Franco-sénégalais, Kabirou Mbodj est né à Lyon en France. En dépit de sa nationalité française, le fils d’une ancienne ministre socialiste de la Santé, Marie Sarr Mbodj, n’a jamais renié ses origines sénégalaises. Ce même s’il a passé toute son enfance et fait toutes ses études dans l’hexagone. Il y a même travaillé. Titulaire d’un bac C, il décroche un diplôme d’ingénieur en télécommunication et un MBA américain. En 1993, il intègre le projet Afrovision.
Insatiable, le PDG de Wari a révélé lors d’un face-à-face avec des étudiants qu’avant de créer cette société à succès, il a été le premier promoteur de la venue des télévisions étrangères au Sénégal avec « Net Tv », « parce que tout ce que j’ai fait dans ma vie, je voulais que ça ait un sens » avait-il dit. En 1998, il intègre Euro RSCG. En 2000, Kabirou Mbodje lance Net TV, un bouquet de chaînes à destination des pays d’Afrique subsaharienne francophone diffusées par satellite. En 2003, il créé NetPay, une solution de paiement via un abonnement téléphonique devenue CallMoney en 2008.
La même année, Kabirou Mbodj crée, avec des associés sénégalais, Wari (qui signifie «argent» en bambara), une plateforme digitale de services pour le grand public qui propose des transferts d’argent, le paiement de services, produits, salaires, la carte bancaire Wari, la collecte de taxes pour les administrations, une mutuelle santé. La plateforme Wari est hybride, elle propulse ses propres applications et celles de ses partenaires (services financiers, stations-service, commerçants), et son bouquet de services s’adapte à chaque région couverte.
Wari s’est lancée depuis 2015 dans la création des «Points Relais Wari», un réseau de milliers de boutiques relais qui permet d’élargir sa gamme de services et d’assurer une couverture géographique optimale. Outil d’inclusion géographique et financière, Wari dispose d’un fonds de solidarité qui finance des programmes à caractère social dans tous les pays où l’entreprise est présente. L’entreprise comptait plus de 212 millions d’utilisateurs et gérait plus d’1 million de transactions quotidiennement à travers un tissu commercial étendu dans 62 pays. En mai 2019, elle signe des partenariats avec WhatsApp et Mara Phones.
Selon Kabirou Mbodje, la culture de l’entreprenariat est très importante sur le continent africain mais elle souffre de la faiblesse des réseaux physiques, ce qui pénalise les transactions économiques. Il soutient la mise en place, à l’échelle du continent, d’une organisation « pour harmoniser et standardiser les transactions et assurer un meilleur échange des informations économiques ».
Revenant sur la création de Wari, Kabirou Mbodj dira que c’est « la somme de mes échecs et de mes efforts ». Il avait, pour conclure son face-à-face avec les étudiants, indiqué que son souhait est de faire connaitre son entreprise dans le monde entier, à l’instar de marques comme « Coca-Cola » qui existe partout dans le monde. Malheureusement ce souhait, ce rêve ne sera qu’une utopie. Car, Kabirou Mbodj sera rattrapé par des dossiers judiciaires avec ses ex-associés. Le vent a commencé à tourner pour lui lorsqu’il avait décidé de racheter la société de téléphonie Tigo. Ses ex-associés l’avaient accusé d’avoir détourné et accaparé leur société en toute illégalité.
Des procès à n’en plus finir
S’ensuivirent des procès à n’en plus finir. Avant-hier encore, c’est une société « Tap Tap Send », ayant son siège social en Grande Bretagne et évoluant dans le secteur du transfert d’argent, qui l’a fait condamner à une peine de six mois assortis du sursis et des dommages et intérêts d’une valeur de 1,5 milliard FCFA à verser à cette société. Kabirou Mbodj ne s’est pas encore tiré d’affaire puisqu’il attend le verdict de son procès contre ses ex-associés de Wari. Le verdict était pourtant attendu ce 8 septembre. Il risquait une peine de deux ans d’emprisonnement dont six mois ferme pour abus de biens sociaux.
Les parties civiles Malick Fall, Cheikh Tagué et Seyni Camara réclamaient au sieur Mbodj, en guise de dédommagement, 75 milliards de francs CFA. Aujourd’hui, Wari est au bord de la faillite si elle n’est pas carrément à genoux. L’Etat, pour sa part, n’a rien fait pour soutenir ce capitaine d’industrie et sauver ainsi les emplois de milliers de travailleurs. Paradoxe, le gouvernement de Macky Sall cherche à caser une jeunesse dépourvue d’emploi. Il faut noter que, sous le régime de Macky Sall, rares sont les dirigeants nationaux qui sont soutenus par l’Etat.
Les marchés sont distribués à des entreprises françaises, chinoises, turques et marocaines principalement, laissant en rade une main d’œuvre sénégalaise qualifiée et moins coûteuse. Et les rares fois où les entreprises nationales arrivent à décrocher des marchés, c’est la croix et la bannière pour elles de rentrer en possession de leurs fonds. A preuve par la dette intérieure qui enfle, qui enfle, qui enfle…
Thierno Assane BA, Le Témoin