À la fois mode et nécessité, le webinaire est le cadre de travail pour beaucoup d’entreprises et organisations internationales dans ce contexte de Covid-19. Un changement qui implique la réduction des budgets de transport, d’hébergement et de restauration lors des grands évènements.
Jeudi 9 juillet 2020. Le Sommet mondial sur l’énergie propre bat son plein. Une trentaine de ministres de plusieurs pays participent aux discussions. En temps normal, cette table ronde se tenait en présentiel, mais cette année, la Covid-19 et son lot de conséquences ont imposé un nouveau modèle : le webinaire ou la visioconférence. Un mal pour un bien, diront certains. Il s’agit d’un mouvement de fond, « une réalité à laquelle toutes les organisations vont impérativement s’appuyer pour conserver ou accroître leur dynamique de croissance », selon l’administrateur de Gaindé 2000, Ibrahima Nour Eddine Diagne. Pour cet acteur du monde des Tic, la productivité n’est plus rattachée à la présence. Ce schéma, dit-il, correspond au rêve des premières années d’Internet. « Au milieu des années 90, lorsque les premières salles de téléconférence ont été installées, nous nous disions que désormais, nous sommes dans un monde où il n’est plus nécessaire de voyager pour faire une conférence, mais la logique du face-à-face a été maintenue », dit-il.
Pour cette fois, M. Diagne pense que le contexte sanitaire impose un nouveau mode d’organisation, une ère de redéfinition du travail à l’échelle internationale et une révolution par la généralisation du télétravail. Pour Mountaga Cissé, consultant, bloggeur et formateur aux nouveaux médias, l’usage plus fréquent des Tic dans les sommets, formations et réunions constitue une nécessité, car, indique-t-il, beaucoup de secteurs d’activités se voient obligés de maintenir la continuité de leur fonctionnement. « Le webinaire est un moyen d’assurer le travail et de tenir des réunions à distance », affirme-t-il. Le spécialiste en communication et sensibilisation Elhadji Saïdou Nourou Dia parle d’opportunité de mobiliser des personnes de divers horizons sans avoir besoin de les regrouper en un seul lieu, en plus du gain de temps dans l’organisation des activités.
Réduction des dépenses et efficacité
Avec la fermeture des frontières terrestres et aériennes et le confinement des cas contacts dans les réceptifs hôteliers, les rencontres et ateliers ont été suspendus pour un bon moment. Toutefois, les échanges n’ont pas cessé. Par la magie du clic, les rendez-vous d’affaires et les débats d’idées se sont intensifiés au grand bénéfice des organisateurs, selon Mountaga Cissé. À l’en croire, les entreprises ou institutions dépensaient beaucoup d’argent en logistique, transport, hébergement et restauration pour les collaborateurs. Cette nouvelle « exigence », indique-t-il, permet, aujourd’hui, de se retrouver virtuellement et d’économiser. À cela s’ajoutent, selon Ibrahima Nour Eddine Diagne, la réduction du budget des séminaires, des frais de déplacement, des ateliers internationaux et des missions à l’étranger. « Cette méthode va être maintenue dans le long terme parce que les gens se sont rendus compte que les outils peuvent avoir la même efficacité que lorsqu’il faut prendre un avion pour aller à un séminaire », analyse-t-il. Les webinaires sont aussi avantageux pour le monde professionnel d’après Elhadji Saïdou Nourou Dia en termes de gain de temps.
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Tout comme l’entreprise, le travailleur est aussi avantagé par le travail en ligne, d’après Ibrahima Nour Eddine. À son avis, lorsque ce dernier ne se déplace pas, il y a une économie. « C’est lié au portefeuille avec le transport et la nourriture. La journée continue imposée depuis 30 ans a des coûts élevés. Sa réduction est avantageuse. Cependant, il faudra lui définir une frontière entre la famille et le milieu professionnel. Ce sont des constructions en cours qui vont aboutir à une autre forme d’appréciation du travail », dit M. Diagne.
CHEIKH BAKHOUM, DG DE L’ADIE
« L’expérience est réussie »
Avec la pandémie de la Covid-19, les structures sénégalaises ont beaucoup misé sur les technologies pour les besoins des réunions et séminaires. L’expérience est réussie, selon Cheikh Bakhoum, directeur général de l’Agence de l’informatique de l’État (Adie). D’après lui, le Sénégal a été parmi les rares pays qui ont pu tenir leur Conseil des ministres en mode télé-présence. « C’est notre capacité à avoir des ingénieurs qui ont su tout de suite être en première ligne. Nous avons mis tous les dispositifs au service de tous les secteurs », déclare-t-il lors d’un webinaire portant sur l’usage des Tic dans ce contexte de Covid-19. M. Bakhoum assure que les activités de l’Adie ont été doublées, voire triplées, pour appuyer des structures publiques, particulièrement le ministère de la Santé.
Exigences de souveraineté numérique
Pour la tenue du Conseil des ministres, le Sénégal ne pouvait pas utiliser les plateformes comme Zoom et Google Meet. Ce, pour des raisons évidentes de sécurité. C’est donc l’Intranet qui a été mis à contribution. Considérant que le numérique est déterminant dans cette lutte, le Dg de l’Adie est d’avis que les pays doivent être souverains en matière d’infrastructures numériques pour faire face à ces fléaux qui peuvent survenir à tout moment. « Si nous voulons préserver toute la sécurité qui sied, il faut que nous soyons autonomes. Nous avons vu qu’avec la pandémie, les pays se sont enfermés. Si nous avions besoin d’une aide extérieure, cela aurait été plus difficile. Nous ne pouvions compter que sur nous-mêmes », soutient Cheikh Bakhoum.
Première cérémonie de cotation virtuelle de l’histoire de la Brvm
Le mardi 26 mai 2020, la Brvm organisait sa première cérémonie virtuelle de cotation de titres des obligations du Trésor public de la Côte d’Ivoire sur le marché financier régional de l’Uemoa, du 12 au 27 février 2020, pour un montant total de 124 208 500 000 de FCfa. C’est l’une des contraintes de la pandémie, selon Dr Edoh Kossi Amenounve. « La Covid-19 nous amène, depuis quelques mois, à nous adapter. On pensait à une crise rapide, mais on doit désormais se faire à l’idée qu’il faudra vivre avec, peut-être pour longtemps, et nous réinventer pour être dans la nouvelle normalité », déclarait le directeur général lors de la cérémonie virtuelle.
ATELIERS VIRTUELS
Une grande première « assez concluante » pour Ejicom
Dans le cadre de son programme « Femmes à la Une », le groupe Ejicom a expérimenté, la semaine dernière, des ateliers virtuels en petits groupes. L’expérience a été assez « concluante », d’après le directeur de cette école de journalisme, Hamadou Tidiane Sy. À l’en croire, la difficulté identifiée dans ce mode de travail est la mobilisation des gens pour une longue durée. Ainsi, les responsables dudit groupe ont étalé le programme sur plusieurs jours. « C’est très difficile de retenir des gens pendant toute une journée. Pour nous adapter, nous avons raccourci le temps des sessions. Au lieu de trois jours en intensif, nous sommes obligés d’étaler la période de ces ateliers. En tout cas, cela a marché », fait savoir M. Sy. Pour lui, l’un des avantages est de pouvoir dérouler « les activités qui ne pouvaient plus se tenir en présentiel ».
Une belle place dans le monde d’après-Covid-19
Rien ne sera plus comme avant. C’est la conviction du formateur aux nouveaux médias Mountaga Cissé. De l’avis de ce dernier, le nouveau coronavirus a imposé de nouvelles méthodes. « Le télétravail est devenu, aujourd’hui, une norme appliquée dans de nombreux secteurs d’activités. C’était possible avant la Covid-19, mais on n’y avait pas pensé ou bien certains dirigeants refusaient de l’adopter », analyse M. Cissé. Il indique que le webinaire fait partie des clés de réussite de cette nouvelle donne. Saïdou Nourou Dia pense, lui, qu’il est nécessaire de continuer cette pratique qui permet d’éviter les dépenses inutiles. Quant au groupe Ejicom, il compte miser davantage sur les programmes et ateliers virtuels. Pour Hamadou Tidiane Sy, c’est le moment de lancer cette formation à distance avec des classes en virtuel, dans un environnement qui met le personnel enseignant au cœur du programme. « Beaucoup de gens nous ont demandé des programmes à distance. Nous avons traîné les pieds en les repoussant à l’année prochaine. La pandémie nous a obligés à démarrer », rappelle M. Sy.
Des idées pour les jeunes entrepreneurs et startuppers
Les webinaires et autres ateliers virtuels se font à travers Zoom, Google Meet, etc. Dans la mesure où ces outils ne sont pas conçus au Sénégal, Ibrahima Nour Eddine Diagne plaide pour l’indépendance en innovant grâce à l’accompagnement des entreprises. « Les organisations publiques et privées doivent tout faire pour promouvoir l’essor de startups, de jeunes entrepreneurs qui vont émerger autour de cette technologie. Au début, il ne s’agira pas de réinventer cette technologie, mais de se l’approprier et de l’utiliser pour créer de la valeur ajoutée dans nos écosystèmes. Si l’État et les organisations privées ne donnent pas la chance aux jeunes startuppers, ce sera un fossé numérique qui va se creuser entre nos pays et ceux qui ont ces technologies », confie l’administrateur de Gaindé 2000. Il parle de rendez-vous historique où chaque responsable d’entreprise privée ou chaque administrateur de société publique doit répondre en impliquant les acteurs locaux, afin que le pays soit plus résilient aux crises qui feront appel au ressort national.
Demba DIENG
Par Le Soleil