vendredi, novembre 22, 2024

Khady Djibril NDIAYE, pilote de ligne: ‘’Rien n’est impossible !’’

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Née à Dakar, Khady Djibril Ndiaye fait partie des rares pilotes de ligne sénégalaises et africaines officiant aux Etats-Unis d’Amérique. Dans ce métier réputé très misogyne, l’enfant des Parcelles-Assainies a su se frayer un chemin et imposer le respect à ses pairs. A cœur ouvert, la bonne dame revient sur son parcours, d’Usine Benn Tally à la côte Ouest des Etats-Unis d’Amérique.

Qui est Khady Djibril Ndiaye et quel est son parcours ?

Je suis née et j’ai grandi au Sénégal où j’ai eu une enfance très active, entre Usine Benn Tally et les Parcelles-Assainies. Mes journées étaient très chargées entre les études et le sport. En effet, en plus des études, je jouais au basketball à la Jeanne d’Arc de Dakar. Pour ce qui est de mes études primaires, je les ai faites à l’école Mame Diarra Bousso (Madibso) aux Parcelles-Assainies. Après l’entrée en 6e, j’ai été orientée au collège Saint-Michel en ville pour les études moyennes, avant de rejoindre le lycée De Lafosse et Jean de La Fontaine où j’ai eu un Bac scientifique. Par la suite, j’ai regagné les Etats-Unis pour poursuivre mes études supérieures.

Aujourd’hui, je suis devenue pilote de ligne pour une compagnie aérienne sise aux USA. Une compagnie basée sur la côte Ouest des Etats-Unis.

Avez-vous rêvé de devenir pilote ou bien cela s’est imposé à vous ?

J’avoue que j’en ai toujours rêvé. Depuis toute petite, je rêvais de devenir pilote de ligne et c’est un rêve qui est aujourd’hui réalisé. J’en rends grâce à Dieu.

Est-ce évident de réaliser un tel rêve dans le contexte africain, sénégalais et quels en sont les principaux obstacles ?

Ce n’était pas du tout évident. Avec ce rêve, je savais bien que rester au Sénégal ou en Afrique n’était pas une option. Mais, mes parents étaient d’un grand soutien. Mon père m’avait toujours dit qu’il payerait mes études pour la France où les USA, si jamais je trouvais une école. Je vois maintenant qu’il y a des écoles dans la sous-région. J’espère que l’activité va se développer au Sénégal pour donner plus de chance aux jeunes.

Qu’est-ce qui est le plus difficile sur ce chemin qui mène à cette profession ?

Pour ma part, c’était d’abord le fait de vivre seule dans un pays étranger, loin de ma famille. C’est très difficile. Dans un premier temps, se posait un problème d’adaptation, ainsi que la barrière de la langue. Ensuite, il y a la formation de pilote qui est très exigeante. Il faut beaucoup de concentration et de détermination dans ce métier. Mais, je dirais que le plus gros obstacle, lorsqu’il s’agit de la formation de pilote, c’est le financement. Ce n’était pas du tout gagné d’avance, mais on y est parvenu grâce à Dieu et avec l’aide de nos parents.

Quelles sont les prédispositions à avoir pour devenir pilote ?

Avant tout, il faut la passion. L’aviation est un métier qui peut être très misérable pour une personne qui s’y investit pour d’autres raisons comme l’argent. La passion est donc très importante. En plus de la passion, il faut la capacité intellectuelle et une bonne santé, bien sûr. En outre, il faut être multitâches, avoir des compétences de base en mathématiques/physique. Il faut également être prêt à s’absenter pendant une longue période, être à l’aise dans le travail d’équipe, respecter les règles et être intègre. Aux USA, il y a beaucoup d’universités qui offrent la formation. Il y a aussi de petits centres dans les aéroports locaux qui offrent des formations. Pour l’Afrique, je pense qu’il y a des écoles en Afrique du Sud et le centre Iba Guèye de Dakar.

A quand remonte votre première expérience et comment l’avez-vous vécue ?

Ma première expérience remonte à 2010, quand j’ai fait un vol d’introduction et c’était une très belle expérience. C’est vrai que j’avais eu un peu peur, mais je pense que c’était beaucoup plus de l’excitation que de la peur. Je savais bien que c’est ce que je voulais pour le reste de ma vie. Et que la peur n’avait pas sa place dans mes plans.

Parlez-nous un peu du quotidien de Khady, de la préparation d’un vol à l’arrivée à destination ?

Le quotidien d’un pilote varie d’un jour à l’autre. Comme on dit dans ce milieu, il n’y a pas deux jours pareils. Je peux dire qu’une journée facile peut être une journée avec un voyage à trois étapes. Par exemple, on passe de Seattle à Los Angeles pour finir à Dallas et y passer la nuit. Nous devons généralement arriver à l’aéroport une heure avant le vol, pour commencer la préparation. Celle-ci consiste à préparer l’avion, consulter le carnet de maintenance, obtenir la planification du vol, passer en revue la météo le long de la route et dans les différents aéroports, briefez les agents de bord et parlez de tout ce qui pourrait affecter le vol. Le capitaine décide qui vole en premier et à partir de là, nous alternons. Le pilote commandant de bord, l’autre s’occupe des radios et surveille ce que fait le pilote aux commandes de l’avion. Ils obtiennent toutes les données d’atterrissage et la météo pour préparer l’avion à atterrir.

Quel est le conseil le plus précieux pour un pilote ?

Garder son intégrité ; toujours donner la priorité à la sécurité ; être toujours professionnel ; s’efforcer d’être un meilleur pilote tous les jours et être un excellent collègue.

Qu’est-ce qui vous fascine le plus ?

Tout dans ce travail est fascinant, à mon avis. De la belle vue de notre bureau, aux endroits où nous allons, sans oublier les expériences que nous vivons chaque jour. Si vous êtes un passionné, vous ne pourrez jamais vous ennuyer à faire ce travail. C’est assez fascinant de savoir que vous êtes responsable de la sécurité et du bien-être de tant de personnes, et que vous pouvez faire une différence dans la vie de quelqu’un chaque jour que vous allez au travail. Nous unissons les familles tous les jours et aidons les gens à créer de bons souvenirs.

Qu’est-ce que vous aimez le moins dans le métier ?

Ce que j’aime le moins, c’est être loin de chez moi pendant une longue période. Parfois, tout ce que je veux, c’est dormir dans ma propre chambre et non dans une chambre d’hôtel. Aussi, la plupart du temps, je suis absente pour le travail pendant les week-ends et les fêtes. Et pour cette raison, je rate toujours les réunions de famille et les célébrations avec les amies. C’est ce qui me fait le plus mal, si je puis dire.

Qu’est-ce que ça vous fait de voir un pilote chômer ?

C’est très dur de voir un pilote chômer, parce que je sais combien d’efforts et de travail, ils ont dû déployer pour devenir pilote professionnel. C’est aussi un gros investissement. Pour cette raison, c’est navrant de les voir sans travail.

Quel avion rêveriez-vous de conduire ?

Le Boeing 777. Parce que mon père me disait souvent que je serai un commandant du 777. Ce serait un hommage à mon père, qui a beaucoup fait pour que je sois à ce niveau.

Que pensez-vous du développement du transport aérien au Sénégal ?

Le secteur aérien sénégalais semble très prometteur. Je suis heureuse de voir le travail en cours et je prie pour le succès de tous ces projets. J’espère aussi que le secteur continuera de grandir et ouvrira des portes aux nombreuses passionnées qui sont dans le pays et dans le continent.

Khady a-t-elle toujours des attaches au Sénégal ?

Bien sûr ! Toute ma famille est au Sénégal. C’est mon pays de naissance ; c’est le pays où j’ai grandi.

Quel message pour toutes ces filles qui souhaiteraient peut-être emprunter le même chemin ?

Mon message pour elles serait de croire en elles-mêmes et de travailler dur pour réaliser leur rêve. Il faut avoir à l’esprit que rien n’est impossible. Il faut juste garder la tête haute et rester concentrées sur l’objectif. La route ne sera peut-être pas facile, mais la récompense en vaut la peine.

En tant que femme, comment les gens vous voient dans le métier ?

D’abord, il faut préciser qu’il n’y a pas beaucoup de femmes pilotes ; encore moins de femmes noires. Donc, les gens le remarquent facilement quand ils en voient une. La plupart du temps, c’est des réactions positives venant  des passagers, en particulier de ceux qui voyagent avec leurs filles. Et cela donne du baume au cœur.

Comment ça se passe avec les collègues ?

Avec les collègues, c’est positif pour la plupart du temps, mais pas toujours. Des fois, j’ai l’impression que je dois toujours faire mes preuves et prouver que je mérite mon poste. Je n’ai pas droit à l’erreur et je dois être toujours au top pour certains.

Est-il donc plus difficile d’être femme qu’homme dans votre milieu ?

Eh bien, nous savons que les femmes ont plus de difficultés que les hommes, peu importe l’industrie dans laquelle elles travaillent. Ce n’est pas différent dans l’aviation. Mais les femmes sont en train de se rattraper et elles arrivent à détruire toutes les barrières. Nous sommes ici pour rester. Tout ce qu’un homme peut faire, une femme peut le faire. Autant, sinon même mieux.

MOR AMAR, Enquêteplus