Lors de mes études de psychologie, en deuxième cycle à l’Université d’État de Floride, il y avait un professeur qui n’autorisait pas les étudiants à prendre des notes. D’après lui, cette pratique les empêcherait de réfléchir en cours.
Ceci dit, ce même professeur estimait aussi que nous aurions besoin d’un support pour revoir nos cours quand sonnerait l’heure des examens. C’est pourquoi il nous fournissait un ensemble de notes après chaque séance. La plupart des étudiants se sont satisfaits de cet arrangement, mais pas moi. J’avais plutôt tendance à prendre beaucoup de notes et il m’avait toujours semblé qu’il était important de garder par soi-même trace du cours.
Au lieu de respecter l’interdiction décrétée par cet enseignant, je m’asseyais donc dans le fond de la classe pour prendre des notes en secret, griffonnant fiévreusement sur un bloc-notes aussitôt que le professeur détournait le regard – jusqu’à ce que je me retrouve pris un jour en flagrant délit, un stylo à la main, obligé d’inventer une histoire de lettre à écrire à un ami. Cet épisode m’a incité à m’intéresser aux enjeux de la prise de notes – ce que je fais depuis quatre décennies maintenant. Mon objectif : déterminer l’intérêt de cette pratique et voir comment l’améliorer. Voici sept conseils tirés de ces recherches.
Prenez des notes
Les élèves qui prennent des notes en cours réussissent mieux que ceux qui écoutent sans écrire. Cela s’explique par le fait que la prise de notes chasse l’ennui et aide à mieux se concentrer sur les idées fortes de la leçon.
Cependant, la valeur première de la prise de notes réside plus dans son produit que dans le processus, c’est-à-dire plus dans la phase de révisions que dans l’enregistrement. Les étudiants qui révisent les notes qu’ils ont prises obtiennent presque toujours de meilleurs résultats que ceux qui écrivent pendant le cours, mais ne reviennent pas ensuite sur ces notes.
Ne vous contentez pas du minimum
Plus les étudiants prennent de notes, plus leur réussite s’améliore. Mais beaucoup d’étudiants se contentent d’une prise de notes lacunaire, ne mettant noir sur blanc dans la plupart des cas qu’un tiers des idées importantes du cours.
Cela relève peut-être de limites humaines. Les rythmes de conférences se situent entre 120 et 180 mots par minute, mais la plupart d’entre nous ne peuvent en écrire ou en taper qu’une fraction.
Soyez précis
Les étudiants s’en sortent assez bien quand il s’agit de noter les principales idées d’une leçon. Ils peinent plus quand il s’agit de noter des détails essentiels. Supposons par exemple qu’un instructeur dise ceci :
« La mémoire à court terme a une capacité limitée (niveau 1). Sa capacité n’est que de sept éléments (niveau 2). Cette capacité peut être amplifiée en découpant l’information en plus petites unités (niveau 3). Par exemple, un numéro de téléphone de dix chiffres peut se composer en trois groupes de trois chiffres, 560-642-1894, et donc plus facilement être contenu dans la mémoire à court terme (niveau 4). »
Dans une étude qui s’est penchée sur ces oublis, les étudiants avaient noté à peu près 80 % des informations de niveau 1, mais la proportion de détails secondaires s’amenuise au fil du processus : 60 % des idées au niveau 2, 35 % au niveau 3, et seulement 11 % au niveau 4. Les étudiants ont tendance à omettre en particulier les exemples, même si ceux-ci peuvent être essentiels à la compréhension des grandes lignes du cours. Une étude a montré que les étudiants ne copiaient que 13 % des exemples d’une leçon.
Recherchez des indices de prise de notes
Les étudiants doivent aussi être à l’affût d’indices suggérant l’importance et l’ordre des idées, ce qui peut améliorer la prise de notes.
Ces repères peuvent être soulignés explicitement, dans le cas par exemple où l’instructeur glisse des remarques telles : « Notez ceci », ou bien « Ceci est fondamental ». Dans d’autres cas, l’information passe plutôt par la manière dont le professeur énonce le cours, par exemple en variant les intonations, en marquant une pause après un point important ou en le répétant.
Il s’agit aussi de relever les signes non verbaux qui peuvent accompagner les passages clés d’un exposé : le fait que le professeur pointe quelque chose du doigt, qu’il tape dans ses mains ou lance un regard appuyé à l’auditoire.
Enfin, ne manquez pas les phrases d’introduction comme « Discutons maintenant des trois parties de l’atome », ou « Revenons sur deux limites de cette théorie », qui annoncent l’organisation de la leçon. En y prêtant attention, les élèves ajoutent 45 % de détails à leurs notes.
Reprenez vos notes
Pendant longtemps, on a considéré la prise de notes comme un processus en deux temps : l’enregistrement des notes proprement dit, puis leur relecture.
Des recherches récentes ont fait ressortir une autre étape, intermédiaire : la révision.
Celle-ci doit avoir lieu aussitôt après, ou pendant la conférence même, lorsque l’intervenant fait des pauses. À partir de ce que l’on a mis noir sur blanc, il s’agit d’essayer de retrouver les idées ou les enchaînements manquants, et de compléter ses notes.
Lors d’un cours de psychologie, un étudiant peut avoir écrit que « la capacité de la mémoire à court terme est limitée ». En reprenant ses notes, il va se souvenir de cette précision : « la mémoire à court terme ne peut retenir que sept éléments ».
Réécoutez les cours
Lorsque les cours sont mis en ligne, les étudiants devraient en profiter pour les réécouter plus d’une fois et maximiser ainsi la prise de notes.
Selon une étude, les étudiants qui n’ont vu qu’une fois la leçon n’ont retenu que 38 % de ses détails dans leurs notes. Ceux qui l’ont vue deux ou trois fois en ont enregistré respectivement 53 % et 65 %.
Pour les cours qui ne sont pas rediffusés sur Internet, pourquoi ne pas demander l’autorisation de les enregistrer sur leur smartphone, ce qui permettra de les reprendre ?
Préférez le stylo au clavier
Il y a deux raisons principales pour lesquelles les étudiants devraient plutôt prendre leurs notes sur papier plutôt que sur un ordinateur portable. D’abord, la recherche a montré que les étudiants qui utilisent un portable en classe perdent beaucoup de temps à faire plusieurs choses à la fois, d’où une prise de notes lacunaire et de moins bons résultats.
Les étudiants concernés reconnaissent avoir vérifié leurs mails, (pour 81 % d’entre eux), surfé sur Internet (43 %), joué (25 %) ou utilisé leurs ordinateurs à d’autres fins que la classe (35 %). En tout, les étudiants passent plus de la moitié d’un cours classique à faire autre chose. La même étude a montré que l’utilisation d’un ordinateur portable distrayait également les élèves des environs.
D’autre part, la recherche a montré que les notes prises sur ordinateur étaient moins efficaces que celles prises à la main. En effet, elles s’arrêtent plus souvent à du verbatim. Or la reproduction stricte des propos tenus en conférence a été associée à un apprentissage plus superficiel.
En outre, sur ordinateur portable, on omet souvent de garder trace de graphiques, tableaux et schémas qui sont plus faciles à copier à la main. Les notes prises à la main étant de meilleure qualité que les notes prises sur portable, elles débouchent sur de meilleurs résultats.
Et si mon prof avait eu raison…
En interdisant la prise de notes et en fournissant des supports complets aux étudiants, mon professeur de psychologie n’était-il pas largement à la hauteur ? Après tout, la valeur première des notes ne tient-elle pas à leur relecture ? Il s’avère aussi que les étudiants ont tendance à prendre des notes plutôt sommaires.
D’après mon expérience, le problème est que la plupart des enseignants ne mettent pas de documents exhaustifs à la disposition des étudiants, qui se retrouvent livrés à eux-mêmes avec des notes lacunaires. Heureusement, la recherche montre qu’il y a des recours possibles pour que chacun améliore sa prise de notes.
Traduit de l’anglais par Aurélie Djavadi
Dans Theconversation
Kenneth A. Kiewra
Professor of Educational Psychology, University of Nebraska-Lincoln