vendredi, novembre 22, 2024

Pour mieux gérer le temps d’écran, distinguer « bonnes » et « mauvaises » pratiques ?

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La pandémie de Covid-19 a profondément modifié nos vies, et en particulier le temps que nous consacrons aux écrans. La frontière floue qui existe entre les usages récréatif et éducatif soulève des interrogations que nous commençons seulement à appréhender, notamment par rapport aux jeunes.

 

Avant même l’apparition de la Covid-19, le temps d’écran suscitait des inquiétudes. Une enquête néozélandaise de 2019-2020 a démontré que quatre enfants sur cinq dépassaient la recommandation actuelle du ministère de la Santé du pays, à savoir deux heures d’écran récréatif par jour, au-delà du temps d’écran lié aux activités scolaires.

Mais les confinements et les restrictions instaurées pour lutter contre la pandémie s’étant normalisés, il est devenu de plus en plus difficile de s’éloigner des écrans. Les enfants grandissent dans une société numérique, entourés d’une multitude d’appareils utilisés pour tout, du lien social à la formation, en passant par le divertissement.

La frontière entre loisirs, communication et apprentissage devient de plus en plus floue. Le temps passé devant un écran, à première vue purement récréatif, peut en réalité être important pour l’apprentissage, la santé mentale et la sensibilisation à des questions importantes.

YouTube, par exemple, est divertissant et éducatif à la fois. Son utilisation à l’école, en complément de l’enseignement, augmente. Mais il est également utilisé autrement, pour favoriser les changements sociétaux par exemple, comme l’a montré le YouTuber allemand Rezo avec une vidéo virale sur le changement climatique, qui a permis d’accélérer les réformes dans son pays.

De même, le célèbre jeu en ligne Minecraft présente de nombreux avantages éducatifs et sociaux, tout comme Roblox ou Fortnite (où ils sont peut-être moins évidents), qui offrent des espaces favorables aux échanges enrichissants, à la résolution de problèmes et l’apprentissage par l’expérience.

Des limites à fixer ?

Tout cela pose un dilemme intéressant : peut-on classer le temps passé devant un écran dans des catégories distinctes, et doit-on appliquer des limites à certains mais pas à d’autres ?

La frontière ténue qui existe entre récréatif et éducatif a conduit les chercheurs du Centre for Informed Futures de l’Université d’Auckland (Koi Tū) à demander l’élaboration de recommandations officielles plus claires et plus détaillées sur le temps d’utilisation.

Ils estiment que les limites préconisées actuellement ne représentent pas la diversité du temps passé devant un écran par les apprenants, un point de vue étayé par une synthèse des recherches universitaires sur le sujet. Si les études tendent à montrer l’existence d’un lien entre un temps d’écran excessif et une série de problèmes comportementaux, d’apprentissages et autres, les résultats sont loin d’être concluants et peuvent être attribués à d’autres facteurs.

La synthèse a également révélé que le type d’usage avait son importance : dans de nombreux cas, les effets négatifs sont dus à l’utilisation passive de l’écran, alors que l’utilisation interactive peut avoir des influences positives, comme de meilleurs résultats scolaires et des capacités cognitives accrues.

Trouver le bon équilibre

Il ressort donc de ces études que nous devons réorienter notre vision du temps d’écran et ne plus nous contenter d’une mesure simpliste de celui-ci. Il faut essayer de mieux comprendre ce que nos enfants en font.

S’il est évidemment important de trouver un équilibre entre utilisations passive et interactive, il faut aussi trouver des moyens d’encourager et de privilégier un comportement en ligne plus productif sur le plan social et éducatif.

Cela permettra en outre d’orienter le recours aux nouvelles technologies dans les écoles. Plutôt que d’être intégrées en bloc à chaque aspect de l’apprentissage, elles doivent apporter une valeur ajoutée ou améliorer l’enseignement et l’apprentissage, au lieu de se substituer simplement aux pratiques traditionnelles.

Les résultats de la Nouvelle-Zélande dans l’enquête PISA 2018 offrent un exemple particulièrement pertinent pour éclairer le rôle des écrans dans les salles de classe. Ils montrent que les enfants qui les utilisent dans des matières telles que les mathématiques et les sciences obtiennent des scores inférieurs à ceux qui ne les regardent pas.

En août 2021, le ministère de l’Éducation du pays a ainsi déclaré : « Les outils numériques peuvent améliorer l’apprentissage, mais il y a peu de situations où c’est le cas actuellement, et beaucoup où ils l’entravent ».

Temps actif et passif

Il est vrai que la validité des tests PISA suscite de nombreuses interrogations et que des recherches plus globales sur l’influence des écrans dans les salles de classe ont donné des résultats mitigés.

De manière générale, il est impossible de déterminer une relation causale et linéaire entre l’utilisation des outils numériques et les résultats scolaires. Il faudrait donc, plutôt que d’interpréter les résultats de l’étude PISA sur le temps passé devant un écran comme préjudiciable à l’apprentissage, voir comment les écrans sont réellement utilisés en classe.

Il importe de se concentrer sur l’intégration des technologies qui améliorent l’apprentissage. Les élèves apprennent mieux lorsqu’ils sont activement impliqués, et quand ils créent et dirigent leur apprentissage.

Les mêmes principes peuvent s’appliquer à l’utilisation des outils numériques, en limitant la consommation passive au profit de la créativité des élèves. Cela ouvrira de nouvelles opportunités d’apprentissage et offrira aux élèves des expériences authentiques.

Par exemple, au lieu de se contenter de regarder une vidéo YouTube sur le système solaire, les élèves pourraient créer leur propre simulation de réalité augmentée, ce qui les obligerait à appliquer leurs connaissances pour placer, dimensionner et animer correctement des objets numériques.

Un tel rééquilibrage du temps d’écran permettra d’éviter les effets les plus nocifs de ces outils devenus omniprésents et de mettre en évidence certains de leurs atouts spécifiques.

Mais cela nécessitera une réflexion plus approfondie et plus critique sur ce qui sera gagné ou perdu dans un monde où l’utilisation de la technologie numérique est de plus en plus incontournable.

 

Traduit de l’anglais par Karine Degliame-O’Keeffe pour Fast ForWord

Kathryn MacCallum, Associate Professor of Digital Education Futures, University of Canterbury et Cheryl Brown, Associate Professor of e-Learning, University of Canterbury

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.