La sagesse commande une démarche prudente à qui se hasarde à envisager des perspectives en général et encore plus particulièrement dans ce contexte de crise où une seule certitude est permise : on ne sait pas !
Un nouvel ordre mondial est souhaité par l’Afrique. Cela rappelle à tout connaisseur des Relations internationales la rhétorique des années 1970 où le nombre aidant, les Etats nouvellement indépendants ont transformé l’Assemblée générale des Nations unies en tribune revendiquant, avec véhémence, un nouvel ordre mondial plus juste et plus équitable. Le résultat a été des résolutions sans portée juridique contraignante. Des décennies plus tard, le monde n’est pas devenu plus juste et plus équitable.
Comment, dès lors, espérer un changement ?
Parce qu’en réalité le scénario qui se dessine est non un multilatéralisme où l’Afrique ne serait plus marginalisée, mais une confrontation, dans un monde de nouveau devenu bipolaire, entre les Etats-Unis et la Chine. L’Union européenne a toujours été incertaine et risque de l’être encore davantage. Le discours d’Antonio Guterres, au début de la pandémie, s’exprimant davantage en tant qu’européen qu’en tant que secrétaire général des Nations unies traduit encore aujourd’hui les représentations et les imaginaires sur l’Afrique, même à ce niveau où doit régner la diplomatie ne serait-ce que par la retenue dans le langage. Une note du Quai d’Orsay abondamment lue et commentée révèle, si besoin était, que les logiques de domination sont omniprésentes.
Dans un tel contexte, un nouvel ordre mondial n’est-il pas un vœu pieux ? A l’évidence, il est souhaitable pour les africains. Et la seule question qui vaille est comment le faire advenir ?
Les défis demeurent immenses. Le même discours qui remettait au goût du jour la question du nouvel ordre mondial posait le problème crucial de l’annulation de la dette publique africaine. Comme toujours, d’autres voix africaines elles-mêmes se sont faites discordantes sapant ainsi l’indispensable union sacrée des africains sur des questions aussi majeures que stratégiques.
Le nœud du problème est là : l’Unité africaine.
Tant qu’au moins deux hypothèques ne sont pas levées par les africains eux-mêmes, les défis subsisteront.
Le premier est une hypothèque coloniale. Profitant, par exemple, de la concurrence de nos organisations sous-régionales (autre défi de taille), l’ancienne puissance coloniale a réduit presqu’à néant notre projet sous-régional (CEDEAO) de monnaie commune.
Le second est d’ordre méthodologique. Tant que l’Union africaine ne s’engagera pas résolument sur la voie de l’intégration en lieu et place de la coopération, on continuera à assister à des chevauchées solitaires de nos Etats pour un échec collectif et à constater le contraste entre la splendeur des fins proclamées et la maigreur des moyens engagés.
Pourtant, le contexte est plus que jamais propice au changement.
Ce virus, pour l’heure, a fait nettement moins de dégâts en Afrique qu’ailleurs.
Nos sociétés, en dépit des vulnérabilités et des complexités, ont développé de tout temps une résilience à nulle autre pareille.
Alors, un nouvel ordre mondial plus juste et plus équitable est souhaitable.
Pour qu’il advienne, il y a des préalables en Afrique, de nouveaux ordres étatiques conscients de la nécessité d’un nouvel ordre africain. La scène internationale fonctionne sur la base du réalisme, des rapports de force et non de l’idéalisme, de la compassion envers les plus faibles.
On peut toujours s’échiner à le déplorer cela ne changera rien à la réalité.
Si cette crise peut être une opportunité de changer les choses pour l’Afrique, c’est à la condition qu’il y ait un leadership fort, éclairé et courageux.
Les populations, elles, ont déjà fait la preuve de leur résilience, elles ne demandent qu’à ce qu’on leur montre la voie de sortie des stratégies de survie pour enfin exister et être respectées dans un nouvel ordre mondial.
Ousmane KHOUMA
Juriste et politiste
Publié sur penseragir