samedi, novembre 23, 2024

Rufisque Tech Hub : Militants de la démocratie sur Internet

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A Rufisque, des passionnés de nouvelles technologies ont fondé une communauté pour aider le grand public à s’approprier Internet et les nouveaux outils de communication. Un projet porté par une volonté de rendre la démocratie plus participative.

La salle, située dans un immeuble récent de Rufisque, paraît bien vide. Elle n’est dotée que de quelques tables et de deux ordinateurs. « Tous les membres ont une activité en journée, mais le soir, il y a de la vie ici, promet Alexandre Lette, et quand on organise des formations, il y a des gens partout. » Ici, c’est le Rufisque tech hub (Rth), dont le jeune journaliste est le co-fondateur. Rth est une communauté ouverte à tous, dont les membres partagent une passion commune pour les nouvelles technologies. Son noyau dur d’une dizaine de personnes s’est donné une mission : Rendre les Tech­nologies de l’informations et de la communication (Tic) accessibles au grand public. Organisations de conférences et de journées de formations, projets étudiants, l’association intervient dans tout le département de Rufisque, à Dakar et prévoit même une « Caravane 2.0 » pour rendre leur mission itinérante.

Les membres du Rth sont-ils de simples geeks souhaitant partager leur passion, ou bien leurs motivations sont-elles porteuses de valeurs plus militantes ? Pas d’ambiguïté, nous avons à faire à une communauté citoyenne : « Les technologies sont un terreau fertile de l’expression de la citoyenneté, expose Alexandre Lette. Le citoyen est plus qu’un simple habitant, il est un acteur de son terroir. Il s’implique dans les décisions publiques qui ont un impact sur la population. Or, le fait même d’aborder la question des préoccupations des gens sur les réseaux sociaux ou via des médias sur le web permet de s’approprier ces problématiques. Internet est la garantie d’un espace participatif. »

Promouvoir le débat entre citoyens

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Donner un coup de fouet à la démocratie locale grâce aux liens que permettent de tisser les Tic, l’idée ne s’est pas imposée en un jour. « Le déclic s’est fait pendant la période électorale de 2011-2012. Il y avait un état de tension autour de la candidature de Abdoulaye Wade. J’ai ressenti la nécessité d’en parler, d’ouvrir un espace d’expression sur internet », raconte Alexandre. Avec des amis originaires de la région de Rufisque, ils lancent le hub il y a trois ans. A force de nouer des contacts, de sensibiliser la population, de soutenir les initiatives de citoyens assoiffés d’infos et de débats, l’association grandit en nombre de sympathisants et en influence. L’an dernier, pour les élections municipales, elle assure une veille sur les campagnes des candidats et leurs programmes… et héberge des débats entre électeurs. « Les jeunes ne sont pas trop impliqués dans la vie politique, remarque Ibra Seck Cassis, chef de projet et co-fondateur du Rth. Avec l’arrivée des nouvelles technologies, certaines personnes qui n’avaient même pas de carte d’électeur ont pris goût à la politique et sont même allées voter. Les débats organisés sur le net étaient aussi suivis par des gens qui n’ont pas accès aux machines, comme la famille ou les amis de ceux qui débattaient sur les réseaux sociaux. On entendait parler de ces débats jusque dans la rue. »

Au-delà des périodes électorales, la démocratie prônée par le Rth s’exprime en continue via plusieurs projets. Le plus actif d’entre eux : Le média web « Echo2­rues.com », basé à Rufisque, un journal où tout un chacun peut écrire. « Le contexte de naissance d’Echo2rues, c’est un pays qui manque de médias citoyens, où quand tu n’es pas une personne influente, tu n’as pas accès aux médias, déplore-t-on au Rth. Ce projet participatif permet de donner la parole aux citoyens, en plus d’être une passerelle entre les associations locales. » Agé de deux ans, Echo2rues se détache progressivement du hub. Le média se fonde sur une communauté différente du Rth, organise ses propres rencontres culturelles et ses publications ne sont pas toujours en accords avec les convictions personnelles des fondateurs de l’association. Le signe d’une indépendance en marche.

Les membres du Rufisque Tech Hub ont bien d’autres projets, lancés ou encore au stade de l’idée. La retransmission en direct sur internet des conseils municipaux du département par exemple a déjà été expérimentée plusieurs fois. Mais elle souffre de difficultés techniques et de la réticence de certains élus, gênés par tant d’exposition.

La route est encore longue pour que les technologies revitalisent la démocratie. Mais c’est celle qu’ont choisie d’emprunter les membres du Rufisque Tech Hub.

Grégoire Nartz

(Source : Le Quotidien, 17 avril 2015)