vendredi, novembre 22, 2024

Ce qui s’est passé entre l’influenceuse guinéo-malienne, Mamasita et Sidiki Diabaté

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Avis de tempête sur la scène musicale malienne. Sidiki Diabaté, chanteur en vogue, fils du très grand joueur de kora Toumani Diabaté et petit-fils du légendaire musicien Sidiki Diabaté (1922-1996), surnommé le « roi de la kora », est accusé par une ancienne compagne de violences et de séquestration.

L’affaire a pris de l’ampleur avec la diffusion, sur les réseaux sociaux, d’images montrant les cuisses, les hanches et le dos tuméfiés d’une jeune femme identifiée comme Mariam Sow. Cette influenceuse guinéo-malienne de 23 ans, également connue sous le pseudonyme de Mamasita, a vécu une histoire avec l’artiste et a confirmé que c’était bien elle qui apparaissait sur les photos.

Ces dernières, a-t-elle précisé, « datent d’il y a un an ». Mais « j’ai subi pire que ça, je me demandais s’il savait ce qu’il faisait », a confié Mariam Sow à la télévision guinéenne, évoquant les coups de « rallonge » que le chanteur lui a assénée et sa séquestration dans une maison pendant deux mois.

L’influenceuse aurait profité d’un moment d’inattention du « gars » qui la surveillait pour s’enfuir. Elle a depuis saisi la justice. Les faits s’étant déroulés au Mali, une plainte a été déposée vendredi 18 septembre devant le tribunal d’instance de la commune 3 de Bamako.

« C’est une survivante »

L’affaire fait écho aux accusations portées récemment contre le rappeur français Moha La Squale. Contacté par Le Monde Afrique alors qu’il se trouvait en compagnie de son avocat, Sidiki Diabaté s’est dit « serein », décrivant l’affaire comme « plus compliquée qu’il n’y paraît ». C’était avant sa convocation par la brigade d’investigation judiciaire malienne lundi 21 septembre. L’artiste aux millions de téléchargements a, depuis, été placé en garde à vue.

De son côté, Mariam Sow « ne cesse de recevoir des menaces (…), mais elle se porte bien. C’est une survivante, elle suit des examens médicaux », a fait savoir son avocate, MNadia Myriam Biouele. La jeune femme est prise en charge avec le concours du One Stop Center, un lieu d’accueil pour les victimes de « violences basées sur le genre », qui a traité 375 cas similaires entre 2017 et décembre 2019.

Lire aussi: Portrait de Mariam SOW, l’ex-petite amie de Sidiki Diabaté

Un chiffre « faible, très faible », selon Sadya Touré, militante féministe malienne et présidente de l’association Mali Musso, qui facilite l’insertion professionnelle des femmes. La décision de déposer plainte contre Sidiki Diabaté, estime-t-elle, « montre aux femmes qui sont dans le silence qu’elles peuvent être soutenues et qu’elles peuvent parler malgré les intimidations ».

Très vite, des hashtags – #JeSuisMamasita, #BoycottSidikiDiabaté et #ShameonSidiki – ont éclos sur Twitter. Des groupes de soutien se sont créés. L’un d’eux, sur Facebook, compte près de 3 000 membres. « Ne relâchons pas. Maintenons la pression pour que la justice fasse son travail », peut-on y lire.

Des nominations annulées

Cette vague d’indignation n’a pas été sans effet sur la participation de l’artiste aux différents événements musicaux du continent. Dans la journée du lundi après le dépôt de plainte, l’organisation des African Muzik Magazine Awards (Afrimma), une cérémonie qui récompense les meilleurs artistes africains depuis Dallas, a annoncé le « retrait de la nomination de l’artiste malien Sidiki Diabaté ». « Une étape nécessaire au regard des accusations à son encontre, précise le communiqué. Alors que le talent de Sidiki Diabaté est connu et reconnu, nous nous opposons à tous types de violences contre l’être humain et nous ne tolérons pas ce genre de comportement. »

Même son de cloche le lendemain du Prix international des musiques urbaines et découpées (Primud) à Abidjan. « Le comité d’organisation décide de la suspension de l’artiste Sidiki Diabaté pour les Primud 2020 », a informé un communiqué, alors que le Malien de 28 ans était nommé dans la sélection des meilleurs artistes de l’Afrique de l’Ouest francophone.

Pour la féministe Sadya Touré, la notoriété du « petit prince » de la musique malienne ne doit pas monopoliser l’attention sur un sujet tristement banal. « Chaque cas est de trop et qu’importe la personnalité ou la posture de l’agresseur, si rien n’est fait, on assistera toujours au silence des victimes », explique-t-elle.

Profitant du renouveau politique que connaît le pays depuis le renversement du régime d’Ibrahim Boubacar Keïta (« IBK ») le 18 août, la militante a annoncé l’organisation d’une marche samedi 26 septembre « afin de proposer notre projet de loi anti-VBG [violences basées sur le genre] aux nouvelles autorités ».

Paul Lorgerie(Bamako, correspondance)

Avec Lemonde