Alors que la plupart des préoccupations économiques liées au Covid-19 sont focalisées sur l’emploi et la croissance, un autre secteur-clé pour les pays africains a aussi été directement impacté par le ralentissement de l’activité mondiale : celui des transferts de fonds.
Parfois épinglé du fait de la dépendance de nombreux foyers africains vis-à-vis de cet argent issu de l’étranger, il constitue pourtant un formidable levier de développement, à condition que les Etats s’engagent à en sécuriser l’usage. De fait, des mesures concrètes et rapides pourraient permettre de minimiser les risques intrinsèques à ces flux financiers tout en optimisant leur potentiel.
L’Afrique de l’Ouest représente aujourd’hui l’une des régions les plus dynamiques en matière de transfert de fonds. Selon l’Agence française de développement (AFD), les transferts formels représenteraient ainsi près de 10% du PIB des pays de la sous-région, soient des montants « plus élevés que l’aide publique au développement, même lorsqu’on ne prend pas en compte les transferts informels ». Rapporté au PIB, six pays de la sous-région figuraient dans le top 10 des pays d’Afrique subsaharienne en 2019 : la Gambie (15,5%), le Cap-Vert (11,7%), le Sénégal (10,5%), la Guinée-Bissau (9,4%), le Liberia (9,4%) et le Togo (8,3 %). Le Sénégal se classait également parmi les 10 principaux bénéficiaires en termes de montant perçu, avec 2,5 Mds USD – loin derrière le Nigeria, premier bénéficiaire des transferts de fonds en Afrique subsaharienne et sixième à l’échelle mondiale (à 23,8 Mds USD).
Données en temps réel
La pandémie de Covid-19 semble avoir eu deux répercussions majeures sur les envois de fonds : d’une part, une diminution de leurs montants du fait d’un ralentissement économique dans la plupart des pays d’envoi ; de l’autre, une dématérialisation accrue de ces transactions. Une enquête Ipsos/RMDA récente soulignait ainsi que 30 % des expéditeurs affirment avoir davantage utilisé Internet ou leur mobile pour effectuer leurs transferts d’argent en 2020. Les difficultés économiques de court terme liées au Covid-19 vont donc de pair avec un autre enjeu plus pérenne : celui de sécuriser cet écosystème qui se numérise de plus en plus vite.
Après une première estimation alarmiste de la Banque mondiale en avril dernier, estimant que les envois de fonds vers l’Afrique subsaharienne baisseraient de 23,1 % en 2020, l’institution a finalement revu ses chiffres en annonçant une baisse de 9% dans la sous-région. Une nouvelle plutôt rassurante tant ceux-ci jouent un rôle crucial dans le développement de ces pays. Mais face à ces difficultés et compte tenu de l’importance de ces flux pour de nombreux foyers ouest-africains, il est urgent que les gouvernements agissent pour faciliter les transferts d’argent en les rendant plus rapides et moins coûteux. C’est la raison d’être de l’outil X Stream développé par GVG afin de vérifier la conformité de toutes les transactions électroniques grâce à l’analyse des données en temps réel.
L’acquisition de données en temps réel sur les envois de fonds devrait également permettre aux Etats d’Afrique de l’Ouest de renforcer cet écosystème en s’assurant de la qualité et de la fiabilité des opérateurs. Un impératif pour améliorer la résilience des populations face aux chocs conjoncturels que peuvent engendrer les crises épidémiques.
Sécurisation des flux financiers
Un autre chantier pour les pays ouest-africains, plus structurel, concerne la sécurisation et la transparence de ces flux financiers considérables. La difficulté de tracer les transferts de fonds en fait un canal de transactions illicites qui échappent bien souvent au contrôle des Etats. Les risques peuvent aller de la fraude fiscale au blanchiment d’argent, en incluant également des dimensions plus préoccupantes telles que le financement du terrorisme. A l’heure où la menace terroriste s’amplifie dans la région, les gouvernements ouest-africains doivent se doter de moyens de régulation efficaces pour que les transferts de fonds ne bénéficient pas à des activités criminelles.
« Le déploiement de technologies numériques conjugué à la mise en place d’un environnement réglementaire […] et à un examen de la réglementation en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme sont indispensables pour faire baisser le coût des transferts de fonds [en Afrique subsaharienne] », préconise la Banque mondiale pour l’Afrique subsaharienne. A l’évidence, de telles mesures permettraient d’exploiter réellement le potentiel des envois de fonds en matière de développement.
James Claude, PDG de Global Voice Group, fournisseur de solutions TIC et RegTech pour les gouvernements et les autorités de régulation des pays émergents