L’encours de crédit jugé risqué dans les secteurs d’activité comme le petit commerce, la transformation, l’agriculture et le transport, est estimé à plus de 54 milliards de francs CFA sur l’exercice 2020. C’est ce qui ressort de l’enquête sur l’impact de la Covid-19 sur les systèmes financiers décentralisés (SFD) menée sur les services du ministère de la Microfinance et de l’Economie sociale et solidaire, rendue publique jeudi dernier.
Le ministère en charge de la Microfinance, de l’Economie sociale et solidaire a mené une enquête, par le biais de ses services, pour appréhender l’impact de la Covid-19 sur les systèmes financiers décentralisés (SFD). Le document rendu public jeudi dernier, lors d’une rencontre entre la tutelle et la Commission de la stabilité macroéconomique du Comité de suivi de la Force-Covid-19, montre qu’il y a une ‘’forte baisse’’ des activités de crédit et des retraits massifs de l’épargne.
Des transactions qui ont entraîné des ‘’tensions de trésorerie sans précédent’’ allant jusqu’à la mise en arrêt temporaire, voire la fermeture de guichets pour certains SFD. ‘’Des pertes sur prêts sont attendues, principalement liées aux mesures prises par les autorités pour endiguer la propagation de la pandémie dans les secteurs d’activité comme le petit commerce, la transformation, l’agriculture et le transport. L’encours de crédit jugé risqué dans ces secteurs est estimé à plus de 54 milliards sur l’exercice 2020’’, révèle l’enquête.
Le document indique aussi que la dégradation de la qualité du portefeuille et la faible capacité d’adaptation des SFD en particulier, ceux dits isolés, risquent de ‘’plomber’’ les efforts consentis. Ceci si des mesures de soutien ne sont pas prises pour atténuer les conséquences. La production de crédit pour financer les activités des membres, notamment la campagne agricole 2020-2021, est estimée à 29,074 milliards de francs CFA.
Par ailleurs, la ministre de la Microfinance et de l’Economie sociale et solidaire a rappelé que dans le cadre de l’atténuation des impacts de la Covid-19 sur l’économie, une enveloppe de 500 millions de francs CFA destinée aux SFD isolées et aux acteurs de l’économie sociale et solidaire a été dégagée. ‘’Cette enveloppe est logée au Fonds d’impulsion de la microfinance (FIMF), au regard de son objectif d’inclusion financière et sociale des couches vulnérables à travers le renforcement des capacités financières et non financières des systèmes financiers décentralisés en vue de leur permettre d’offrir des services financiers et non financiers adaptés’’, explique Zahra Iyane Thiam.
La ministre a précisé que l’enveloppe de 500 millions de francs est destinée à la résilience des acteurs, en particulier les femmes, les jeunes, ainsi que le secteur informel, exerçant dans les secteurs d’activité tels que le petit commerce, le maraichage, la transformation, la pêche et l’agriculture. Et aussi à la subvention d’équilibre pour les SFD dont la viabilité est menacée. Au 30 juin dernier, une somme de 442 millions est accordée à 19 SFD répartis dans 9 régions du Sénégal. Les prochaines régions ciblées sont Diourbel, Louga et Saint-Louis.
700 millions de francs CFA alloués aux acteurs
La ministre a aussi souligné qu’un montant de 300 millions de francs CFA issu du budget 2020 du Fonds d’appui à l’économie sociale et solidaire (FAESS) a été mis à la disposition pour le renforcement du dispositif. ‘’Cette enveloppe est destinée aux acteurs de l’économie sociale et solidaire, pour la subvention de leurs charges incompressibles, notamment les charges fixes, l’acquisition d’intrants et de petits matériels agricoles. Ce qui porte l’enveloppe globale à 800 millions de francs CFA. Sur les 11 régions, nous avons financé les acteurs à hauteur de plus de 700 millions aujourd’hui. Les paiements se déroulent très bien par rapport aux porteurs de subvention’’, se réjouit-elle.
Il convient de noter que, selon l’enquête, les mesures d’accompagnement attendues du gouvernement par les SFD sont essentiellement la mise à disposition de fonds de crédit pour relancer les activités, des subventions d’exploitation. Ceci pour faire face aux charges incompressibles, sauf les salaires et des subventions d’équilibre.
Mais pour s’assurer que l’objet de l’argent n’est pas détourné, la tutelle prévoit un suivi des SFD et de leurs clients bénéficiaires de ces crédits tous les deux ou trois mois. Concernant le remboursement des prêts, il est prévu à partir de mars 2021 et par trimestre sur 24 mois.
Il convient de noter que, selon la ministre en charge de la Microfinance et de l’Economie sociale et solidaire, les acteurs de ce système sont estimés à 3,5 millions.
Pour sa part, le président de la Commission de la stabilité macroéconomique du Comité de suivi du Force-Covid-19 a recommandé le maintien du différé de délais de remboursement. ‘’On se focalise souvent sur le mauvais côté de la Covid. Le bon côté est qu’il permet, pour une fois, dans un secteur très informel, de recenser les bénéficiaires et d’avoir une base de données fiables pour vos actions futures. Le fait de les recenser permet d’entamer des actions de formation et de les aider à se formaliser. Vous avez un fonds d’impulsion et impulser veut dire donner de pouce et laisser la personne se débrouiller. L’impulsion n’a pas vocation à être répétitive pour les bénéficiaires.
La pandémie nous permet de découvrir le développement de l’économie sociale et solidaire, et c’est l’avenir’’, dit Bocar Sy, par ailleurs Directeur général de la Banque de l’habitat du Sénégal (BHS). Monsieur Sy suggère ainsi à la tutelle de faire un focus sur les membres bénéficiaires. D’après lui, il se pourrait que, dans la sélection des bénéficiaires, qu’il y ait de ‘’mauvais payeurs’’. ‘’Il faut veiller à ce que les véritables bénéficiaires soient connus pour voir l’impact pour faire un sondage sur les bénéficiaires et pour voir ce que cela a rapporté. Il se peut qu’il y ait un détournement de l’objet du financement.
Pour la digitalisation du secteur, elle repose sur un minimum de formalisme, une cartographie des moyens de communication’’, poursuit-il.
Sur les taux d’intérêt, le patron de la BHS pense qu’ils ne peuvent pas leur demander de rémunérer la part des Sénégalais à 2,5 et 3,5 % et leur dire de prêter à un taux zéro. ‘’Il faut qu’à un moment donné qu’on fasse en France pour dire que le livret A, c’est 0,75 %. Si quelqu’un à un livret dans une banque, on est obligé par la Banque centrale de le rémunérer à ce taux. Si on a un compte d’épargne dans une banque, c’est obligatoire de recevoir cette remise. Mais on ne peut pas vendre à perte. On nous demande au même moment de rendre l’argent des 80 % des Sénégalais s’ils se présentaient à nous. En réalité, les Sénégalais ne sont pas sensibles sur le taux d’intérêt. Ils le sont plutôt sur la rapidité, l’absence de garantie, la réactivité, dès l’instant que la rentabilité y est. Dans la situation normale, les taux d’intérêt dans notre pays sont élevés’’, conclut-il.
Avec Enquête