Connaissez-vous le dropshipping? Une méthode de vente en ligne légale, qui peut donner parfois lieu à des abus, voire à des arnaques. Challenges a enquêté sur cette pratique qui essaime ces dernières années sur Internet.
Une promotion exceptionnelle sur un produit en ligne? Plus que quelques pièces disponibles? Vous êtes certainement déjà tombé sur ce type de message en faisant du shopping en ligne. Si ce sont des méthodes utilisées par moment dans le commerce “classique”, attention à ne pas tomber dans une arnaque permise grâce au dropshipping. Le dropshipping? Une pratique qui consiste pour un vendeur sur Internet à n’être “en charge que de la commercialisation et de la vente du produit”. Comprenez que la boutique en ligne ne s’occupe ni du stock, ni de la livraison d’un produit acheté sur le web. Une pratique courante, parfaitement légale tant que cela n’implique pas de publicité mensongère.
Pour Jean-Baptiste Boisseau, co-fondateur de signal-arnaques.com: “Bien souvent, les sites qui pratiquent du dropshipping se mettent d’accord avec des fournisseurs situés en Asie du Sud-Est, et lorsqu’un client arrive sur le site, c’est le fournisseur qui va livrer directement le client. La seule chose que vous faîtes en tant que dropshipper, c’est la partie marketing et encaisser les ventes.”
Absolument rien d’illégal ici. Le dropshipping est avant tout une méthode d’expédition, et il est important de détacher les “bons” dropshippers, des “mauvais”. Par exemple, pour certains artistes qui désignent des vêtements, ces designs sont ensuite envoyés à des imprimeurs chinois et livrés aux clients. Il est évident que chaque artiste n’a pas une imprimerie à sa disposition. Mais le dropshipping n’est pas toujours aussi honnête.
Gare aux publicités mensongères
Car ce “fléau”, pour reprendre les termes du ministre de l’Economie Bruno Le Maire, représente en France, au moins plusieurs centaines de boutiques en ligne qui sont créées tous les mois, et qui profitent de cette méthode de vente pour faire de la publicité mensongère. La boutique en ligne va présenter des produits à des prix élevés, vantant une très bonne qualité, une fabrication made in France, etc… Alors qu’en réalité, les produits sont issus de sites chinois, et sont vendus jusqu’à 50 fois moins cher.
Exemple très concret: vous avez besoin d’un nouveau set de couteaux de cuisine? Ça tombe bien, la marque Kaitsuko vend des couteaux japonais “en acier damas, ces couteaux sont les plus solides et résistants du marché”, selon la description du site. Et tout cela, pour la modique somme de 550 euros les sept couteaux. Sauf qu’après quelques recherches, on retrouve des produits identiques sur le site chinois de vente en ligne Aliexpress… à partir de 20 euros, soit 27 fois moins cher.© Fournis par Challenges
Comment repérer les arnaques?
Un exemple loin d’être isolé, comme l’illustre l’application Captain Drop, qui permet aux consommateurs d’éviter ce genre d’arnaques en ligne. Ce site a été créé fin 2020 par Benjamin Chevalier et Julien Roché. Sur Captain Drop, il suffit de copier-coller le lien de l’article qui vous semble suspect, et l’application va vérifier si le même produit n’existe pas déjà ailleurs sur Internet, en beaucoup moins cher. En quelques mois, déjà plus 8.000 sites de dropshipping ont ainsi été signalé sur l’application.
Le format publicitaire utilisé par ce type d’acteurs est également un bon signal d’alerte. Afin de se faire connaître, les boutiques en ligne qui pratiquent le dropshipping emploient des méthodes publicitaires agressives. Facebook, Twitter, Instagram… On peut retrouver des publicités pour ce type de sites sur tous les réseaux sociaux. Des publicités qui annoncent bien souvent des produits bradés, même hors période de soldes.
Bien souvent, la publicité passe par l’utilisation des influenceurs. Souvent des anciens candidats des émissions de téléréalités, qui cumulent des centaines de milliers, voire des millions d’abonnés, et qui font la promotion de ces sites de dropshipping avec des éléments de langage souvent similaires: « Dépêchez-vous, il ne reste que quelques heures », “Il reste très peu de stock” “C’est une promotion exceptionnelle”. Une pratique épinglée par le compte @VosStarsEnRéalite sur Instagram, qui recense les publicités de ce type.
“En mettant des décomptes, ils jouent sur la rapidité, détaille Julien Roché, les gens arrivent directement sur la boutique et ils n’ont pas le temps de réfléchir. Alors qu’en réalité ils ont le temps d’aller comparer ce qui se fait ailleurs, comme on ferait dans un magasin classique.” Autre technique, de nombreuses boutiques en ligne, le principe de la “marque blanche” pour rendre leurs produits encore plus crédibles. Le commerçant va contacter un fournisseur, et va demander de mettre son logo sur un produit qui n’en a pas. De quoi créer encore un peu plus l’illusion.
Des dérives à cause d’un marché saturé
Autre mauvaise nouvelle, les publicités mensongères ne sont pas près de se tarir. Le dropshipping est une méthode qui se démocratise depuis plusieurs années maintenant et selon Julien Roché “avec le marché qui arrive à saturation, on voit de plus en plus de dérives: de greenwashing, de faux made in France, de faux éco-responsables ». “C’est ça ce que l’on appelle du dropshipping mensonger”, renchérit Benjamin Chevalier.
La facilité d’ouvrir et de fermer une boutique en ligne contribue grandement à la multiplication de ce type de sites. Aujourd’hui plus besoin de payer un développeur pour ouvrir un site web. Grâce à des outils comme la plateforme Shopify, vous pouvez créer votre boutique en ligne en quelques minutes… et la supprimer tout aussi rapidement en cas de pépin. Enfin, cette explosion du nombre de sites de dropshipping est due aux formations que l’on peut trouver sur Internet. De nombreuses vidéos existent, dont des formations payantes parfois très onéreuses, afin de détailler les stratégies de dropshipping. La prudence reste donc plus que jamais de mise.
Une entreprise condamnée pour la première fois en France
Pour la première fois en France, une entreprise qui faisait du dropshipping a été condamnée au début de l’année 2021 pour “pratique commerciale trompeuse”. La société Disinfluence vendait des produits présentés comme des “pommeaux de douches filtrant”. Mais une enquête de la direction générale de la répression des fraudes (DGCCRF) a déterminé que les informations étaient “trompeuses sur les qualités substantielles du produit et sur les résultats attendus de son utilisation en matière d’économie d’eau et de bienfaits pour la santé”. L’entreprise avait également présenté un prix de référence pour les pommeaux de douche, en promotion, qui n’avait jamais été pratiqué. Aussi, Disinfluence pensait éviter les soupçons des consommateurs en rédigeant des faux avis sur les produits. La société a dû s’affranchir d’une amende de 10.000 euros.
Challenges