A l’heure où la digitalisation a bouleversé notre façon de réaliser des contenus numériques dans une sphère rythmée par une masse importante de flux d’informations, il urge de donner une importance capitale à la qualité des contenus selon les besoins nécessaires et adaptés pour une consommation optimale. C’est dans cette perspective que nous sommes allés à la rencontre de l’un des pionniers du contenu local, un «œuvrier» africain mais sénégalais avant tout. Oumar Kandé, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est le CEO de TRACE West Africa & TRACE Côte d’Ivoire / Executive VP Business Development – Africa chez TRACE TV. Dans cet entretien, il revient sur l’importance pour les Africains de créer des contenus adaptés aux besoins des populations locales.
Bonjour Oumar Kandé, présentez-vous à nos lecteurs ?
Je me définis comme un «œuvrier» africain. Ma devise: travailler dur dans des domaines qu’on aime et porter haut l’étendard de la compétence et de la créativité africaine en général et sénégalaise en particulier. De formation commerciale, je me suis, contre toute attente, retrouvé dans le monde des contenus, média et des plateformes de services qui permettent de les distribuer. Mon parcours se résume en 7 ans de production audiovisuelle en free lance, 4 ans d’acquisition et de distribution de contenus multimédia sur le Mobile et les plateformes IP pour Sonatel Multimédia et bientôt 7 ans de développement commercial pour TRACE TV réseau Média International spécialisé dans la musique et divertissement urbain.
Depuis plus d’un an j’ai lancé DEFKO AFRICA, un hub d’entrepreneurs qui a pour vocation de promouvoir des projets ambitieux et viables ainsi que des produits et services innovants pour satisfaire les besoins des professionnels et du grand public dans des domaines spécifiques.
DEFKO AFRICA est un consortium agile qui offre des services sur divers plans : digital, mobile, événementiel, production audiovisuelle et musicale, communication, accompagnement…
Vous avez une grande expérience dans le domaine des contenus (vidéos) locaux. Comment peuvent-ils participer à l’émergence des pays africains?
Les contenus locaux sont des référents des cultures africaines, il ne s’agit pas simplement d’une fabrication locale mais plutôt d’une conformité aux codes sociaux locaux et une réponse aux besoins de consommation locale et bien sûr, de ceux de la diaspora.
Ils ont, ou en tout cas devraient avoir comme source d’inspiration, les réalités des sociétés africaines et toutes les thématiques riches et diversifiées qui y sont liées. Ils participent notamment à la notoriété des cultures africaines et au développement des industries audiovisuelles du continent. Tous les pays ne sont pas au même niveau de développement, certains comme le Nigeria et le Burkina Faso dans un autre registre sont des pionniers, le Sénégal a fait un grand bond en avant ces dernières années avec des contenus de qualité qui accèdent progressivement aux plateformes internationales. Il ne s’agira pas d’imiter le contenu dit occidental dans son intégralité, il s’agira de créer un contenu avec une identité propre à l’Afrique mais avec les standards qualitatifs rigoureux.
Est ce que le contenu local africain a de la valeur ajoutée?
Le contenu local africain a assurément de la valeur ajoutée ne serait-ce que dans l’initiative et l’engouement. Il y a en général encore beaucoup d’efforts à faire sur les aspects qualitatifs, notamment le respect des fondamentaux de l’audiovisuel et ce que j’appellerai le perfectionnisme audiovisuel, ainsi que sur l’utilisation des outils. Il faut savoir que l’audiovisuel a connu un essor tardif en Afrique. C’est avec l’avènement du numérique que c’est devenu une activité à la portée de tous, avec du matériel plus accessible et la possibilité de réduire les intervenants et la lourdeur logistique pour un résultat supérieur ou équivalent.
Que faut-il faire? Est ce que ce n’est pas un problème de qualité?
Il faut accentuer la formation sur deux aspects, les aspects techniques et la créativité éditoriale. Il arrive souvent en Afrique que les intervenants se complaisent dans une polyvalence qui ne rend pas forcément service à l’industrie du contenu. Une même personne veut à la fois être cadreur, réalisateur, monteur, preneur de son sans avoir une formation exhaustive dans aucune des rubriques où il se sent compétent. Certes il faut avoir une connaissance globale de la chaîne de valeur mais il faut que les acteurs du secteur se spécialisent, collaborent et créent des synergies, c’est comme cela que l’on parvient à obtenir du contenu de qualité. On a tendance à oublier que l’on ne crée pas pour soi mais pour les autres et ce sont eux qui attribueront le label qualitatif au contenu.
Lorsqu’il s’agit d’UGC (User Generated Content) contenu linéaire ou à la demande générée par les utilisateurs sur les différents réseaux sociaux à usage de masse on est bien évidemment moins regardant sur la qualité technique, il s’agit surtout d’une qualité éditoriale.
Parlons maintenant du digital. Selon vous, est ce que l’Afrique est à l’heure de cette digitalisation ( donner 2 à 3 exemples si possible )
Le digital est une évolution technologique, un « enabler » autrement dit un facilitateur ou un incitateur. Ma conception de la digitalisation est celle d’une tendance qui facilite à la fois la création et le partage au sens large des contenus. Le digital est un écosystème avec des composantes qui doivent être présentes en qualité et en quantité appropriées pour qu’il y ait une utilité notoire et une qualité d’expérience mémorable. Plus la Qualité de service ( réseaux, plateformes) sera bonne, mieux l’expérience digitale sera vécue, si tenté que les utilisateurs aient les bons terminaux. En Afrique on connaît tous les outils digitaux, il n’y a pas plus technophile qu’un Africain, ses seules limites sont la qualité des connections internet dans certains pays et l’accès aux terminaux adaptés.
On assiste de plus en plus à la naissance de youtubeurs africains qui se basent sur des revenus ads pour pouvoir vivre, pensez-vous que cette nouvelle formule peut prospérer ?
Seuls quelques rares youtubeurs pourront effectivement tirer un grand bénéfice des revenus ads. Il faut que le contenu associé soit original et de qualité pour assurer cette viralité qui engendrera des vues et de l’intérêt publicitaire. Soyons créatifs !
Parlez nous de votre travail à TRACE TV?
TRACE TV est un réseau média qui évolue avec son temps, ayant débuté avec des chaines musicales distribuées sur des plateformes comme Canal+ et DSTV en majorité, TRACE a justement su diversifier son offre de contenus linéaires et à la demande via des plateformes mobiles et Web. J’ai contribué à vulgariser la proposition de valeur contenue sur les plateformes mobiles via des partenariats avec des opérateurs à la recherche d’une Valeur Ajoutée pour les segments jeunes. Aujourd’hui TRACE est de plain pied dans le digital et les plateformes professionnelles de distribution de contenu notamment en OTT (livraison direct à l’utilisateur sans opérateur intermédiaire) avec sa nouvelle plateforme TRACE PLAY proposant toutes ses chaines musicales et un riche catalogue de divertissement afro urbain. Mon travail consiste essentiellement à créer et implémenter des concepts innovants autour des contenus avec des ouvertures sur l’évènementiel source aussi de création de contenu et un reflet sur les media TV, radio et digitaux.
Comment collectez vous les contenus vidéos issus des différentes productions?
Nous avons des départements dédiés à la production de contenu et à l’acquisition de contenu. Sur les chaînes musicales dont l’éditorial est essentiellement composé de clips video, ce sont les ayants droits qui nous font parvenir leur vidéo sur des supports de stockage amovible ou via des plateformes de partage de fichiers, ces contenus sont monitorés pour vérifier leur conformité aux spécifications techniques disponibles sur notre site internet et programmés à l’antenne via des logiciels de programmation et de diffusion dédiés.
Sur TRACE PLAY les contenus fichiers sources sont généralement issus de distributeurs professionnels qui nous livrent des supports physiques ou accessoirement via des plateformes de partage. Le challenge reste dans la qualité d’expérience avec l’assurance d’une expérience confortable même lorsque la qualité du réseau n’est pas optimale, c’est là qu’interviennent le choix et la qualité de l’encodage.
Votre dernier mot
L’Afrique a deux qualités essentielles, elle regorge de talents et d’utilisateurs curieux et assoiffés de divertissement. C’est une zone de croissance incontournable pour tous les acteurs économiques internationaux, il faut que l’on s’attelle à vulgariser le contenu africain…et atteindre une forme d’autosuffisance via une consommation massive des contenus africains par les Africains. Il nous revient donc d’assurer des contenus en quantité et en qualité suffisante ainsi que la fiabilité de nos réseaux pour un confort d’usage optimal.