-être même qui sait… Trouver des signes de vie ailleurs, comprendre ce qu’est la matière noire ou, puisque l’on va voir dans le passé, répondre à la vertigineuse question “Comment a été créé l’univers ?”

Mais pour faire des découvertes, il faut que le système fonctionne, et cela nécessite des conditions thermiques rigoureuses. “Pour avoir une bonne vision infrarouge afin de voir des objets très peu lumineux, il est nécessaire de refroidir le télescope et ses instruments. Et on ne parle pas de refroidir un tout petit peu : il faut qu’il soit à -230 degrés !” 

On a un côté qui fait face à toutes les sources de chaleur : la lumière, le Soleil, la Terre, la Lune… Il va faire à peu près 85 degrés de ce côté-là ! Et il faut imaginer que deux mètres plus loin, de l’autre côté du télescope, il va faire -230 degrés. Il a donc fallu concevoir un pare-soleil géant, de la taille d’un court de tennis, qui stoppe la lumière et la chaleur au point qu’on puisse avoir une descente de 300 degrés en deux mètres. C’est vraiment un gros défi.          
– Pierre Ferruit,  co-responsable scientifique du télescope James Webb pour l’Agence Spatiale Européenne (ESA)

Le télescope doit fonctionner au minimum cinq ans, mais les chercheurs espèrent qu’il sera en orbite pendant une dizaine d’années. James Webb est le fruit d’un travail commun entre la Nasa et les agences spatiales européenne et canadienne. Toutes ces années de recherche, ces prouesses techniques et plus globalement cet envoi spatial représentent le coût le plus élevé jamais investi pour un satellite, proche de 10 milliards de dollars ; tous espèrent que le lancement se passe comme prévu, au millimètre près.

Justine Leblond, Franceculture