Reporters sans frontières (RSF) dénonce dans un communiqué une ‘’multiplication des atteintes à la liberté de la presse inédite’’ au Sénégal durant ‘’ces dernières années’’ et fait remarquer que les tensions observées cette semaine, en lien avec l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko, ‘’n’épargnent pas les médias’’.
‘’Alors que le pays est émaillé de heurts et de protestations après l’arrestation du principal opposant au président sénégalais, Reporters sans frontières dénonce une multiplication des atteintes à la liberté de la presse inédite ces dernières années au Sénégal’’, lit-on dans un communiqué publié vendredi sur le site Internet de l’ONG spécialisée dans la défense et la promotion de la liberté de la presse.
L’opposant et député Ousmane Sonko, leader des Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), a été arrêté mercredi 3 mars, dans le cadre d’une affaire de mœurs. Le principal opposant du président Macky Sall, arrivé troisième à l’élection présidentielle de 2019, est visé par des accusations de ‘’viols répétés’’ et de ‘’menaces de mort’’ portées sur lui par une employée d’un salon de beauté et de massage situé à Dakar.
Son arrestation a déclenché ‘’une vague de protestation et de nombreuses scènes de violences dans tout le pays’’, relève RSF dans son communiqué.
Dès le lendemain de son arrestation, le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA) a suspendu pour une durée de soixante-douze heures les signaux des chaînes de télévision privées SenTv et WalfTv en leur reprochant une ‘’couverture irresponsable de la situation’’ et des ‘’violations flagrantes de la réglementation’’ de l’audiovisuel au Sénégal, rappelle l’ONG.
Elle signale également que la veille, le CNRA avait mis en garde dans un communiqué ces deux chaînes et une autre, la 2STV, en déclarant avoir constaté dans leur retransmission des ‘’appels répétés au soulèvement populaire en diffusant des images d’insurrection en boucle’’.
’Des médias ont également été sciemment attaqués. Jeudi soir, des individus ont partiellement détruit la devanture et les murs de l’immeuble abritant les locaux de la radio RFM et du quotidien L’Observateur, propriétés du Groupe futurs médias, du musicien Youssou Ndour’’, indique RSF.
Elle dit avoir recueilli des informations selon lesquelles les locaux du quotidien Le Soleil ont également été attaqués par des individus qui y ont mis le feu. Et des journalistes ont été blessés mercredi 3 mars par les forces de l’ordre, lorsque Ousmane Sonko se rendait à une convocation au palais de justice de Dakar, affirme Reporters sans frontières.
L’ONG fait aussi état de ‘’perturbations’’ enregistrées sur les réseaux sociaux comme YouTube, Facebook et WhatsApp, ‘’comme a pu le constater le bureau de RSF à Dakar’’. ‘’Nous exhortons les autorités à ne pas faire de l’information et de ceux qui la produisent des victimes supplémentaires de ces violences, déclare le directeur du bureau Afrique de l’Ouest de RSF’’, Assane Diagne. ‘’Nous demandons à l’autorité de régulation de lever les mesures de suspension qui constituent une sérieuse entrave à la liberté d’informer et d’être informé. Nous dénonçons également les attaques que rien ne justifie et rappelons aux autorités leur obligation d’assurer la sécurité des journalistes et de leur lieu de travail’’, ajoute-t-il dans le communiqué.
Le gouvernement sénégalais, dans un communiqué publié jeudi soir, avait mis en garde contre ‘’la couverture tendancieuse des événements par certains médias, de nature à attiser la haine et la violence”. Le Syndicat des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (SYNPICS), réagissant à cette situation, a qualifié la suspension des télévisions de ‘’plan de décapitation de la presse sénégalaise’’ et l’ensemble des attaques visant les journalistes et les médias d’atteinte ‘’au système de gouvernance’’ du pays.
Le SYNPICS a demandé au ministre de l’Intérieur de ‘’prendre toutes les mesures idoines pour assurer la sécurité des médias, quelle que soit leur ligne éditoriale’’, affirme le communiqué de RSF. Le Sénégal occupe la 47e place au classement mondial de la liberté de la presse de RSF.
BK/ESF avec Aps