vendredi, novembre 22, 2024

Numérique au Sénégal: « Rien ne se fera sans une volonté politique » (expert)

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Toutes les prévisions économiques placent le continent africain au centre de l’économie mondiale. Véritable relais de croissance, le marché africain connaîtra les Trente Glorieuses grâce à sa croissance démographique et économique sans équivoque.

En ce qui concerne le Sénégal, l’émergence économique passera par l’automatisation de sa production agricole et le défi persistant de son développement industriel. Cette nouvelle économie doit s’appuyer sur le numérique et l’innovation. Il s’agit de transformer l’économie du Sénégal en s’appuyant sur les services numériques et de positionner le pays au rang des leaders des technologies nouvelles et des services informatiques en Afrique.

En effet, la modernisation de l’économie sénégalaise et son automatisation nécessitent un investissement sur les technologies informatiques et des télécommunications. Tout est à construire dans l’automatisation de notre système économique, c’est ce qui explique que l’Afrique représente de l’or noir pour les professionnels du numérique et plus particulièrement les géant du numérique comme Google, Apple, Facebook, Amazon. Le Sénégal doit inverser le rapport de force pour ne plus être un consommateur de produits finis importés d’Europe ou d’Asie mais devenir un producteur de service, un créateur valeurs ajoutées et par conséquent un générateur de croissance interne et de ressources.

La première étape de ce vaste chantier nécessite la modernisation de l’administration de l’Etat.

Un audit des systèmes d’information de l’Etat permettra de comprendre la banalisation et l’inefficacité de l’économie sénégalaise. Bien entendu, rien ne se fera sans une volonté politique et un investissement fort de l’Etat. Véritable arbitre et régulateur de l’économie nationale, l’objectif est de doter l’administration de l’Etat des outils et moyens permettant de répondre aux usages, aux modes de consommation nouveaux et un réceptacle favorable au contrôle de la relation avec le secteur privé. Il s’agit de refondre les systèmes d’information des ministères et agences de l’Etat pour donner aux sénégalais un service public moderne et orienté vers la satisfaction des consommateurs ou usagers.

La dématérialisation comme observée aujourd’hui au Sénégal est insuffisante, elle doit permettre de gérer le processus complet des demandes des citoyens sans aucun besoin de déplacement ou d’intervention manuelle.

Dans la dématérialisation, les procédures et services aux usagers ne dépendront plus de la volonté des acteurs (administration, fonctionnaires), souvent source de corruption et de dégradation des services mais répondront aux droits de tout citoyen à disposer des services publics sans aucune discrimination ni privilège. La volonté du gouvernement sénégalais d’améliorer l’administration connaitra un succès que si elle rentre dans un cadrage global s’appuyant sur des enquêtes publiques, les choix de réglementation, des modifications législatives.

La deuxième étape sera de produire des ressources humaines dans les métiers des technologies informatiques et des télécommunications.

Les cursus de formation actuels souvent théoriques, manquent d’un aspect pratique sur l’entrepreneuriat ou le numérique et ne suscitent pas de vocation. L’investissement dans les formations nouvelles permettra d’attirer les plus grandes sociétés informatiques à s’implanter au Sénégal, donc créer de l’emploi. Les offres de formation devront être tournées vers les métiers d’avenir pour n’en citer que quelques-uns : l’intelligence artificielle, le Big Data, la cybersécurité, la mobilité, l’internet des objets, la conception de Datacenter, les calculateurs quantiques, l’architecture réseaux mobiles, les télécommunications spatiales, les fibres optiques et télécommunications. Ces grandes écoles permettront de produire les spécialistes de demain qui vont produire/innover et par conséquent favoriser une plus grande attractivité du marché économique sénégalais.

La dernière étape porte sur l’investissement d’infrastructures techniques et matérielles.

Le Parc des Technologies Numériques (PTN) de Diamniadio est un bon exemple. Il faudra déployer une politique d’incubation et d’accélération des start-up. Au Sénégal, les incubateurs ne permettent pas de catalyser une dynamique de création d’entreprises. Il faudra favoriser des fonds d’infrastructures qui sont spécialisés dans les réseaux, la fibre optique, Datacenter. Tout le monde sait qu’un jour on va éteindre le vieux réseau cuivre, et que la fibre va prendre le relais.

La fibre, c’est comme une autoroute, il y a presque aucun risque et sera indispensable pour garantir une économie connectée et sécurisée. Le Sénégal doit aussi investir dans la recherche et de développement. La R&D véritable avant-gardiste des solutions futures, ne doit pas seulement concerner le corps universitaire mais doit aussi être portée par le secteur privé comme on le voit dans les pays développés.

Pour conclure, je dirai que le numérique au Sénégal doit répondre à un écosystème construit à partir de notre propre modèle économique : investissement, formation, régulation, politiques publiques. Les nouvelles technologies permettront à notre pays de s’affranchir du processus de développement traditionnel pour sauter des étapes et accélérer notre croissance économique, mais aussi de gérer les ressources plus efficacement et d’étendre l’accès aux services essentiels, même aux populations les plus vulnérables. Le Sénégal doit engager une dynamique ambitieuse visant à faire de notre pays un leader régional du numérique et de l’innovation. Il faudra aussi une instance gouvernementale pour garantir la cohérence des politiques publiques sur le numérique.

Ousmane BOB 
Ingénieur informaticien, Directeur de projet en Système d’Information (Paris) 
Coordinateur adjoint de la DSE France