vendredi, novembre 15, 2024

SENEGAL- Installation d’une usine de construction de pirogues en fibre de verre

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Dans cette interview, Samba Ndiaye, Directeur général de la Société des Infrastructures de Réparation Navale de Dakar (SIRN) souligne que le projet de construction de pirogues en fibre de verre au Sénégal est dans sa phase de maturité dans la mesure où l’idée de transfert de technologie qui le sous-tend s’est matérialisée par l’installation de la première usine.

Où en êtes-vous avec le projet des pirogues en fibre de verre?

Ce que vous appelez «projet des pirogues en fibre de verre» est en fait un pan d’un plan plus global dénommé Projet de construction navale (Pcn), dont l’ambition est de faire du sous-secteur de la construction navale une réalité dans notre pays. Bien entendu, la mise en œuvre d’un projet d’une telle envergure passe nécessairement par des étapes bien élaborées.Et le renouvellement des pirogues en bois par des pirogues en fibre de verre en est une. Aujourd’hui, je peux affirmer que ce projet est dans sa phase de maturité dans la mesure où l’idée de transfert de technologie qui le sous-tend s’est matérialisée par l’installation de la première usine de construction de pirogues en fibre de verre au Sénégal. Cependant, nous sommes dans un processus dynamique pouvant mener à une production de diverses autres embarcations, surtout que de nouveaux investisseurs vont s’installer dans le cadre de partenariats public-privé.

Quelle est la pertinence de ce projet?

Comme tout projet sérieux, celui consistant à remplacer les pirogues en bois par celles en fibre de verre a suivi tout un processus, allant des études à la commercialisation actuelle des embarcations sorties d’usine. Il a fallu, dans un premier temps, mener une enquête de terrain pour cerner la problématique de la flotte en bois qui a traversé des générations de pêcheurs et a placé notre pays dans le cercle des grands pays de pêche. Donc, vouloir changer les fondements logistiques de ce sous-secteur informel, nécessite une meilleure connaissance du milieu, de ses contraintes et atouts. C’est ainsi que nous avons pu déterminer les dimensions optimales des embarcations, les aménagements appropriés à faire pour pratiquer les types de pêche effectués par nos pêcheurs artisanaux.

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En définitive, la Sirn dispose d’un document stratégique unique en son genre sur les fondamentaux de la flotte de pêche artisanale au Sénégal. En conséquence, la conception de nouveaux modèles qui en ont découlé, nous a valu un Brevet d’invention délivré le 31 juillet 2014 par l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (Oapi). C’est dire que nous avons réuni tous les ingrédients pour moderniser notre flotte de pêche artisanale. Celle-ci devant se conformer à un contexte mondial plus exigeant du point de vue sanitaire et environnemental.

Aujourd’hui, l’exportation de produits halieutiques nécessite des conditions d’hygiène drastiques sous-tendues par une traçabilité des captures menant inéluctablement vers les pirogues artisanales qui assurent plus de 80% de la pêche annuelle au Sénégal. À ces contraintes d’ordre mondial, s’ajoute la politique d’industrialisation prônée par le Président de la République à travers le Plan Sénégal émergent (Pse) pour charrier l’innovation technologique et la création d’emplois. Ainsi, l’usine de Ouakam emploie de façon permanente une trentaine de jeunes Sénégalais. Ce nombre devrait évoluer avec l’extension prochaine de l’usine en un pôle industriel employant notamment des centaines d’acteurs ayant acquis des connaissances dans la construction de pirogues artisanales en bois.

Au départ, beaucoup de pêcheurs ont refusé d’adhérer à ce projet. Leur position a-t-elle changé? Comment les avez-vous convaincus ?

Dans ce monde de la liberté d’expression et de la floraison des médias, il est toujours possible que des voix divergentes s’élèvent çà et là sur des questions d’intérêt national. Effectivement, nous sommes entrain de travailler à réformer un pan du premier secteur d’exportation de notre pays. Notre démarche dans ce projet a toujours été inclusive, comme en atteste le premier acte posé à travers l’enquête de terrain nationale. Celle-ci a impliqué non seulement les acteurs de la pêche artisanale sur l’ensemble du territoire national, mais également les autorités administratives ainsi que les différents démembrements de la tutelle de la pêche. Je comprends que cette petite révolution ne puisse pas faire l’affaire de tous, mais c’est une politique de l’Etat à laquelle les principaux acteurs ont adhéré. J’en veux encore pour preuve, les nombreux rapports en notre possession sur les essais effectués avec les différents prototypes que nous avons eu à mettre à leur disposition. Cependant, les acteurs ont formulé des préoccupations, notamment sur la prise en charge de leurs besoins d’être dotés d’embarcations en fibre de verre d’une vingtaine de mètres; ce que nous avons intégré dans le processus et qui nous a permis de produire un prototype de cette proportion. Il est actuellement exposé au Port de Dakar. En tout état de cause, avec nos partenaires naturels que constituent les acteurs de la pêche, nous avons beaucoup avancé et en sommes arrivés à une approche de recherches de solutions, pour leur permettre d’avoir un accès plus souple aux conditions de commercialisation des embarcations en fibre de verre.

Elh. I. THIAM, Le Soleil