Le 17 juin 2015 fut le jour fatidique tant attendu par les professionnels du secteur de la télévision pour le passage de l’analogie au numérique en Afrique. Au Sénégal, au lieu d’un basculement total à la date précitée, on a assisté à un début d’un processus sans une date butoir annoncée par les autorités en charge de la question pour couvrir l’ensemble du territoire national. Le Président de la République M. Macky SALL a reçu symboliquement le 17 Juin 2015 des mains de M. Babacar Touré Président du CONTAN la « télécommande » de lancement du processus. Le Sénégal est dans la bonne voie ! Dit-on ! Soyons optimistes !
En effet, la technologie numérique dont il s’agit ici doit être comprise d’abord comme une évolution technologique ensuite comme une opportunité à saisir pour booster le développement économique, culturel et social de notre pays. Elle résulte plus exactement du développement des technologies de l’information et de la communication (TIC). Bref ! L’avènement de cette technologie numérique si séduisante, à l’instar du développement industriel qui s’est opéré dans le monde en général et en Europe en particulier a entraîné des bouleversements économiques culturels et sociaux profonds.
Au même titre que le développement de la mécanisation et de la robotisation dans les industries manufacturières qui a réduit fortement le nombre d’ouvrier qui était employé dans les usines ; le numérique en tant que technologie tout en créant certes de nouveaux emplois menacent également de disparition certains métiers tels que le preneur de son et le monteur dans le secteur du journalisme de télévision en pratique.
Jadis, en télévision, une équipe de reportage était traditionnellement composée d’un journaliste, d’un cameraman et d’un preneur de son. Ce qui veut dire que chacun d’entre les trois avait une spécialité et un travail bien précis dont il était seul responsable. Le travail de chacun était complémentaire au travail de chacun d’entre eux c’est-à-dire de l’autre. L’élément de reportage était la résultante d’un travail de collaboration de trois spécialistes.
Le développement du matériel technique c’est-à-dire de la camera qui passe de l’analogie au numérique et du matériel de son a facilité sans nul, au jour d’hui, et la prise de vue et la prise de son avec comme conséquence immédiate la diminution du nombre des membres d’une équipe de reportage de trois par équipe de reportage ils vont passer à deux. De fait, le preneur de son est exclu de l’équipe de reportage.
Cependant, on doit souligner qu’à côté du développement de la technologie et du matériel technique de prise de vue et de son à l’origine de l’ostracisme actuel du preneur de son dans une équipe de reportage de télévision, on peut également évoquer d’autres facteurs ayant éventuellement favorisés cette exclusion tels que : la qualité de l’environnement de la rédaction, le déficit de ressources humaines et l’incapacité des chaines de télévision à employer davantage de personne appartenant à la qualification visée.
L’image, la lumière et le son sont le fondement principiel de la télévision et sont d’égal d’dignité et d’importance. Ces éléments (image, lumière et son) sont intrinsèques, dépendants et complémentaires. Dans ce cas, l’avancée de la technologie doit-elle justifier la menace de disparition du preneur de son dans une équipe de reportage télé ? En tout cas, en pratique, il a presque disparu !
Parlant du monteur, il est un technicien chargé du montage d’un film, d’une émission ou d’un reportage etc. Par ailleurs, le montage vidéo consiste à sélectionner des images enregistrées et à les assembler en une suite cohérente. En somme, le montage, c’est l’une des étapes de post-production dans la réalisation d’un documentaire, d’un téléfilm, d’un reportage vidéo et d’un film d’animation.
Au niveau du montage vidéo, là aussi, force est de constater que l’évolution de la technologie c’est-à-dire le numérique a entraîné des mutations importantes et dans l’apprentissage et dans l’exercice du métier de monteur vidéo. Depuis les années 2000 et avec l’avènement de la technologie numérique, le cinéma exploite le montage numérique dans une version spécifique, notamment en Haute Définition.
Pour le montage des reportages dans le cadre de la pratique journalistique au niveau de la télévision, de plus en plus on observe que le journaliste qui a appris à monter se passe des services du monteur pour ses éléments. Cette tendance est en phase de devenir sporadique. Est-ce que par manque de moyens des chaines de télévision ou par réalisme ou par volonté d’indépendance du journaliste.
Or, ce 21ème siècle qui a vu naître le développement extraordinaire des technologies de l’information et de la communication est marqué fortement par la vitesse et la compétition. Entrées dans nos vies individuelles et collectives ces technologies ont créé en même temps la dépendance de ses usagers.
Avec l’ouverture et l’éclatement du paysage médiatique et le pullulement des chaines de télévision au Sénégal, on assiste à une course effrénée au scoop et à l’audimat. Ainsi donc, dans un environnement caractérisé par un besoin accru des populations en matière d’information, par la vitesse, et par une âpre compétition entre chaines de télévision, et devant le temps d’attente consenti en salle de montage pour monter ses éléments de reportage, les journalistes du secteur de la télévision semblent appliqué désormais cet adage « n’attends pas de quelqu’un ce que tu peux faire toi-même ».
Ainsi, on observe que ceux qui savent monter, montent eux-mêmes leurs éléments de reportage. En résumé, si cette tendance continue et se développe, sans un recrutement conséquent des chaines de télévision de monteurs en nombre suffisant, et de matériel de montage « le monteur de reportage » risque de disparaître. Il va rester sans nul doute « le monteur de film, du journal et des émissions ».
Cette polyvalence du journalisme de la télévision évoquée ci-dessus est à saluer par ce qu’elle assure son autonomie et son efficacité dans le cadre de son travail. C’est le cas des envoyés spéciaux et des correspondants régionaux des chaines de télévision.
Les TIC ont substantiellement chamboulé l’exercice du métier du journaliste qui du coup ne devient plus le seul à donner l’information aux populations autrement dit à informer celles-ci de ce qui se passe au sein de la société. Avec l’internet, et avec l’apparition de sites web et de blog, fournir et accéder à l’information sont devenus plus démocratiques. Ce n’est plus l’œuvre d’un seul corps ou d’une seule personne.
Chacun peut informer selon sa cible. Au jour d’hui, les téléphones portables permettent non seulement de donner de l’information par le bais du transport de la voix mais aussi des images aux télévisions. Donc, par le biais de la technologie, le consommateur sénégalais est devenu acteur à part entière de l’information. Il ne se contente plus de consommer, il consomme et fait consommer l’information.
Devant tous ces bouleversements intervenus dans le secteur de l’information et de la communication induits par l’avènement des TIC, quelle doit être la place du preneur de son et du monteur dans le journalisme du secteur de la télévision ?
Baba Gallé Diallo, réalisateur
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(Source : Leral, 22 juin 2015)