Les chiffres sont là et implacables, chaque année plus des milliers de start ups créées disparaissent et ceux pour divers raisons. Ce phénomène est valable dans presque tous les pays africains et plus accru dans les pays francophones.
Les raisons partent de l’inadaptation des contenus d’accompagnement, des difficultés d’accès et surtout de pénétration des marchés, la non maîtrise des compétences techniques et enfin les contraintes sur l’accès au financement. Les autres contraintes sont moins importantes mais quand même on peut les lister.
Il s’agit pour les start ups de s’adapter aux mutations des marchés, la mise à niveau sur les standards techniques dans la transformation des produits, la normalisation et l’établissement des procédures en terme d’organisations pratiques et le développement de la culture d’entreprise en équipe.
Il faut noter que malgré les contraintes les 20% des “ start up(s) rescapées” arrivent à survivre et à se développer.
Historique des programmes d’accélération sur le continent
Depuis 2009 sur le continent, nous avons assisté au développement des programmes d’accélération et à l’avènement des premiers incubateurs. Au Sénégal, spécifiquement, les premiers barcamps et startups weekend ont vu le jour vers les années 2009 – 2010, un petit cluster travaillait à faire de l’évangélisation au moment où beaucoup de personnes ne connaissaient pas le phénomène d’incubation et d’accélération. Quelques années plus tard, vers 2014, on assista à l’arrivée des fellowships et des programmes d’ incubation au début et plus tard vers 2015 des programmes dites d’accélération. Mais, malgré cette forte émulation et le foisonnement de programmes et de centres d’incubation, l’entrepreneuriat stagne dans nos pays et des milliers de start ups disparaissent au bout d’ un an aprés leurs créations.
Rien qu’au Sénégal, on a eu environ 42 714 entreprises enregistrées au NINEA, en ( 2017, 44657, en 2018, 51 012) . Mais le constat est qu’au bout de quelques mois, on en perd des milliers. Sans compter ceux qui se sont créées sans faire l’enregistrement.
Quels sont les freins ? Pourquoi n’arrivent – elles pas à décoller et aller en croissance ?
L’entrepreneuriat est souvent mixé d’une émulation forte avec trop de programmes d’accélération et d’événements sur le continent qui n’ont pas accès d’impact
Les limites des programmes d’accélération souvent trop courts 4 à 6 mois et qui ne peuvent pas souvent accompagner correctement ou du moins soutenir durablement le développement des start ups.
4 a 6 mois d’accélération pour un écosystème assez structuré permet à une start up de décoller et de passer de l’accès au financement au marché.
Mais comparer à nos écosystèmes et à la réalité de notre environnement économique et des contraintes structurelles il est quasi impossible d’accélérer une start up sur cette durée. Ce qui fait que souvent la start up qui est dans un programme d’accélération finit à peine de chercher même son modèle économique avant que le programme ne se termine. Peu de programmes d’accélération ont un impact réel sur les Start Ups Africaines.
L’envie de certaines multinationales qui veulent plus faire de la communication institutionnelle avec les chiffres mais pas d’impact. Pour beaucoup de multinationales, ils supportent ou financent des programmes d’accélération et concours mais, en vrai, ce n’est pas l’impact qui les intéressent, ce qui les intéressent c’est plus la communication institutionnelle et les statistiques pour mettre en exergue leurs avantages . Pour d’autres, c’est plus une position de veille et de sourcing de nouvelles idées, opportunitées d’investissement.
Les contenus inadaptés des programmes d’accélération sur des durées très courtes.
Beaucoup de formation théoriques peu axées sur la pratique et l’étude réelle du marché. Le “go to the market” n’est pas clairement définit souvent, la value proposition non plus et un des piliers qui bloque est la réflexion sur le modèle économique. Comment cela peut -il marcher tout en restant adapté à notre contexte.
Enfin on note, le manque de collaboration entre les acteurs qui fait que parfois les interventions sont redondantes avec les mêmes projets et encourage finalement le phénomène d’Entrepreneurs “Chasseurs d’Opportunités” présent à tous les concours.
L’inadéquation des mécanismes de financement
Le financement classique n’ est pas assez adapté pour les entrepreneurs en earlier stage qui souvent n’ont pas assez d’actifs pour la garantie. En plus, les types de crédits proposés ne répondent pas aux besoins spécifiques des entrepreneurs surtout sur les durées de remboursement et les échéances. Je ne parle même pas des taux d’intérêt élevés et des autres coûts que les entrepreneurs doivent supporter dans la contractualisation des crédits.
Parlant des fonds d’investissement, ils ont des tickets d’entrées pour des entreprises dans le mid level et font souvent du rachat de capital qui leur donnent des droits dans l’entreprise. Arrivée à un certain niveau d’exploitation, ils peuvent décider de ressortir avec une cession de leurs droits à un tiers.
Alors la dernière alternative que l’ on a pour le financement des projets est le crowdfunding qui peine réellement à se développer aussi sur le continent sauf pour la partie Afrique anglophone. La non maîtrise de l’outil informatique, de la langue est un facteur bloquant pour les entrepreneurs, l’autre facteur bloquant est la culture du financement participatif sur internet. A vrai dire sur le crowdfunding, les Africains contribuent faiblement et un des derniers freins est que pour réussir une campagne de crowdfunding il faut avoir un réseau sur internet et que ce réseau puisse servir de relai pour partager et demander aux internautes de contribuer sur le délai. Ce qui pose souvent un problème pour nos entrepreneurs.
Vers une nouvelle approche pour l’accompagnement des projets en Afrique
Pour pallier a ses freins et mieux servir les entrepreneurs dans nos écosystèmes il nous faut plus structurer les contenus et les adapter à nos réalités. Il faut :
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adapter le contenu sur les données sectorielles et aider les entrepreneurs à mieux affiner leur “Go To The Market” en se basant sur les réalités du marché.
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Il faut aussi favoriser les cases studies sur chaque secteur et faire faire plus de terrain aux entrepreneurs afin qu’ils confrontent leurs prototypes aux réalités terrain.
La seule différence entre le baol baol de “Sandaga” Dakar et l’entrepreneur dans un programme d’accélération est que le baol baol a un produit accès terrain et il maîtrise les rouages du marché même si il reste du moins informel. Je pense que ce serait bénéfique pour les programmes d’ accompagnement d’apprendre de ses cas pratiques.
Il faut également allonger les programmes d’accélération sur une durée minimum d’ un an si on veut que cela serve réellement aux entrepreneurs. Prendre le temps de déconstruire et de reconstruire avec lui et l’aider à trouver son business model parce qu’ à la fin de la journée, c’ est cela qui va rester et qui va l’aider dans son développement.
Il est nécessaire de soutenir la partie BDS (accès aux marchés, accès aux financement , accès à l’expertise technique et développement des partenariats) pour les start ups et cela ne peut passer qu’à la mise en place des “Seed Fund & clustrer” avec des taux préférentiels et surtout des conditions d’accès allégées. En plus de cela, il faudra impérativement des produits aux cycles de financement des projets selon les secteurs pour permettre aux entrepreneurs de financer soit leurs investissements ou BFR, de travailler et de pouvoir rembourser après exploitation et tout ceci avec un calendrier de remboursement adéquat.
Enfin il faudra instituer des fonds d’investissement de chez nous et inviter le privé national à investir dedans car c’est la seule manière pour nous autres de s’assurer que nous investissons sur nos start ups et surtout s’affranchir des conditions drastiques des fonds d’investissement étrangers.
Quelques modèles qui marchent en Afrique dont il faut aller voir
L’un des rares programmes qui marche et soutien positivement le développement de start up en Afrique est le TEEP ( Tony Elumelu Entrepreneurship Programme) qui offre un an de capacitation en ligne, de mentoring et offre une bourse gratuitement à chaque entrepreneur sélectionné. Le TEEP arrive à appuyer 1000 entrepreneurs par année sur tout le continent, il est d’un grand apport.
Le deuxième programme qui est impactant est le YALI (Young African Leaders Initiative) à travers ses 4 Centres Régionaux en Afrique avec sa composante Business and Entrepreneurship accompagne plus d’un millier d’entrepreneurs chaque année à travers le développement de leurs business models et les connectent entre eux puis leurs ouvrent une plate forme de ressources en ligne qui est le Yali Learn et un réseau dense de mentors. Il est aussi d’un apport considérable.
Il est urgent de repenser les programmes d’accompagnement dans nos pays et nos états doivent instaurer des Conseils Présidentiels sur l’Entrepreneuriat (CPE) qui pourront à la fois orienter et mettre en cohérence toutes les initiatives visant à accompagner nos entrepreneurs.