lundi, novembre 25, 2024

Covid19, prévenir en situation d’urgence

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Dakar est redevenue Dakar. Les plages sont remplies à ras bord. Le parcours sportif ne désemplit pas. Les masques de protection sont de moins en moins portés ou, comme le foulard de certaines femmes, n’assurent que la symbolique, ils sont ramenés au niveau du menton. Chez beaucoup de dakarois, le masque ne protège plus la bouche et le nez. Les grands regroupements, à pas d’antilopes, réapparaissent dans les maisons et dans l’espace public : mariages, baptêmes, enterrements, condoléances, etc. Bientôt, les xew et les xawaare, si nous n’y prenons garde, vont s’inviter dans ce tohubohu dramatique, dans cette exubérance tragique d’inconscience collective et individuelle sous le regard bienveillant des autorités.

Sommes-nous façonnés pour être insensibles à tous les malheurs, pour regarder impassibles la grande faucheuse parée des habits de la covid19, s’emparer des corps jusqu’à asservir les esprits ? Et nous continuons, infatigables, à reproduire notre traintrain quotidien habituel aux conséquences désastreuses dans la situation actuelle. Un seul décès, qu’il est possible d’éviter, devrait être un drame et mobiliser toutes les autorités et la population pour empêcher sa répétition. Au mois de mai, nous avions une moyenne d’un (1) décès relié à la covid19 par jour, à la première quinzaine de juin cette moyenne était d’un peu plus d’un décès par jour et la dernière quinzaine du mois de juin, un premier saut est franchit : une moyenne de plus de trois (3) décès par jour. Cependant, le taux de mortalité est de 1.59%, il est en dessous du taux de mortalité en Afrique et dans le Monde. Le nombre de malades suivis, le nombre de cas graves, le nombre, impossibles à estimer, de malades qui restent à la maison sans se faire consulter, pourraient conduire à un nouveau saut quantitatif du nombre de décès par jour.

Jetons un coup d’œil sur ce qui se passe à l’autre côté de l’Océan Atlantique. La situation ne cesse de s’embraser aux États Unis d’Amérique, au Mexique, au Brésil, etc. Des centaines de milliers de personnes sont décédées suite à la covid19, d’autres malheureusement vont perdre encore la vie.

Nous n’avons pas à nous affoler, mais nous devons être, raisonnablement, inquiets. Nous sommes à la limite d’une bifurcation qui est commandée, d’une part, par le rapport entre le nombre de malades actifs de la covid19 et le nombre de lits disponibles et, d’autre part, du nombre de cas graves et du nombre de lits disponibles en réanimation. Tout déficit dans un ou l’autre cas sera un facteur d’accélération du passage de l’état de malade actif à l’état de cas grave ou bien de l’état de cas grave au décès. Le nombre de lits ordinaires comme le nombre de lits en réanimation n’est pas indéfiniment extensible même s’il faut encore faire un effort supplémentaire en lits de réanimation. Sans cet effort, ce sera très bientôt, si ce n’est pas déjà le cas, aux médecins qu’il incombera de choisir les cas graves à admettre en réanimation et les cas graves à laisser mourir sans assistance respiratoire.

Nous devons agir, avant qu’il ne soit trop tard, sur les leviers qui permettent d’inverser cette situation. Seule la prévention active, sur tous les plans, individuelle, collective, administrative, sécuritaire, religieuse, culturelle, politique, peut encore nous empêcher d’aller inévitablement dans le mur. Les autorités, chacune à son niveau, sont les premières responsables, elles ne devraient pas être aphones, laxistes, frileuses de mesures même coercitives qui peuvent sauvent des vies, empêcher la propagation de la maladie et elles devraient donner l’exemple lorsqu’elles doivent gérer des décès et autres évènements familiaux. Il n’est pas possible de reprocher aux populations certains débordements si des autorités, elles-mêmes, en font de même. Cette période est propice pour que chacun fasse son autocritique individuelle et change radicalement sa manière d’exercer l’autorité qui lui est confiée. N’est-il pas possible d’infliger une taxe à toute personne qui ne porte pas un masque, qui organise ou qui participe à un rassemblement. N’est-il pas possible de créer dans différents points à Dakar des centres de dépistages volontaires de la covid19. Cela permettrait d’augmenter le nombre de tests journaliers, d’avoir une meilleure connaissance de la prévalence de la maladie et surtout de détecter précocement les cas positifs et de pouvoir les suivre très tôt. Si cette expérience s’avérait positive, elle pourrait être dupliquer dans d’autres communes et villes. Ces centres de dépistages de proximité vont aussi, libérer les réticences de beaucoup de personnes à se signaler lorsqu’elles constatent des symptômes de la covid19. Ils pourraient ainsi contribuer à faire reculer la stigmatisation liée à la covid19. Combinons à cela une communication actives, agressive à destination de la protection des personnes vulnérables :
– personnes âgées de plus de cinquante cinq ans ;
– et/ ou personnes ayant le diabète, l’hypertension, l’asthme, l’insuffisance respiratoire, le surpoids, etc.
Ne devrait-on pas profiter de l’ouverture des classes d’examen pour donner aux élèves une formation de trente (30) minutes à une (1) heure sur la covid19. Une telle formation aura un impact dans la famille de l’élève formé.

Chacun d’entre nous doit aider notre pays en appliquant les mesures barrières individuelles et collectives :
– porter toujours le masque hors de la maison,
– se laver régulièrement les mains au savon ordinaire,
– garder une distance d’au moins un mètre avec son interlocuteur,
– ne pas participer à des rassemblements,
– ne pas voyager si ce n’est pas impératif,
– réduire les visites de courtoisie,
– etc.

Nous sommes à l’orée d’un risque de dérapage de la covid19, que chaque sénégalaise et chaque sénégalais se considère personnellement responsable, et applique sa part de prévention. Que les autorités assument pleinement leur rôle et osent prendre les mesures qu’impose la gravité de la situation.

Mary Teuw Niane
28 juin 2020