Pour diminuer leur dépendance aux hydrocarbures, les Émirats arabes unis cherchent à diversifier leur mix énergétique. Parmi plusieurs solutions, l’hydrogène fait l’objet de nombreuses expérimentations. Et si le pays réussit à produire un hydrogène « vert », cette technologie pourrait bien devenir la pierre angulaire de la transition émiratie.
Les Emirats arabes unis sur la route de l’après pétrole
Comment imaginer l’après pétrole ? C’est la question que se posent les Émirats arabes unis, aux côtés d’autres pays du Golfe. L’enjeu est de taille pour ces Etats producteurs et exportateurs d’une ressource qui a fait leur richesse, et dont leurs économies demeurent dépendantes. Pour Abou Dhabi, sixième producteur mondial de pétrole, la question est d’autant plus importante que les besoins en énergie du pays ne cessent de croître, portés notamment par l’essor de la climatisation. Mais les Emirats n’ont pas attendu ces dernières années pour imaginer leur futur énergétique, faisant même figure de pionniers dans la région.
“L’idée d’une diversification énergétique est présente dès 2006, les EAU sont un des premiers pays à avoir réfléchi à la problématique de la transition énergétique avec l’élaboration de l’Abou Dhabi Economic Vision 2030”, souligne David Rigoulet-Roze, chercheur à l’Ifas (Institut français d’analyse stratégique) et à l’Iris (Institut de recherches internationales et stratégiques).
Présentée en 2017, la stratégie énergétique 2050 des EAU prévoit de porter à 50% la part d’énergies propres dans le mix énergétique national. Une stratégie qui semble atteignable, à en croire les chiffres de la croissance du secteur non pétrolier en 2019 (3,9%), dépassant celle du secteur pétrolier la même année (3,1%) selon Hugo Le Picard, chercheur au centre Energie et Climat de l’Ifri.
Le pari de l’hydrogène vert
Pour atteindre ces objectifs de décarbonation, les Emirats n’hésitent pas à se lancer dans des expérimentations à grande échelle, comme à Masdar City. Cette ville nouvelle, projet de la société Masdar, est en construction depuis 2008. Dans ce véritable laboratoire énergétique et urbain du futur, le recours à l’hydrogène y est envisagé pour remplacer les carburants fossiles.
En janvier 2021, Masdar a d’ailleurs annoncé la signature d’une initiative visant à établir une usine de démonstration, grâce à un partenariat entre la Compagnie d’Investissement Mubadala, unique actionnaire de Masdar, et Siemens Energy.
Pour Mohamed ben Jarche Al Falassi, sous-secrétaire du département de l’Energie d’Abou Dhabi, “Il est important de noter que l’ajout d’hydrogène à notre mix énergétique à Abou Dhabi soutiendra nos stratégies de diversification économique et de développement durable“. Un pari auquel souscrit Mohamed Gamil Al Ramahi, PDG de Masdar, qui estime que “l’hydrogène vert a le potentiel pour devenir le carburant de base d’une future économie propre, et changera la donne pour les stratégies de décarbonation”.
En 2019, Air Liquide, Al Futtaim Toyota et Khalifa University publiaient une étude portant sur “le développement à moyen et long terme de la mobilité de l’hydrogène dans les Emirats arabes unis”. Les trois acteurs évoquaient le potentiel de l’hydrogène pour réaliser les objectifs du pays en matière d’énergie propre, y voyant un vecteur de décarbonation prometteur des secteurs du transport public et privé.
Une transition énergétique efficace, à condition de développer un hydrogène réellement vert, c’est-à-dire produit par électrolyse en utilisant des énergies renouvelables. La nuance est importante, à l’heure où 95% de la production mondiale d’hydrogène est dite grise, car provenant du vaporeformage de combustibles fossiles, largement émetteur de CO2.
Un enjeu bien perçu par les Emirats, qui accompagnent le développement de l’hydrogène d’un vaste développement des énergies renouvelables. A commencer par le solaire : fin décembre 2020, le financement de la future centrale solaire d’Abou Dhabi a été bouclé, autorisant la construction de ce qui sera bientôt la plus puissante centrale solaire du monde. A terme, elle devrait éviter le rejet de plus de 2,4 millions de tonnes de CO2 chaque année, et satisfaire les besoins en électricité d’environ 160 000 foyers.
Vers un hydrogène bleu ?
En attendant un développement des énergies renouvelables permettant d’augmenter le potentiel de production d’hydrogène vert, les Emirats ne négligent aucune piste. Souvent gris, parfois vert, l’hydrogène peut aussi être bleu, rappelait un rapport publié fin 2019 par l’Irena (International Renewable Energy Agency). Il s’agit alors d’hydrogène produit à partir de combustibles fossiles, associés à un dispositif de capture et de stockage du CO2. Une solution qui pourrait être “la moins coûteuse pour stocker de grandes quantités d’électricité durant des jours, des semaines ou même des mois”, et vers laquelle les Emirats semblent aussi se tourner.
Ce que confirme le Sultan al Jaber, ministre émirati de l’Industrie et des Technologies avancées : “Avec notre infrastructure et nos grandes capacités de capture, de stockage et d’utilisation du carbone (CCUS), nous pensons que nous pouvons être l’un des producteurs d’hydrogène bleu les moins chers et les plus importants au monde”. Selon l’Irena, l’hydrogène devrait compter pour 8% de la consommation mondiale d’énergie finale à l’horizon 2050.
Par Lemondedelenergie