lundi, novembre 18, 2024

Meta, le pari à risque de Facebook, qui va coûter cher avant de rapporter

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En renommant son groupe Meta, le PDG de Facebook Mark Zuckerberg tente une diversion mais fait aussi un pari gigantesque, celui du métavers, au risque d’y consacrer des dizaines de milliards de dollars sans certitude de retour sur investissement.

Si beaucoup de commentaires qui ont suivi l’annonce de jeudi ont moqué ou critiqué ce qui était vu comme une manoeuvre grossière pour se distancier des déboires récents de Facebook, d’autres voyaient déjà plus loin.

« Cela signifie que le métavers n’est pas un projet accessoire », a estimé Colin Sebastian, analyste de Baird. « L’entreprise est totalement engagée dans le développement de la prochaine plateforme numérique, le successeur de l’internet mobile. »

Lundi, lors de la présentation des résultats, Mark Zuckerberg a estimé que les sommes consacrées à Facebook Reality Labs, la tête de pont du métavers, allaient amputer le résultat opérationnel (la marge tirée des activités du groupe) de plus de dix milliards de dollars, dès cette année.

« Et je prévois que cet investissement va croître chaque année à l’avenir », a révélé le cofondateur du réseau social.

Autant de dizaines de milliards de dollars qui manqueront à une société qui, avant de transformer le métavers en réalité tangible, doit continuer à faire fructifier son modèle actuel, basé sur la publicité, actuellement sous pression.

Les documents internes exfiltrés par la lanceuse d’alerte Frances Haugen ont montré que le groupe de Menlo Park (Californie) s’inquiétait de pas recruter suffisamment d’utilisateurs au sein de la jeune génération, non seulement sur Facebook, déjà boudé depuis longtemps, mais aussi sur Instagram.

Par ailleurs, la récente mise à jour du système d’exploitation de l’iPhone a perturbé sa relation avec les annonceurs, qui manquent désormais de visibilité sur l’efficacité de leurs campagnes.

C’est aussi l’un des enjeux phares du projet métavers, qui cherche à contourner Apple et tous les intermédiaires en proposant un écosystème qui se suffit à lui-même, explique Audrey Schomer, analyste du cabinet eMarketer.

Mark Zuckerberg a ainsi beaucoup insisté sur la nécessité de l’interopérabilité (facilité des transferts entre univers virtuels): il a invité des acteurs extérieurs à se joindre à l’aventure, tout en se positionnant comme le créateur et le référent d’un système universel comme ont pu l’être l’App Store d’Apple, le moteur de recherche de Google ou même l’internet dans son ensemble.

L’enjeu de la VR

La création de Meta ne ressemble pas à celle d’Alphabet, devenu maison mère de Google en 2015, car elle ne signalait pas un changement de paradigme. Et pour Colin Sebastian, « ce n’est pas (non plus) un +moment iPhone+ », qui rappellerait le lancement de ce qui allait devenir le produit phare d’Apple.

A l’époque, le directeur général Steve Jobs avait un produit disponible à présenter, ce qui n’est pas le cas de Mark Zuckerberg, souligne l’analyste. Colin Sebastian considère néanmoins que le lancement du Cambria, le nouveau casque de réalité virtuelle de Facebook/Meta attendu l’an prochain, sera « une étape cruciale pour les produits VR et l’AR (réalité augmentée) ».

Se pose néanmoins la question de l’attractivité d’un univers parallèle, VR et AR étant actuellement bien moins populaires que prévu il y a quelques années. 

« Aujourd’hui, la réalité virtuelle semble menacée de caler complètement, et de ne devenir qu’une petite partie de l’univers des passionnés de jeux vidéo », a réagi, sur son blog, Benedict Evans, spécialiste de la technologie.

Pour Audrey Schomer, ce relatif échec tient, pour partie, au prix assez élevé des casques de réalité virtuelle, mais aussi au fait qu’il « n’y a pas assez de contenus attractifs disponibles ».

Pour accélérer la pénétration de ces appareils, Mark Zuckerberg veut les vendre « à prix coûtant ou les subventionner », c’est-à-dire les vendre à perte ou les donner, tout en prévenant: « nous devons nous assurer que nous ne perdrons pas trop d’argent en route ».

Les annonces de Mark Zuckerberg depuis lundi n’ont pas inquiété pour l’instant les analystes qui, à une ou deux exceptions près, conseillent toujours, par dizaines, de conserver ou d’acheter le titre Facebook, et le voient encore gagner 20% dans l’année qui vient.

« La voie de Facebook vers le métavers est relativement dégagée », affirme, sur Twitter, Eric Seufert, analyste pour le site Mobile Dev Memo. 

Pour lui, le groupe est déjà engagé sur « la voie de l’inévitabilité », celle qui va en faire « l’entreprise la plus importante dans la vie de la plupart des Terriens pour les 20 ou 30 prochaines années ».

AFP