Dans le cadre de son programme sur le Sénégal, Natural resource global institute (Nrgi) vient de publier son premier rapport sur les «opportunités et défis pour le pays dans le domaine de la production pétrolière et gazière».
Dans cette publication, cet Institut international cherche «à tirer des enseignements qui pourraient être utiles au Sénégal pour éviter certains des principaux écueils fréquemment rencontrés par les nouveaux producteurs de pétrole».
Natural resource global institute (Institut international des ressources naturelles) passe en revue l’expérience récente d’autres «nouveaux producteurs», principalement en Afrique, et tente de tirer des enseignements pour le Sénégal sur la manière d’utiliser au mieux ses ressources en hydrocarbures, en tenant compte à la fois de l’évolution du contexte due à la pandémie du coronavirus et de la transition en cours vers les énergies renouvelables. Et le premier enseignement essentiel que cet institut international a identifié, à travers son rapport, «est le risque d’un excès d’optimisme». William Davis et David Mihalyi, les auteurs, notent que «la découverte par le Sénégal de réserves pétrolières et gazières ne rendra pas le pays riche du jour au lendemain». Ils renseignent que «dans d’autres pays qui figuraient auparavant parmi les «nouveaux producteurs», les citoyens avaient souvent des attentes démesurées suite à la découverte de gisements de pétrole, ce qui a conduit à des demandes irréalistes et plus tard à leur mécontentement lorsque ces espoirs ne se sont pas concrétisés». Les deux économistes estiment ainsi que «le Gouvernement, les parlementaires, la Société civile, les journalistes, l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie) et le secteur privé ont une responsabilité partagée pour aider dans la gestion des attentes liées à l’ampleur des richesses pétrolières et gazières. Cette responsabilité peut être assumée individuellement ou collectivement par le biais de l’Itie et d’autres plateformes».
Se préparer à des retards
Deuxièmement, le Sénégal, selon les spécialistes, «devrait se préparer à des complications, des retards et des arbitrages difficiles». En effet, arguent-ils, «au cours des vingt dernières années, parmi les nouveaux producteurs d’Afrique subsaharienne, un projet a mis en moyenne près de deux fois plus de temps que prévu pour parvenir au stade de la production. Le Gouvernement a fait preuve d’une prudence justifiée à cet égard en s’engageant à ne pas tenir compte des revenus tirés des ressources naturelles dans les plans de dépenses/investissements publics tant que les projets n’ont pas fait l’objet d’une Décision finale d’investissement (Dfi). Mais des risques de retards subsistent après la décision finale d’investissement. Les incertitudes post-pandémie et la transition énergétique pourraient également remettre en question la possibilité de faire avancer d’autres projets».
Eviter les allègements fiscaux
Le Nrg Institute souligne que «la volatilité du prix du pétrole précipitée par la pandémie, associée au déclin attendu à long terme dû à la transition énergétique, signifie que les revenus futurs seront moins certains. L’expérience internationale met également en garde contre le risque que des gouvernements compromettent encore ces revenus. Cela peut résulter de l’octroi par les gouvernements d’incitations fiscales non nécessaires à des projets qui bénéficieraient d’un investissement ou qui iraient de l’avant de toute façon, ou de l’absence de surveillance et de protection de la base d’imposition contre l’érosion de cette base et la surestimation des coûts». Et il est d’avis que «le Gouvernement sénégalais n’a pas accordé d’incitations fiscales aux producteurs de pétrole et de gaz lors de la récente baisse des prix, et il devrait maintenir cette approche à l’avenir».
Pour les deux analystes économiques principaux à Nrgi, les «risques soulignés ci-dessus pourraient amener les gouvernements à surestimer les revenus qu’ils peuvent attendre des ressources pétrolières et gazières. Cela pourrait aussi conduire à des dépenses et à des emprunts publics trop ambitieux, qui pourraient à leur tour créer des niveaux de dette publique insoutenables dans l’éventualité où les revenus tirés des ressources ne se concrétisent pas. Le Gouvernement pourrait vouloir emprunter davantage pour atténuer les effets de la pandémie, mais il doit s’assurer que ces emprunts sont soit des mesures ponctuelles d’atténuation de la crise, soit des investissements pour l’avenir, plutôt que d’alimenter des dépenses récurrentes sur la base de revenus pétroliers incertains. En raison de ces incertitudes, il devrait également être prudent quant à ses propres investissements dans la production de pétrole et de gaz par le biais de Petrosen».
Le cadre de gestion des revenus du Sénégal n’est pas encore finalisé. Mais considère Nrgi, «il devrait garantir que le fonds souverain (qui sera hébergé par le Fonds souverain d’investissements stratégiques (Fonsis)) dispose d’un cadre solide et bien géré permettant d’épargner sur le long terme, tout en évitant les pièges d’une épargne prématurée et de la création de budgets parallèles. Plus généralement, les mesures de transparence budgétaire du Sénégal présentent un certain nombre de lacunes qu’il convient de combler».
L’institut invite aussi le gouvernement à «agir avec prudence pour éviter de se retrouver prisonnier de l’utilisation du gaz comme ressource primaire dans un paysage énergétique en rapide évolution où les énergies renouvelables deviennent de plus en plus attractives…».
Avec Le Quotidien