Beaucoup de difficultés plombent le fonctionnement normal de la Cour de justice de la Cedeao. Parmi celles-là, figurent la réduction de ses traducteurs, la non-exécution des décisions rendues par les Etats membres de cette juridiction internationale et le déficit d’informaticiens. Ces griefs ont été exprimés hier, mardi 23 juin, lors d’une conférence de presse virtuelle animée par son président, Edward Asante.
La Cour de justice de la Cedeao, avec à sa tête son président Edward Asante, a tenu une conférence presse en ligne avec des journalistes des pays membres de l’organisation sous-régionale ouest africaine pour revenir sur ses difficultés. Dans sa déclaration, le président a indiqué que la juridiction internationale communautaire est confrontée à un défi majeur qui est la réduction du nombre de traducteurs de 9 à 6, dans l’organigramme de 2018. Cependant, affirme-t-il, «les juges ont besoin de la traduction rapide des actes de procédure dans les trois langues officielles (Anglais, Français et Portugais) pour faciliter leur travail et l’insuffisance des capacités au niveau de la Division des services linguistiques ne peut que conduire à des retards excessifs dans l’administration de la justice ».
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Conséquences de cette carence, des dossiers sont en souffrance. «A présent, il y a 431 actes de procédures qui attendent d’être traduits dont 98 vers l’anglais, 89 vers le français et 224 vers le portugais. Actuellement, nous comptons de plus en plus sur les traducteurs indépendants pour la traduction des actes de procédure en portugais. Les actes de procédure et les arrêts sont hautement confidentiels et doivent être traités par des agents rémunérés accrédités qui peuvent être tenus responsables de toutes fautes dans l’exercice de leurs fonctions.
En réalité, la Cour a besoin d’au moins douze (12) traducteurs pour les trois langues», dénonce Edward Asante. Il fait remarquer, par ailleurs, que l’Article 19 du Règlement de Procédures de la Cour de justice de la Communauté, la Cedeao, dispose : «La Cour établit, conformément à l’article 87 alinéa 2 du Traité révisé, un service de traduction composé d’experts justifiant d’une culture juridique adéquate et d’une connaissance étendue des langues officielles de la Cour». Il est, par conséquent, évident, avance-t-il, que la réalité actuelle de la Cour n’est pas conforme à la disposition susmentionnée.
NON-RESPECT DE SES DECISIONS, LA COUR FRAGILISEE PAR SES MEMBRES
«Une autre préoccupation de la Cour est le problème de l’exécution de ses arrêts. Bien que les arrêts de cette Cour aient force obligatoire pour les Etats membres, les Institutions, les personnes physiques et morales, le niveau de conformité ou d’exécution des arrêts de la Cour est inquiétant», regrette le président de la dite Cour. Mieux, ajoute-t-il, «le protocole relatif à la Cour, tel qu’amendé, impose aux Etats membres l’obligation d’exécuter les décisions de la Cour conformément aux Règles de procédures civile des Etats membres concernés ».
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Toutefois, tient-il à préciser, «la Cour n’a pas le pouvoir d’exécuter ses propres décisions, d’où son incapacité d’aider les parties à cet égard». Tout en demandant aux Etats d’avoir la volonté politique d’appliquer les décisions de l’instance juridique, Edward Asante indique qu’ils «continuerons de faire appel respectueusement aux Etats membres pour résoudre cette question, le plus vite possible, afin de renforcer la confiance en la Cour». Pour l’instant, seuls 5 pays parmi les 15 Etats membres, ont une autorité en charge de veiller à l’exécution des décisions, comme requis par la juridiction. La seule issue, pour lui, pour inverser la tendance, est de modifier les textes qui fondent la juridiction. «Donner des décisions qui ne sont pas respectées par les Etats n’a pas sens» et il ne voit pas, en pareille situation, la nécessité des usagers de la Cedeao de recourir à sa juridiction.
LE MANQUE D’INFORMATICIENS ENTRAVE LA TRANSITION NUMERIQUE
A cause de la pandémie de la Covid-19, la Cour a institué des audiences virtuelles et un système électronique de gestion et de dépôt des dossiers. Afin donc de les rendre durable, Edward Asante juge que l’effectif des informaticiens de la juridiction doit être renforcé. «Pour rendre durable cette audience virtuelle ainsi que les systèmes de gestion et de dépôt des dossiers d’affaires dont le lancement vient d’avoir lieu, la Cour doit être soutenue et bien outillée en termes de dotation en personnel informaticien», préconise-t-il.
Dans ses griefs, le président de la Cour fustige aussi le fait que la juridiction, dans son ensemble, ne dispose que de trois informaticiens, comme l’atteste son organigramme de 2018. «Elle doit le succès de sa formation de trois semaines en audience virtuelle à tous les trois (3) informaticiens et aux fournisseurs d’équipement dont l’implication vient de s’achever. C’est le lieu de dire que sans la présence constante d’au moins deux (2) informaticiens dans la salle d’audience et d’un autre au Greffe pour soutenir le système, toute cette structure tomberait en panne».
Aussi, dit-il, «Si les trois (3) informaticiens disponibles se concentrent chaque jour sur les audiences de cinq à six heures de la Cour, les autres parties de la Cour ne fonctionneront pas et s’ils s’occupent aussi des autres départements ; la Cour ne fonctionnera pas». Toute cette situation, montre, selon Edward Asante, que la Cour a besoin d’être soutenue pour embaucher immédiatement au moins trois (3) informaticiens pour satisfaire entièrement tous ses besoins informatiques.
Avec Le Quotidien