vendredi, novembre 8, 2024

Fact-checking en période de campagne : la sacralité des faits à l’épreuve des politiques

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De prétendues initiatives de fact-checking ont été lancées ces derniers temps, notamment en Grande-Bretagne et au Sénégal. C’est le lieu de rappeler les principes fondateurs de cette tendance du journalisme.

 Les Sénégalais voteront le 20 mars 2016 pour approuver ou rejeter les réformes constitutionnelles proposées par le président de la République Macky Sall. Depuis l’annonce de ce scrutin, il y a un mois de cela, deux camps –celui du président qui appellent à voter Oui et celui du Non (opposition) — ont investi la presse pour faire pencher l’électorat de leur côté.

Ce référendum a valeur de test pour le pouvoir, à un an des prochaines élections législatives. D’ailleurs, le président Sall l’a si bien compromis qu’il est en train de sillonner le pays pour faire passer sa réforme. En dépit de son appel, dans une interview avec Dubai TV, à « dissocier le référendum de (sa) personne ».

Comme c’est souvent le cas, en période de campagne, les faits sont dénaturés, s’ils ne sont pas carrément noyés dans les commentaires des parties en compétition.

Au cœur de cette campagne référendaire du Sénégal, par exemple, il y a eu la controverse autour de la possibilité de la légalisation de l’homosexualité. La possibilité d’une suppression du deuxième tour de l’élection présidentielle avait été soulevée par le camp du Non.

Du côté des partisans du Oui, un ministre a même véhiculé une fausse information sur l’âge de l’opposant et ancien Premier ministre Idrissa Seck.

Il en est de même du coût du référendum (9 milliards de francs CFA pour les partisans du Non, 1 à 2 milliards pour la présidence de la République). Il y a imprécision des deux côtés. Soit c’est 9, soit c’est 1 ou 2 milliards. Cela ne peut pas être à la fois les trois chiffres brandis par les deux camps.

« Le vrai-faux du référendum »

C’est sans doute pour faire triompher le Oui, la présidence de la République a investi tous les moyens de communication y compris l’internet avec la création, sur son portail, d’une rubrique intitulée « le vrai-faux du référendum».

L’initiative est à saluer et à encourager. Cependant, elle gagnerait en crédibilité si elle s’inscrivait dans la durée et fouillait dans tous les camps et tous les secteurs. Le hic est que le site de la présidence fait la part belle au Oui.

Il présente les aspects qui semblent plus vendables et  réfute en même ce qui a l’air de l’intox véhiculée par le camp adverse. Comme le débat sur la légalisation de l’homosexualité, à la faveur de l’introduction de « nouveaux droits ».

Sur cette rubrique, des réponses sont également décryptées des opinions défavorables aux réformes. Comme le « faux » servi à la Plateforme Avenir Sénégal Bignou Beugueu qui estime que « ce projet de réforme ne répond pas aux aspirations du peuple sénégalais. » ou encore le « vrai » décerné au porte-parole du gouvernement Seydou Guèye pour qui « les mesures contenues dans cette Réforme représentent une réelle innovation ».

Il s’agit donc d’une vérification partisane destinée à faire valider la réforme constitutionnelle.

Le Brexit et les faits

Cette attitude n’est toutefois pas propre au Sénégal. En Grande Bretagne, à la faveur du prochain référendum sur le   « Brexit» (sortie ce pays de l’Union Européenne), prévu le 23 juin 2016, des initiatives présentées comme du fact-checking ont vu le jour. Parmi celles-ci, on cite, Infacts.org qui excelle dans cet exercice.

«  Nous ne sommes pas des fact-checkers, même si nous passons effectivement beaucoup de temps à vérifier des faits », a confié le rédacteur en chef de InFacts, Hugo Dixon, à l’Institut américain Poynter. Dixon décrit une bonne partie du contenu comme « des réfutations catégoriques, précises, lisibles  .. et qui peuvent être utilisées pour démonter les arguments en faveur d’une sortie de l’UE ».

D’autres nouvelles initiatives comme Leave.eu et Stronger In animent des rubriques dédiées consacrées aux faits et visibles sur leur page d’accueil, déplore l’organisation de fact-checking Poynter qui se demande si les faits seront « vainqueurs ou victimes » du référendum sur le Brexit. Là aussi, on soupçonne le pouvoir d’être derrière ces initiatives.

C’est le lieu de préciser et de rappeler aux non-initiés et à ceux que cette pratique intéressent que le fact-checking, une tendance dans le journalisme née dans les pays anglophones, ne concerne ni les opinions et ni prédictions. Il n’est ni propagande ni commentaire.

Pour être crédible, il doit être non-partisan et indépendant. En d’autres termes, il remet au goût du jour le principe de la sacralité des faits qui doivent être relatés de manière rigoureuse.

Source . Africa Check,  Twitter @AfricaCheck_fr