dimanche, décembre 22, 2024

Vaccins anti-Covid : qu’en pensent les intellectuels africains ?

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Gauz, Bakary Sambe, Hemley Boum… Alors que le niveau de défiance envers le vaccin anti-Covid reste élevé sur le continent, les intellectuels africains se prononcent en sa faveur.

« Répondre à une telle question est super simple pour un homme qui a fait des études de biochimie, qui a deux cousins et plusieurs amis frappés de polio et qui a perdu un petit frère de la rougeole. La question de la vaccination ne se pose même pas. C’est le contraire qui est intriguant et particulièrement obscurantiste ! Que les labos s’enrichissent sur le dos des populations n’est pas nouveau, qu’ils se fichent des Africains qui n’ont pas les moyens n’est pas nouveau. Mais cela ne remet en rien en cause le principe scientifique de la vaccination. Malgré des effets secondaires possibles, les gouvernements arbitrent toujours en faveur de l’immunisation du plus grand nombre.

Je vais me faire vacciner sans hésiter. Chaque fois que j’oublie mon carnet de vaccination en voyage, je me fais vacciner de force contre la fièvre jaune à l’aéroport d’Abidjan, de Yaoundé ou de Douala. Ça n’a jamais choqué personne ! Je dois être à une dizaine d’injections contre la fièvre jaune depuis quatre ans. Les infirmiers de l’aéroport d’Abidjan me reconnaissent désormais. »

IL NOUS FAUT LUTTER CONTRE DEUX VIRUS : LE CORONAVIRUS ET LA DÉSINFORMATION

Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute

Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute et professeur à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis (Sénégal) à Dakar, Sénégal le 15 mai 2019.

« La pandémie de Covid-19 nous impose de lutter contre deux virus : le coronavirus et la désinformation. Jamais auparavant, les décideurs politiques et la communauté scientifique n’avaient été confrontés à un tel fléau, menaçant jusqu’aux sociétés démocratiques – vous avez vu ce qui s’est passé aux États-Unis récemment.
Je me ferai vacciner pour deux raisons : par esprit citoyen mais aussi parce que mon combat universitaire pour le respect et la crédibilité de la recherche scientifique l’exige.
Je ne prendrai pas le risque de laisser triompher les populismes nihilistes de l’esprit critique ainsi que le diktat de l’obscurantisme qui surfe sur nos angoisses existentielles. »

Fouad Laroui, écrivain marocain

« Dès que ce sera possible, je me ferai vacciner. J’ai une formation scientifique et j’ai tendance à faire davantage confiance aux scientifiques qu’aux ignorants, aux charlatans et aux complotistes. C’est la vaccination qui a débarrassé l’humanité de la variole, qui a fait des ravages pendant des siècles. Pensons-y. »

Hemley Boum, écrivaine camerounaise

Hemley Boum, écrivaine camerounaise.

« Bien sûr, je vais me faire vacciner. J’ai déjà accepté de me cloitrer chez moi pendant des semaines. Le contrôle de mes agendas professionnel et personnel m’a été ôté. J’ai subi cette intrusion inacceptable dans ma vie personnelle et intime sans moufter. Parce je fais confiance à d’autres expertises, celles que je ne possède pas. Je suis issue de ce monde là, tellement obsolète qu’il en devient risible. Celui où on fait confiance, aux sachants dans leur domaine. Tout le monde ne peut pas être médecin, avocat, cordonnier ou boulanger. Lorsqu’on va acheter son pain, on n’imagine pas en savoir plus que celui qui se lève à 4h du matin pour faire marcher son four.

Cette pandémie nous aura démontré une chose, l’inattendu est comme son nom l’indique impossible à prévoir. Ce qui n’exclut pas qu’il soit récupéré, que certains se l’approprient et nous le régurgitent en concept abscons utilisant des mots connus. Être responsable de sa propre santé ne suffisait plus, il fallait nous faire marcher de notre propre gré vers cet échafaud sanitaire, en nous rendant coupable de la fragilité des autres.

NOTRE MONDE A FAIT VOLER EN ÉCLAT L’IDÉE D’UN AVIS ÉCLAIRÉ. IL ME RESTE L’ESPOIR DE REPRENDRE LE CONTRÔLE DE MA VIE

Je vois bien l’arnaque, l’incompétence crasse des politiques – qui n’exclut pas une grande dextérité à réécrire les malheurs pour gagner des voix et conserver le pouvoir. Je vois bien le manque d’humilité des scientifiques qui s’étripent parce qu’ils sont incapables de reconnaître qu’ils n’ont pas de réponse. Je crois sincèrement que j’aurais été prête à entendre un « nous ne savons pas bien pour l’instant, mais nous travaillons à élucider les choses » typique d’une démarche scientifique telle que je la conçois et j’ai eu droit à un « nous sommes en guerre… » très politique. Soit ! Qu’y puis-je à part demander la porte de sortie ?

Le vaccin, la chloroquine, les médecines traditionnelles africaines… À mes yeux c’est bonnet blanc, blanc bonnet. Je n’y connais rien, ce n’est pas ma compétence. Je voudrais me référer à des avis éclairés, je ne peux pas. Notre monde a fait voler en éclat l’idée même d’un avis éclairé. Que me reste-t-il ? L’espoir de reprendre le contrôle de ma vie et c’est tout. Si en me vaccinant de l’eau de javel, ou une substance inconnue qui me ferait pousser un troisième bras dans le dos, je pouvais expulser ces personnes bruyantes qui s’imposent dans ma vie sans que je ne les ai invitées, décident de me confiner, de m’empêcher et me contraindre sans me laisser ne serait-ce que la possibilité de réfléchir à ma condition, alors, oui, je veux bien me faire vacciner. Finissons-en ! »

Par Jeune Afrique