L’écosystème des Fintech au Sénégal est en pleine croissance pour une inclusion financière. Avec la présence diversifiée des Fintech, le pays pourrait se positionner comme leader au niveau de la sous-région. Mais, cette volonté d’éclosion doit être associée à une volonté politique pour faire de ce secteur un levier de croissance. C’est la conviction de Oumar Cissé, fondateur du groupe INTOUCH SA, une Fintech panafricaine créée en 2014 et dont l’objectif est de démocratiser l’accès aux services financiers en Afrique où le taux de bancarisation reste très faible. L’ingénieur de conception en informatique, diplômé de l’Ecole Supérieure Polytechnique de Dakar et co-fondateur de Teranga Capital, est d’avis que le Sénégalais peut créer des champions locaux si les pouvoirs publics s’impliquent dans l’accompagnement et la promotion du secteur. Dans cet entretien, celui qui a lancé CTIC Dakar, premier incubateur dans les Technologies en Afrique de l’Ouest francophone, fait une large analyse des Fintech sénégalaises.
Directeur général de INTOUCH SA, comment se porte votre structure depuis l’arrivée de la pandémie de Covid-19 ?
Nous avons connu une croissance continue depuis la création de INTOUCH et ceci a continué malgré la pandémie. Cette pandémie a été plutôt un accélérateur pour le business. Nous avons pu accompagner pendant cette période des milliers de nouveaux clients dans l’acceptation des paiements et la digitalisation des services.
INTOUCH est présente dans combien de pays à l’heure actuelle ? Qu’est- ce que vous proposez de plus, au-delà d’être un agrégateur de moyens de paiement ?
INTOUCH est aujourd’hui présente dans 11 pays : Sénégal, Côte d’ivoire, Mali, Burkina Faso, Guinée Conakry, Kenya, Cameroun, Nigeria, Tanzanie, Ouganda, Mozambique. Nous nous positionnons aujourd’hui comme un tiers de confiance. Nous permettons à nos clients de sécuriser leurs transactions avec les opérateurs, de sécuriser leurs revenus avec tout un dispositif de support et de réconciliation que nous mettons en place. Nous adaptons les moyens de paiement à leurs besoins en offrant des parcours spécifiques, nous assurons une intégration à leur système d’information comptable et nous gérons la compense avec leurs différentes parties prenantes. Nous nous positionnons comme le partenaire de confiance de chaque transaction digitale.
Dans un entretien récent avec Jeune Afrique vous évoquiez que votre fintech avait presque fait 1 milliard d’euros de transactions en 2020. Avez-vous dépassé ce chiffre deux ans après ?
Nous avions bien dépassé ce chiffre.
En 2021, nous avons fait plus de 1,5 milliard d’euros de volume de transactions (plus de 1 000 milliards de FCFA). C’est un cap symbolique pour nous. Nous sommes très fiers d’avoir atteint cet objectif que nous nous étions fixé.
Nous avons pour objectif cette année d’atteindre le volume de 2 milliards d’euros de transactions.
Vous avez plus d’une dizaine d’années d’expérience dans le secteur des Fintech, comment analysez-vous l’évolution de ce secteur au Sénégal, avec l’arrivée par exemple de nouveaux acteurs comme Wave ?
Le Sénégal a toujours été très dynamique dans le domaine du digital. Cela s’est accéléré récemment avec l’arrivée des nouveaux moyens de paiement. Les opérateurs historiques y ont largement contribué et l’arrivée de Wave participe aussi à dynamiser ce secteur. Cela a forcément fait évoluer plusieurs aspects dans le secteur. Je pense que les années à venir verront de plus en plus d’acteurs qui vont apporter des innovations dans le secteur. Cela devrait permettre, si tous les acteurs jouent le jeu, de dynamiser encore plus le domaine des Fintech au Sénégal.
Quelle analyse faites-vous par rapport à cette nouvelle concurrence entre Fintech au Sénégal ?
La concurrence est toujours positive pour un secteur tant qu’elle reste saine. Les acteurs sont obligés de faire évoluer leurs offres toujours au profit de l’utilisateur final qui en définitive en est le plus grand gagnant. Cette arrivée de nouveaux acteurs a permis d’inclure financièrement des populations qui ne bénéficiaient pas encore des services financiers et d’améliorer le modèle économique proposé sur le marché. Cela n’est cependant pas sans conséquence sur certains acteurs qui sont dans la chaîne de valeur.
Le régulateur a quand même un rôle important à jouer pour que cet écosystème continue à se développer de manière pérenne.
Qu’est-ce qui bloque l’essor des Fintech au-delà du problème de la réglementation du secteur et du financement tant décrié par les acteurs ? Quel est le véritable défi à relever ?
Les Fintech ne se développeront que s’il existe un environnement favorable ou toutes les parties prenantes jouent leur rôle. Cet écosystème est bien plus mature dans certains pays anglophones, ce qui facilite le développement des Fintech dans ces pays. Ceci devrait être d’abord accompagné par une vision volontariste de l’Etat.
Le Sénégal qui se positionne comme un des leaders dans les services de manière globale dans la zone devrait saisir cette opportunité pour créer des champions dans le domaine des Fintech.
Ma conviction est que si nous devons développer un secteur de manière pérenne, il faut de manière volontariste créer des champions qui vont tirer l’écosystème vers le haut. Le Sénégal a tous les atouts aujourd’hui pour créer ces champions si la volonté politique existe.
Dans le domaine de l’entrepreneuriat, comment le Sénégal pourrait-il se positionner en tant que hub numérique leader en Afrique depuis l’adoption de sa stratégie « Sénégal Numérique 2025 » ?
Nous parlons beaucoup d’entreprenariat au Sénégal, mais nous n’y arriverons que si nous mettons en œuvre une stratégie cohérente dans ce sens. Les initiatives éparses ne pourront pas nous permettre d’atteindre des résultats significatifs si nous n’arrivons pas à bâtir toute une chaîne qui partirait de la formation jusqu’au développement de champions, en passant par le renforcement de toutes les structures d’accompagnement au niveau des différents maillons de la chaîne. Je pense que la vision intègre cela, mais nous pêchons encore dans la mise en œuvre.