L’Association de la presse culturelle du Sénégal (Apcs) a tenu ce samedi au Centre culturel Blaise Senghor une conférence sur le thème «Des perspectives esthétiques et économiques pour la musique au Sénégal». Il était important pour les acteurs de la presse, réunis autour de la culture, d’évoquer la dématérialisation des supports et les défis qualitatifs qui se posent dans le contexte du numérique.
En ce mois de ramadan, les journalistes culturelles ont célébré à leur manière la fête de la musique. Ils ont invité Cheikh Fall du Réseau des blogueurs du Sénégal, l’expert en Droits d’auteurs et Droits voisins Bouna Manel Fall, Aziz Dieng de l’Association des métiers de la musique, et le slameur Birom Ceptik Seck afin de discuter des problèmes qui secouent le secteur de la musique à l’ère du numérique. «Il n’y a plus de Cd, ni lecteur, ni cassette. On a plus besoin d’en acheter, on regarde tous les vidéos à la Tv ou sur le net. Les réseaux sociaux faciles à utiliser sont aussi moins coûteux et accessibles à tout le monde. L’artiste y atteint une cible plus large en un temps record» a constaté Cheikh Fall. Ceci du point de vue du blogueur, contribue à dématérialiser les supports de diffusion. «La révolution digitale change la donne. On se retrouve dans un écosystème où consommateurs, diffuseurs et éditeurs sont confondus. Tout le monde est consommateur et le consommateur dicte sa loi». Ceci ne contribue pas à faciliter la tâche au musicien. Ce dernier est alors obligé de s’adapter et de suivre les lois du marché. Il se forge ainsi une e-réputation et une audience spécifique dans le web et en tire tout de même quelques avantages.
Les perspectives économiques pour la musique
«L’internet, je le prends comme un bonus». Le slameur Birom Ceptik Seck soutient que l’internet est une aubaine pour sa carrière artistique. «J’y rencontre des artistes que je n’aurais jamais imaginé rencontrer. Je fais même avec eux des concerts». C’est alors une chance inouïe pour lui. Et au-delà des rencontres qu’il peut y faire, Ceptik gagne aussi de l’argent, rien qu’en postant des vidéos et à partir du nombre de view et de likes. «Je récupère cela en termes d’argent avec les nombres de vues sur ma page». L’internet présente par ailleurs d’autres avantages, parmi lesquels, la naissance de nouveaux métiers. Elle garantit aussi pour l’artiste la traçabilité et la pérennité de son œuvre. C’est à dire l’intemporalité des contenus sur internet. «Lorsque le musicien y fait entrer ses sons, il peut le retrouver même des années après. L’outil numérique est une véritable vitrine qui me dit où est ce que j’en suis et qui me pousse à travailler» a convaincu l’artiste. Mais les notions de droits d’auteurs et de propriété intellectuelle sont-elles prises en compte dans ces espaces numériques ?
Droits d’auteurs et droits voisins au Sénégal
«Le principe fondamental du droit d’auteur est que celui qui crée doit nécessairement bénéficier de rémunération. Au Sénégal, il y a pourtant des gens très créatifs, pourquoi devraient-ils alors créer gratuitement et continuer à créer gratuitement ?» C’est la question que se pose Aziz Dieng de l’Association des métiers de la musique. Au Bureau sénégalais des droits d’auteurs (Bsda) où l’on prenait en charge toutes ces questions, l’on ne pouvait même pas identifier l’ayant droit. A qui versait-on ces droits ? Bouna Manel Fall de la Société sénégalaise des droits d’auteurs et droits voisins (Ssdadv) suggère ainsi pour mettre fins aux impairs la mise en place d’un cadre juridique qui définit le périmètre. «On vit à une époque extraordinaire. Une époque numérique qui appelle à une adaptation. Le juriste s’essouffle à force de poursuivre le technicien. Il faut alors des lois idoines». C’est dans ce cadre que l’on réfléchit déjà à la Ssdadv sur un Projet de loi dans lequel tout le paysage audiovisuel sera réaménagé afin de mieux prendre en compte les droits d’auteurs. Selon M. Fall, il est important à l’ère du numérique de savoir qui fait quoi et qui paye quoi. «Le numérique est une aubaine, avec le multiplexage, le contrôle sera plus facile. Et le décodeur est une véritable arme économique sur laquelle on peut compter. Nous gardons l’œil sur ces décodeurs» conclut-il.