L’intelligence artificielle est aujourd’hui une réelle opportunité pour les pays africains, selon des universitaires et chercheurs qui ont participé à la semaine africaine de la science organisée du 17 au 22 décembre dernier à Yaoundé au Cameroun par le Next Einstein Forum (NEF).
« Ne serait-ce qu’au niveau universitaire. Dès la deuxième année, il faut commencer à enseigner comment fabriquer les programmes d’intelligence artificielle », soutient Norbert Tsopze, enseignant au département d’informatique à l’université de Yaoundé I.
Pour lui, si on commence à enseigner cette discipline très tôt, les jeunes pourront s’y intéresser et nos pays se développeront plus rapidement.
“Certaines coopératives agricoles nous disent qu’elles ont 10 à 20 % de pertes dans leur production à cause des chenilles. Grâce à des drones qui peuvent détecter des intrusions, on peut réduire ces risques” William Elong, Promoteur de Drone africa
D’après la définition de Yap Boum II sur l’intelligence artificielle, « il s’agit de voir comment est-ce qu’on peut utiliser des données pour répondre à des questions que se posent les humains ».
Enseignant et chercheur à la faculté de médecine de l’université de Yaoundé I, ce dernier ne trouve pas mieux que le secteur de la santé pour illustrer son propos.
« Un médecin, un infirmier, un personnel de laboratoire réfléchit à des données et établit un diagnostic. Maintenant on se demande comment une machine, comment une application, un téléphone peut faire la même chose », explique-t-il.
En somme, conclut Yap Boum II, « il s’agit de concevoir ces nouveaux outils qui pourront aider le praticien hospitalier ou le médecin à améliorer son diagnostic »
Gaspard Baye, fondateur de « Diagnos », une application qui utilise l’intelligence artificielle et le big data pour détecter les maladies, se veut beaucoup plus concret.
« Nos recherches ont montré que 80 % des décès sont dus à l’ignorance. Soit la personne a détecté la maladie trop tard, soit la maladie est à un stade final et le malade n’a pas eu accès à un spécialiste. On peut prévenir cela ».
Notamment « en utilisant l’intelligence artificielle, en donnant à l’application les connaissances suffisantes pour diagnostiquer les paramètres et les symptômes d’un patient et puis référer ce patient à un spécialiste qui peut s’en occuper », poursuit Gaspard Baye.
Agriculture
Outre le secteur de la santé, l’intelligence artificielle peut aussi être utilisée dans l’agriculture, en l’occurrence dans la détection des maladies comme le mildiou ou des chenilles sur les plantes.
Elle permet aussi la détection des maladies qui réduisent la productivité, ainsi que la détection des intrusions, estime William Elong promoteur de Drone Africa, une start-up camerounaise qui assemble et distribue des drones civils.
« On a certaines coopératives agricoles qui nous disent qu’elles ont parfois 10 à 20 % de pertes dans leur production à cause des chenilles. Grâce à des drones qui peuvent détecter des intrusions, on peut réduire ces risques », explique l’intéressé.
Cependant, pour William Elong, l’intelligence artificielle n’est pas seulement un concept, mais aussi des applications qu’on peut créer pour apporter des transformations majeures dans le secteur de l’éducation.
Il cite en exemple un programme appelé ABC, élaboré par Arielle Kitio Tsamo, ambassadrice 2017 – 2019 du NEF au Cameroun et fondatrice de CAYSTI, un centre d’éveil technologique et de développement de la créativité chez les jeunes grâce au numérique.
« Ce programme, à terme, se veut une intelligence artificielle qui va s’appeler « Athena » et qui va permettre aux enfants d’apprendre à programmer, d’apprendre à développer avec un assistant à domicile qui sera totalement accessible », relève le patron de Drone Africa.
Absence de vision
Or, malgré son utilité, l’intelligence artificielle est encore embryonnaire dans de nombreux pays africains, à l’instar du Cameroun, comme le déplore Norbert Tsopze.
Pour ce dernier, l’absence de ressources matérielles et financières et surtout l’absence de vision sont quelques-unes des raisons qui expliquent le peu d’intérêt qu’accorde le Cameroun au développement de l’intelligence artificielle.
Pourtant, relève Yap Boum II, si on trouve le moyen de prendre en charge les patients avec les outils de diagnostic de l’intelligence artificielle, on peut améliorer leurs conditions de santé.
« Et s’ils sont en bonne santé, ils vont pouvoir mener leurs activités qui auront un impact sur l’économie de notre pays et pour notre continent », poursuit-il.
Ce chercheur qui travaille également pour Epicentre[1] est aussi le co-fondateur de Kmerpad, une start-up qui fabrique et commercialise des serviettes hygiéniques lavables et réutilisables. Il est par ailleurs l’un des promoteurs de iDocta, une application médicale qui permet de mettre en contact le personnel de santé avec les populations au Cameroun.