Durant le mois d’août 2016, le Directeur général de l’Agence de l’informatique de l’Etat (ADIE) a fait une tournée des chantiers du projet « Large bande Sénégal » pour évaluer le déploiement du réseau haut débit en fibre optique de quelques 2500 Km qui est en train d’être mis en place par l’Etat. Ce projet constitue en fait la troisième phase du projet de l’ADIE visant à créer les conditions de la mise en place d’une administration électronique.
La première phase a consisté en la création d’un intranet gouvernemental en 2004 s’appuyant sur un réseau en fibre optique de 50 Km couvrant les principaux bâtiments administratifs du centre-ville de Dakar. Dans une seconde phase, il se muera en intranet administratif avec son extension aux capitales régionales puis départementales avec le déploiement de 500 Km de fibre optique en 2009, complétés entre 2011 et 2014 par 1000 Km de fibres pour atteindre Ziguinchor en passant par Tambacounda, Kolda et Sédhiou et renforcer en même temps la redondance de l’existant.
La troisième phase comptant 3000 Km de fibre optique, lancée en 2016 pour une livraison prévue en mi-2017, couvre le nord, le centre et l’est du pays. Au total, avec le déploiement de 4500 Km de fibre optique, le Sénégal sera couvert par l’ADIE jusqu’à l’échelle des arrondissements, augmentant les capacités existantes, permettant la connexion de nouvelles entités publiques et autorisant le transport du signal de la télévision numérique terrestre (TNT). Grâce à l’ensemble de ces infrastructures, l’ADIE offre désormais une gamme de services comprenant notamment l’accès à Internet, l’hébergement de sites et de données, la messagerie électronique, la téléphonie CDMA, la téléphonie sur IP, la visioconférence, etc.
Le déploiement d’une telle infrastructure pose cependant la question de son utilisation optimale en vue de rentabiliser investissement consenti et celle de sa maintenance pour garantir une qualité de service irréprochable et une mise à niveau en phase avec l’évolution technologique.
Or parallèlement, les opérateurs de télécommunications, principalement la SONATEL, mais également Tigo et Expresso, déploient eux aussi une infrastructure à haut débit, utilisant tantôt la fibre optique et tantôt les faisceaux hertziens, et bien entendu le coût de ces investissements est répercuté sur le prix des services fournis aux abonnés. Si dans une zone comme Dakar il est compréhensible que les opérateurs se livrent à une concurrence par les infrastructures du fait de la densité de la population et des risques de congestion des réseaux, il n’en est pas de même dans le reste du pays où la concurrence ne peut se faire réellement que sur le prix et la qualité des services.
Dès lors la question du partage d’infrastructures à travers la mise en place d’une infrastructure nationale de télécommunications à haut débit, envisagée puis abandonnée dans le cadre du passage à la TNT, se reposera dans un avenir plus ou moins lointain non pas pour des raisons idéologiques comme le pensent ses adversaires mais sur la base de déterminants économiques et de qualité de service.
Certains pays comme la Tanzanie ont d’ailleurs déjà franchi le pas en adoptant une loi obligeant les opérateurs de télécommunications au partage d’infrastructures et pour ceux qui l’auraient oublié le Code des télécommunications découlant de la loi n° 2011-01 du 24 février 2011 prévoit bel et bien en son article 32 que « Des personnes morales, entité, société et/ou organisation enregistrée peuvent bénéficier d’une autorisation d’opérateurs d’infrastructures ». Il ne s’agit pas pour ces opérateurs d’un nouveau genre de se substituer à l’Etat ou de concurrencer les opérateurs privés en proposant des services mais simplement de gérer et d’offrir des capacités en vue d’améliorer la compétitivité des entreprises, d’aménager le territoire, de faciliter le développement d’infrastructures transfrontalières et de favoriser l’augmentation de l’offre de capacité et la connectivité locale, régionale et internationale.
Dans un pays comme le nôtre où les ressources, publiques et privées, sont rares et les besoins en investissements colossaux, il faut que nous réfléchissions à la mise en place d’un dispositif de partage des infrastructures à haut débit en vue de rationaliser les investissements, d’étendre la couverture des réseaux, d’améliorer la qualité de service et de réduire les coûts d’accès pour l’utilisateur final. Ce dispositif qui ne serait pas forcément à caractère public, du moins majoritairement, serait une bonne alternative à la fausse redondance actuelle des réseaux.
Alex Corenthin
Secrétaire aux relations internationales Osiris.sn