vendredi, novembre 22, 2024

Coronavirus, d’un jeu à la réalité ?

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Une application dénommée « Plague » permet d’accéder à un jeu qui consiste à exterminer l’Humanité par le moyen de la dissémination de virus, à l’échelle planétaire, à partir d’un seul patient. Ce jeu, comme des millions d’autres qui foisonnent sur internet, est d’une
violence inouïe dans son énoncé : « C’est un jeu de stratégie où votre but est d’infecter toute
l’Humanité avec un virus fatal.» Rien de moins ! Lorsque l’on sait que ce jeu existe depuis
huit ans et que, environ 100 millions de personnes s’y adonnent avec un très fort risque
d’addiction, on commence à mesurer l’ampleur du danger. Mais voyons comment
jouer : « vous devez, premièrement, déterminer comment vous voulez transmettre et
développer votre virus, choisir différents pathogènes et symptômes afin d’infecter la
population globale. Vous aurez donc une tonne de différentes maladies à votre disposition »
nous apprend une des plateformes de téléchargement de l’application « Plague. » Ensuite ?
« Vous devrez non seulement vous concentrer sur le développement de votre maladie, mais
aussi tenter de la faire répandre à travers les cinq continents de la façon la plus efficace
possible. Vous tenterez d’éliminer toute forme de vie humaine, pays par pays… »

C’est en discutant avec mon fils aîné de l’actualité, et notamment du défi de santé publique
que constitue la survenance du coronavirus et sa dissémination, qu’il m’a appris l’existence
de ce « jeu » et m’a initié afin que je puisse mener des investigations sur le sujet. Ce que j’ai
appris est suffisamment renversant. Mais ce qui me terrifie davantage, c’est tout ce que
j’ignore sur le sujet ! Car si l’on se dit que ce type de jeux est accessible à partir de trois
ans ( !), on peut penser que des enfants qui auront grandi avec ce type de conditionnement
mental deviendront des monstres en puissance. Ils auront banalisé la notion de sacralité de
la vie humaine. Ils auront détruit, en eux, la frontière entre les notions du Bien et du Mal. Ce
qu’il y’a de plus terrifiant encore, c’est que le jeu met à la disposition des participants des
outils et laisse libre cours à leur imagination. C’est à qui sera le plus inventif pour créer et
disséminer des virus, semer la mort et la désolation. Ainsi, le développeur du concept
enrichit son outil à la mesure de l’imagination fertile de millions de joueurs à travers le
monde. Et… gratuitement ! On peut alors se demander, dans le contexte d’un monde où la
notion de guerre bactériologique ne relève plus de la fiction, dans quelles mains pourraient
tomber les fruits de cette « expertise du mal » planétaire ?

Pour revenir à l’actualité, est-ce un hasard si, depuis le début de la dissémination du
coronavirus en Chine, « les ventes du jeu mobile «Plague inc, qui simule l’extension de
plusieurs types d’épidémies à l’échelle mondiale, ont littéralement explosé. En quelques jours
le jeu s’est notamment classé en tête des téléchargements sur le magasin d’applications
d’Apple en Chine ! » Selon les chaines de télévision, française LCI et britannique BBC. D’après
le site Steam Charts «  les ventes mondiales du jeu ont augmenté de 102% au cours des
derniers jours. » Cette tendance est telle que le développeur de l’application, James
Vaughan, s’est senti obligé de communiquer en raison de la saturation de sa plateforme de
jeu envahie par des joueurs du monde entier et notamment de Chine. Cela pourrait
s’expliquer par le désir de comprendre ce qui se passe face à la nouveauté du coronavirus,
quoique le développeur précise que son application « n’est qu’un jeu vidéo, pas un modèle
scientifique.» Il aura du mal avec cette génération du numérique qui aura de plus en plus de difficultés à distinguer le virtuel du réel. Et cela constituera, aussi, un autre défi majeur de santé publique mentale pour les années à venir.

Tout cela doit nous pousser à nous interroger, plus sérieusement, sur les questions éthiques,
spirituelles et morales sans lesquelles la déshumanisation de notre espèce pourrait atteindre
un point de non-retour. Environ 100 millions de joueurs de « Plague » à travers le monde,
c’est un chiffre important. Si l’on imagine des enfants devenus adolescents qui s’y adonnent
depuis leur bas âge, on peut s’interroger sur la santé mentale des plus fragiles d’entre eux.
Le basculement de la fiction à la réalité peut s’opérer subrepticement… Imaginons que l’une
de ces personnes, devenue adulte mais immature, ait accès, dans la vraie vie, à des vrais
virus. Imaginons qu’il soit lui-même infecté par un virus extrémiste. Imaginons…
Dans le contexte d’un monde ou les extrémistes de tout poil sombrent dans la paranoïa
démographique, notamment en Occident, il est important que les enjeux éthiques pour la
survie de l’Humanité soient replacés au-dessus des préoccupations financières qui
conduisent le monde vers sa perte. La prégnance du complexe militaro-industriel et de
l’industrie pharmaceutique sur le système libéral et capitaliste mondial est de plus en plus
porteuse de danger pour l’espèce humaine. Malheureusement, la plupart des institutions de
régulation et d’équilibre qui donnaient aux relations internationales du sens, sont
subjuguées voire sous contrôle de l’un ou de l’autre de ces deux mastodontes. Or, pour que
des armes soient fabriquées et vendues, il faut des guerres. Quitte à en susciter ? Pour que
des médicaments soient produits et écoulés, il faut des maladies. Quitte à en créer ?
Qui pour nous sortir de ce guêpier ?

 

Par Amadou Tidiane Wone