dimanche, décembre 22, 2024

Thystère Mvondo, le plus jeune docteur en maths d’Afrique

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Les plateformes virtuelles sont confrontées à des difficultés de dimensionnement et de tolérance aux pannes. En effet, le mode d’affectation des ressources à la machine virtuelle ainsi que sa solidité, sont des gages de performance.

C’est dans ce contexte que dans le cadre de l’École doctorale mathématiques, Sciences et technologies de l’information, Informatique (ED MSTII) de Grenoble et du Laboratoire Informatique de la même ville, le camerounais Thystère Mvondo a soutenu en décembre 2020, à l’âge de 22 ans, une thèse sur la « Résilience et dimensionnement dans des environnements virtualisés ». Il devenait ainsi le plus jeune docteur en maths du continent, une position jusque-là occupée par le Nigérian Hallowed Olaoluwa.

Ces recherches ont pour finalité de proposer des innovations architecturales qui permettent une meilleure distribution des ressources en fonction des flux. Dans cet entretien qu’il a accordé à SciDev.Net, il montre comment ses travaux peuvent contribuer à la performance des plateformes de cloud computing.

Parlez-nous de vos travaux et de ce qui vous a motivé pour ces recherches.

Mes travaux portent essentiellement sur les calculs à grande échelle au profit des data centers. Ces derniers fonctionnent avec plusieurs serveurs interconnectés. Chaque serveur possède une puissance de calcul et de stockage. L’enjeu est donc de gérer les aspects tels que l’énergie, la performance des applications tout en assurant une certaine sécurité.

“Mes travaux s’inscrivent dans le cadre des centres de calcul à grande échelle. Je pense que de plus en plus d’Etats devraient se pencher sur l’acquisition de ce type d’environnement”

Thystère Mvondo

Comme ces data centers sont utilisés par le cloud, c’est-à-dire les entreprises mettant à disposition leur parc informatique, il est crucial d’assurer un bon niveau de performance et de sécurité aux usagers. Mes travaux contribuent donc à réduire les risques de collision, à améliorer la sécurité entre les différents acteurs, aussi bien pour les entreprises informatiques que pour leurs clients.

Ma motivation vient du fait que j’accorde une attention particulière à l’aspect infrastructure des data centers, car cela va déterminer les types d’application à déployer, les dimensionnements ainsi que le mode de gestion des données. On touche de ce fait à des questions de souveraineté, aussi bien pour les entreprises que pour les Etats.

Pourquoi certains estiment que vos travaux sont aussi bien des mathématiques que de l’informatique ?

L’informatique et les mathématiques sont indissociables. Dans mon travail, j’ai eu à modéliser un nombre très important de systèmes avec les outils de modélisation mathématiques. Cela permet de s’attaquer aux problèmes d’optimisation et de performance des systèmes informatiques. Ce n’est donc pas aberrant lorsque l’on me dit que mes travaux relèvent des mathématiques et de l’informatique.

Quels impacts pourraient avoir vos travaux sur les technologies actuelles et futures ?

Ce travail apporte une meilleure compréhension à l’utilisation et au comportement des logiciels. Il aide à mieux structurer les serveurs au niveau architectural en induisant de fait plus de robustesse et de performance.Les systèmes qu’on a mis au point grâce à ces recherches seront facilement adoptés par les décideurs, par les entreprises, ou par les chercheurs au niveau international. Ces nouveaux outils auront un impact sur les technologies futures, puisqu’ils renforcent la compétitivité des systèmes informatiques. Et je serai content de voir qu’ils profitent à davantage de personnes.

Vos travaux feront-ils l’objet d’un brevet ? Et pourquoi ?

Pour être honnête oui, nous étudions sérieusement cette possibilité avec toutes les personnes impliquées dans nos recherches. C’est aussi des aspects juridiques que nous apprenons à intégrer, car nous devons trouver l’équilibre entre protéger le fruit de nos recherches et partager une évolution internationalement reconnue. D’ailleurs, cela me semble utile pour la motivation et pour continuer à améliorer le fonctionnement des data centers.

En quoi l’Afrique et les Africains peuvent tirer profit de ces recherches ?

Mes travaux s’inscrivent dans le cadre des centres de calcul à grande échelle. Je pense que de plus en plus d’Etats devraient se pencher sur l’acquisition de ce type d’environnements afin de pouvoir motiver les citoyens et ceux qui se lancent dans la technologie à utiliser des solutions de pointe. Nous pouvons ainsi contribuer à un meilleur contrôle sur les données et sur la manière dont celles-ci sont exploitées, en vue d’une meilleure rentabilité.Lorsque nos états, notamment le Cameroun, voudront acquérir ces technologies afin de les rendre accessibles, aussi bien moi-même que d’autres spécialistes seront disposés à apporter notre expertise afin de développer des architectures adaptées au contexte camerounais ou au contexte africain. Aujourd’hui, quelques rares pays comme l’Afrique du Sud possèdent des infrastructures aux standards internationaux et mes travaux pourront venir en appui afin d’améliorer la performance, la solidité et la rentabilité de ces infrastructures.

Votre parcours étant atypique, pouvez-vous parler ses particularités ?

Mon parcours est plutôt normal même, si on m’a fait sauter quelques classes (CE2, 5ème et seconde). Après mon bac, j’ai intégré sur concours l’École polytechnique de Yaoundé, mais j’ai redoublé la première année avant de me spécialiser en génie informatique dès la troisième année.

J’ai également eu l’opportunité d’effectuer, avec un camarade, un stage au sein de l’Institut de recherche en informatique de Toulouse (IRIT). Ensuite, nous avons eu la possibilité de faire une thèse. J’ai alors saisi cette opportunité dont l’aboutissement a été la soutenance en décembre 2020. C’est un parcours que je trouve plutôt normal.

Avec votre expérience, comment trouvez-vous la qualité de l’enseignement des sciences dures en Afrique, notamment au Cameroun ?

En partant de mon expérience, l’enseignement que j’ai reçu était très bien. Les cours primaires puis secondaires donnent de bonnes bases au niveau des sciences dures, mathématiques, physique-chimie, biologie, et même au niveau des sciences sociales. Au niveau universitaire, j’ai pu, lors de mon stage en France, confronter mon niveau aux autres étudiants et je peux vous dire que nous n’avons pas à rougir. L’enseignement scientifique au Cameroun offre de solides connaissances, même s’il m’a fallu une mise à niveau pour deux matières. Mais, cela était davantage en rapport avec le contexte. Les notions fondamentales étaient donc acquises.

Toutefois, ce qui pourrait être amélioré serait, à mon avis, le rapport entre l’enseignant et l’apprenant. Sinon, la qualité de l’enseignement scientifique offre de bonnes perspectives.

Quelles sont vos occupations professionnelles actuelles et vos projets ?

Actuellement, je continue la recherche post-doctorale, en qualité d’assistant de recherche à l’ICSA (Institute for Computing Systems Architecture) à Édimbourg, sous la tutelle de l’université d’Édimbourg au Royaume-Uni.

Je poursuis également mes recherches pour être maître de conférences, et cela serait un atout pour venir en aide aux cadets restés en Afrique. Je reste également en contact avec l’université de Yaoundé pour faire des retours d’expérience tout en organisant des rendez-vous académiques pour le partage des compétences avec des pays du Sud.

Parallèlement, et en collaboration avec deux promotionnaires de l’Ecole Polytechnique de Yaoundé (Albert Gabriel Mballa Mayo et Ivan Lionel Djouaka Kinfack), nous travaillons pour la création d’une start-up dédiée au marché de l’emploi. Dans l’avenir, je compte aussi consacrer du temps à d’autres initiatives, notamment au développement de jeux vidéo.

Avec Scidev