Or, argent, cuivre, platine, palladium, ruthenium, rhodium, iridium, osmium… Alors que le volume d’appareils technologiques en circulation va grandissant avec la numérisation progressive du monde, la quantité de déchets EEE auquel fait face le continent s’accentue également. Si l’Afrique a pendant longtemps omis d’investir rigoureusement dans le recyclage, aujourd’hui il devient très rentable de le faire au regard des enjeux économiques en présence.
Les équipements électriques et électroniques (EEE) sont devenus un élément essentiel de la vie quotidienne en Afrique. Leur disponibilité et leur utilisation généralisée ont explosé au fil des années, permettant à une partie de plus en plus large de la population de bénéficier de conditions de vie plus agréables. Mais, cette consommation massive des EEE génère également des volumes de déchets non négligeables qui représentent un danger pour l’environnement et la santé humaine.
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Dans le rapport « The Global E-waste Monitor 2020 : Quantities, flows and the circular economy potential », l’Université des Nations-Unies (UNU), l’Institut des Nations-Unies pour la formation et la recherche (UNITAR), l’Union Internationale des Télécommunications (UIT) et l’Association internationale des déchets solides (ISWA) considèrent comme déchets électriques et électroniques la large gamme de produits intégrant des composants de circuit électronique avec une alimentation électrique ou par batterie. On y range les téléphones mobiles, ordinateurs, tablettes, téléviseurs, appareils photo, drones, etc. Les Nations-Unies estiment à 2,9 millions de tonnes métriques (Mt) le volume de déchets EEE généré par le continent en 2019.
Ce volume qui représente 5,41% des 53,6 millions de tonnes métriques de déchets généré par le monde, en croissance de 9,2 Mt depuis 2014, devrait être triplé en prenant en compte les déchets exportés frauduleusement vers l’Afrique.
Sur les 2,9Mt de déchets produits par l’Afrique, le Global E-waste Monitor 2020 révèle que seul 0,03 Mt, soit 0,9% ont été recyclés contre 42,5% en Europe ; 11,7% en Asie ; 9,4% en Amérique et 8,8% en Océanie. Un gâchis en somme.
Bien qu’ils soient dangereux, ces déchets représentent toutefois une nouvelle forme de mines de matières rares et précieuses que négligent encore de nombreuses nations africaines. Sur les 2,9Mt de déchets produits par l’Afrique, le Global E-waste Monitor 2020 révèle que seul 0,03 Mt, soit 0,9% ont été recyclés contre 42,5% en Europe ; 11,7% en Asie ; 9,4% en Amérique et 8,8% en Océanie. Un gâchis en somme.
Potentiel mal exploité
Les déchets électroniques, « contiennent plusieurs métaux précieux, critiques et autres métaux non critiques qui, s’ils sont recyclés, peuvent être utilisés comme matières secondaires », souligne le Global E-waste Monitor 2020 ». Or, argent, cuivre, platine, palladium, ruthenium, rhodium, iridium, osmium, etc.
Dans son rapport sur les équipements électriques et électroniques publié en novembre 2017, l’Agence de la transition écologique, anciennement Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), affirmait qu’« une tonne de cartes électroniques peut contenir jusqu’à 200 grammes d’or tandis qu’une mine produit 5 grammes à la tonne ». « La valeur des matières premières dans les déchets électroniques mondiaux générés en 2019 est égale à environ 57 milliards de dollars américains. Le fer, le cuivre et l’or contribuent principalement à cette valeur. ».
« La valeur des matières premières dans les déchets électroniques mondiaux générés en 2019 est égale à environ 57 milliards de dollars américains. Le fer, le cuivre et l’or contribuent principalement à cette valeur. »
« Avec le taux actuel de collecte et de recyclage documenté de 17,4%, une valeur de matière première de 10 milliards USD est récupérée de manière écologique à partir des déchets électroniques dans le monde », indique le rapport qui souligne d’autre part qu’au-delà du gain purement financier à saisir, le bénéfice écologique n’est pas négligeable. « Le recyclage du fer, de l’aluminium et du cuivre a contribué à une économie nette de 15 Mt de CO2 ».
The Global E-waste Monitor 2020 révèle que la gestion des déchets électroniques en Afrique est dominée par des collecteurs et des recycleurs prospères du secteur informel dans la plupart des pays. Il n’existe ni systèmes de reprise organisés, ni dispositions de licence pour le tri et le démantèlement des déchets électroniques. Le contrôle gouvernemental de ce secteur est actuellement très minime et inefficace. Peu de pays, comme l’Afrique du Sud, le Maroc, l’Égypte, la Namibie et le Rwanda, ont mis en place des installations pour le recyclage des déchets électroniques, mais celles-ci coexistent avec un secteur informel plus important. Sur 43 pays africains étudiés dans le rapport, il ressort que seuls 13 pays se sont dotés d’une législation/politique ou réglementation nationale sur les déchets électroniques.
Perspectives
Selon BCC Research, le marché mondial de la fabrication de produits électriques et électroniques devrait passer de 3150,5 milliards de dollars US à 3055,2 milliards de dollars US en 2020 du fait de la Covid-19 mais se redresser ensuite pour atteindre 3699 milliards de dollars US en 2023. Ces données indiquent que des centaines de millions d’appareils seront vendus dans le monde, notamment en Afrique.
Peu de pays, comme l’Afrique du Sud, le Maroc, l’Égypte, la Namibie et le Rwanda, ont mis en place des installations pour le recyclage des déchets électroniques.
En prenant en compte l’obsolescence programmée visant à augmenter le taux de remplacement de ces appareils électriques et électroniques, le nombre de déchets ira certainement grandissant. La transformation numérique du monde pourrait même faire exploser le marché des produits électriques et électroniques. Dans cet environnement 2.0, investir véritablement dans le recyclage pour l’Afrique reviendrait alors à faire d’un problème vieux de plusieurs années, une source de revenus pérenne et d’emplois rentables. Il s’agirait de revendre aux fabricants d’appareils électriques et électroniques divers composants précieux de leurs propres appareils arrivés en fin de vie. Reconditionnés, ils pourraient resservir dans de nouveaux produits. Une option de production qui leur reviendrait moins cher. Au final, les volets économique, social et environnemental assurés, tout le monde serait gagnant.
Muriel Edjo